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Jean-Paul Brighelli donne à voir le fond de sa pensée ("Tableau noir")

Paru dans Scolaire le vendredi 29 août 2014.

"Me prend parfois (...) l'envie de me tourner vers le diable, si le diable me permet de sauver l'école." Cet aveu de Jean-Paul Brighelli à propos du "diable" Marine Le Pen, clôt son dernier livre, "Tableau noir". Il y reprend les chroniques qu'il publie régulièrement sur ses deux blogs des sites du Point et de Causeur et leur réunion permet de saisir la pensée de cet agrégé de lettres, enseignant aujourd'hui en classes préparatoires après avoir "bataillé cinq ans en collège, douze ans en ZEP, vingt ans dans les lycées les plus divers".

Il a pour principal ennemis les "pédagogistes" dont il dénonce "les lubies béates" et "l'idéologie Meirieu/Dubet", sans en donner d'ailleurs une définition. Il sont, pense-t-il, les responsables ou les complices de la réduction de l'Ecole à l'état de "cadavre". Autres ennemis, les administrateurs, surtout s'ils sont énarques, du ministère, lesquels sont "imbattables" pour "ne rien savoir" et produire des "directives pédagogiques imbéciles". L'auteur ne cite aucun nom ni ne donne d'exemples, établissant avec ses lecteurs un rapport de complicité, jouant sur la connivence. Les supposant enseignants comme lui, il leur laisse le soin d'appliquer ce qualificatif à tel propos de leur inspecteur ou à telle circulaire qui les a choqués. A ses autres lecteurs, il laisse le soin d'imaginer... S'y ajoutent les "ministres incompétents" et les "syndicalistes bornés".

Une vision de l'humanité et de l'Ecole

Ces attaques, souvent d'une rare violence, se situent dans un contexte politique, selon lui, de dissolution de la France dans l'Europe et de soumission aux impératifs budgétaires. "La stratégie de Lisbonne, qui est à visée économique, a pensé pour nous l'Education", elle fait passer l'Ecole "sous les fourches caudines de l'employabilité à tout prix" et le socle, imposé par l'Europe, "a réduit comme peau de chagrin les exigences scolaires". Là encore, l'affirmation vaut démonstration. Certains jugements emportent d'ailleurs une vision de l'humanité, comme la formule "caïds un jour, truands toujours". C'est pourquoi l'auteur se méfie des "bons sentiments" de la "pédagogie molle", et il ne cache pas ses angoisses personnelles : "C'est à l'Ecole de dispenser les Lumières. Sinon la nuit se fera très vite."

Mais le recueil ne révèle pas seulement une psychologie individuelle, il témoigne, par petites touches dispersées, d'une vision de l'Ecole. C'est d'abord une institution autonome dans la République. Par exemple, la Cour des comptes n'a pas à se mêler de son fonctionnement, et Bercy n'a pas à lui imposer ses règles. Mais dans cette institution, les individus sont seuls face à leur classe et à leur conception morale. "Un pédagogue doit fasciner, ou il n'est bon à rien (...) Les enseignants (...) font leur métier avec conscience, et ils le font de leur mieux. Et il serait sain qu'on le leur laisse faire." Pour Jean-Paul Brighelli, ce "on" correspond à une vaste nébuleuse qui rassemble les pédagogues ("fous" évidemment), l'administration, les politiques. Et pourtant, cette même puissance publique qui doit laisser faire devrait promouvoir les pédagogies traditionnelles et autoritaires, comme la méthode globale ou une Histoire qui soit un récit national. Au total, l'ouvrage hésite entre l'amour et la haine de l'Etat.

"Tableau noir, Que reste-t-il de notre école ?" Hugo & C°, 233 p., 16 €. En librairie le 4 septembre

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