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Quelles sont les alternatives au redoublement ? quelles sont ses fonctions ? Le CNESCO et l'IFE organisent une conférence de consensus

Paru dans Scolaire, Orientation le vendredi 29 août 2014.

Le coût pour l'institution scolaire du redoublement est de 1,6 milliard, dont 415 millions pour le premier degré, soit l'équivalent de 6 500 postes de professeurs des écoles, avec lesquelles pourraient être développées la prévention et des alternatives au redoublement. Mais quelle est la réalité du redoublement ? Quelles en sont les fonctions ? Comment le prévenir ? Le CNESCO (le Conseil national d'évaluation du système scolaire) et l'IFE (l'Institut français de l'éducation) présentaient hier 28 août la "conférence de consensus" qu'ils organisent sur ce thème. Elle a commencé au printemps dernier par des entretiens avec des acteurs de terrain et une analyse de la littérature internationale sur le sujet. La recherche a progressé ces dernières années. Elle montre que "la rétention en maternelle" peut être bénéfique aux élèves à court terme, mais que son effet "semble s'atténuer très rapidement". A l'école élémentaire, il peut avoir, au mieux, des effets positifs à court terme "s'il est accompagné d'autres remédiations telles que des cours d'été", mais ses effets s'estompent "très rapidement". Si les études sont assez nombreuses sur les effets du redoublement à l'école primaire, elles sont rares sur le niveau collège et inexistantes au niveau lycée.

En France, 28 % des élèves de 15 ans ont au moins un an de retard. C'est aussi le cas de 20 % des élèves qui vont en seconde générale, de 60 % des élèves qui sont en première année de "bac pro", et de 80 % des élèves qui sont en première année de CAP. Mais il faut distinguer les redoublements de "remédiation", qui concernent 3,4 % des élèves de CP et 4,1 % des élèves de CE1, des redoublements qui ont "une visée de stratégie familiale", ce qui est "massivement" le cas en 3ème (4,1 %) et en seconde (9 %). Autre enseignement de cette première phase de la conférence de consensus, le nombre des redoublements baisse sensiblement depuis 30 ans. La France qui avait le taux de redoublement le plus élevé parmi les pays de l'OCDE en 2009 est aujourd'hui dépassée par l'Espagne, le Portugal, le Luxembourg et la Belgique. Les garçons continuent de redoubler plus que les filles, mais l'écart se réduit. De même pour les enfants de familles monoparentales. Avoir une mère diplômée du supérieur "divise la probabilité d'avoir redoublé [à 15 ans] par trois par rapport à une mère ayant au plus le niveau collège", mais le niveau d'éducation du père ne joue plus. La nationalité de l'élève ou de ses parents n'a plus d'effet sur le redoublement. En revanche, le "statut d'emploi des parents" a un impact plus fort qu'en 2003: "un élève dont le père est au chômage ou travaille à temps partiel a deux fois plus de chances d'avoir redoublé qu'un élève dont le père travaille à temps plein." La durée de scolarisation en maternelle joue également un rôle déterminant.

Des fonctions du redoublement que la recherche méconnaît

Ces données, extraites de PISA, doivent encore être confirmées, elles sont nouvelles mais elles ne surprennent pas. Les entretiens avec les acteurs de terrain mettent en revanche un aspect du phénomène que la recherche méconnaît, ses fonctions latentes. La possibilité pour l'enseignant de menacer un élève de redoublement intervient dans la gestion de sa classe et l'affirmation de son autorité. De plus, laisser passer un élève faible dans la classe supérieure, c'est risquer de voir un collègue critiquer la qualité de son travail. A l'inverse, pour un établissement élitiste, le redoublement permet d'asseoir une réputation d'excellence, et permet d'inciter les élèves les plus faibles à choisir un autre lycée... Comme le souligne Michel Lussault, directeur de l'IFE, la lutte contre le redoublement va à l'encontre de la culture scolaire française, ce qui explique la relative timidité des textes, même si les injonctions faites aux chefs d'établissement sont bien réelles. Il évoque une certaine "hypocrisie" des politiques scolaires, et Nathalie Mons, présidente du CNESCO, parle du "désarroi" des enseignants qui assistent à des "passe d'armes" sur les méthodes de lecture ou sur le redoublement entre experts et politiques sans qu'on les interroge.

Reste donc à préciser les questions qu'ils se posent, ou que se posent les parents. Ce sera l'objet de consultations au cours du premier trimestre de cette année scolaire. Quelque 150 établissements ont demandé à être "partenaires de la conférence". Des débats en leur sein remonteront des interrogations qui seront transmises aux scientifiques de diverses disciplines. Au cours de séances publiques, ils présenteront leurs réponses. Un jury, "au terme des discussions, des analyses critiques de la littérature scientifique et des échanges entre participants" rédigera un ensemble de recommandations. Comme le souligne Michel Lussault, malgré son nom, une "conférence de consensus" n'a pas pour objet d'aboutir à un accord général, mais à "un texte final qui permettra en cheminement entre les désaccords", voire "malgré les désaccords" et qui mettra en évidence "des enjeux majeurs". Cette troisième phase de la conférence, au mois de janvier, sera suivie d'une phase de "diffusion des résultats".

Mieux connaître les initiatives des acteurs de terrain

C'est en effet, insiste Nathalie Mons au cours de cette première conférence de presse du CNESCO, une des fonctions du Conseil : faire connaître les résultats de la recherche sur l'Ecole française et sur ses partenaires, notamment les collectivités territoriales, "pour faire évoluer les pratiques", "de façon indépendante". Il a d'ailleurs d'autres sujets d'étude, comme l'amplification des inégalités territoriales, qu'on ne mesure pas et des inégalités sociales, dont tout le monde parle, mais sans qu'on en identifie les causes. Sur la mixité sociale, un forum est prévu au mois de novembre, en partenariat avec la Région Picardie, et il mettra en évidence des solutions concrètes et les initiatives des acteurs locaux, par exemple pour mixer les élèves de la voie professionnelle et de la voie générale. Le CNESCO a également noué des "partenariats internationaux forts", avec ministère Chinois de l'éducation, avec le Québec et avec la Commission européenne.

Cette conférence de presse a été l'occasion pour Marie-Christine Mengin, la principale du collège Louise Michel d'expliquer comment, avec ses collègues de trois autres établissements du 10ème arrondissement de Paris, elle a entrepris d'élaborer des alternatives au redoublement, avec une identification des élèves en difficulté et la mobilisation des intervenants, dont des enseignants retraités, les parents, les équipes médico-sociales, la Ville via son dispositif "Action collégien", les associations étudiantes, l'AFEV ou Zup de co, et des dispositifs comme "Accueil Pelleport" qui réunit l'Etat, la Ville et la CAF pour le soutien aux parents. Elle insiste sur l'importance de l'individualisation de l'aide et de la coordination des acteurs. Hors classe de troisième, le redoublement a disparu en deux ans ; en troisième, il a diminué de plus de moitié, mais il subsiste du fait des stratégies d'évitement de la voie professionnelle, malgré l'échec constaté des élèves que leurs parents inscrivent dans cette perspective. "Au début de l'année, ils ont de meilleurs résultats qu'au cours de leur première troisième, mais leurs notes s'effondrent ensuite." Reste aussi à savoir quelle est la suite de leurs études. D'où l'importance de disposer d'études longitudinales fines, comme le souligne Michel Lussault.

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