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Les conseils école-collège révélateurs des défauts d'organisation de l'Education nationale (inspections générales)

Paru dans Scolaire le mardi 19 août 2014.

La mise en place des conseils école-collège "peut être jugée globalement satisfaisante", mais "elle ne manque pas de soulever des interrogations", soulignent dans un rapport commun les deux inspections générales de l'Education nationale. Elles ont examiné les conditions de leur création, prévue par la loi d'orientation et un décret de 2013, avec "une mise en place progressive" au cours de l’année scolaire 2013-2014. Elles soulignent d'abord que la nécessité "d’assurer une liaison et une continuité entre les deux niveaux de l’enseignement obligatoire" est évoquée dans de nombreux textes depuis la création du collège unique au moins, mais qu'elle "ne s’est pas partout traduite dans la réalité" !

Elles rappellent aussi l'enjeu du CEC, "la progressivité des apprentissages de la maternelle au collège et la mise en cohérence des différents projets" sans se limiter au traitement de la difficulté scolaire. Elles évoquent encore "l’absence de directives ministérielles précises" qui, loin d'être un obstacle, a laissé aux acteurs locaux "une grande liberté d’organisation", sans doute nécessaire pour pallier les difficultés. Celles-ci tiennent notamment au "principe de la parité dans la représentation entre personnels du premier et du second degré". Si chaque école doit envoyer au moins un représentant, il devient difficile de trouver un nombre équivalent d'enseignants du second degré, à moins "de limiter le nombre de membres", par exemple un enseignant du 1er degré par commune, quel que soit le nombre d'écoles de la commune.

Des difficultés pécuniaires, juridiques, culturelles

L'absence d’indemnisation fait également problème. Dans certains endroits, les enseignants du second degré ont d'ailleurs quitté la salle lors de la première réunion pour protester. De plus, "les enseignants sont conscients que l’importance du travail à conduire dépasse la durée habituelle des rencontres. Il est loin d’être certain que le temps imparti pour les deux ou trois réunions annuelles soit suffisant pour que soient envisagés d’autres projets que la simple reconduction des actions antérieures dont l’évaluation a rarement été réalisée." Les frais de déplacement n'ont pas été budgétés. "Une estimation faite sur le département du Maine-et-Loire mélangeant zones urbaine et rurale pour trois réunions par an et une dizaine de membres donne un coût d’environ 40 000 € (...) La dépense risque d’être difficilement supportable pour les budgets départementaux." S'y ajoute la multiplication des réunions auxquelles sont astreints les enseignants des collèges : "C’est donc parfois les enseignants volontaires ou sollicités par le chef d’établissement qui ont été proposés au vote du conseil pédagogique (dès lors que celui-ci a une existence réelle) et non pas un choix ciblé sur certains profils d’enseignants, des compétences spécifiques ou des disciplines."

Il faut encore compter avec une différence de culture, "à l’exception des réseaux d’éducation prioritaire, les enseignants de collège (...) perçoivent la nécessité de repérer et prendre en charge les élèves en difficulté mais sont souvent démunis pour répondre à leurs besoins, tandis que l’assimilation de la liaison école-collège à la difficulté scolaire conduit les enseignants de collège des secteurs les plus favorisés à ne pas se sentir concernés par ce que peut apporter la nouvelle instance." Les difficultés sont aussi de nature juridique. Les textes instaurant le CEC "prévoient expressément la possibilité d’échanges de service, d’interventions conjointes, d’interventions des enseignants de collège en école et réciproquement (...)" mais "aucune des dispositions statutaires actuellement applicables aux professeurs certifiés ne prévoit qu’ils puissent prendre en charge des élèves du premier degré dans le cadre de leurs obligations de service", ce qui pose la question de leur responsabilité s'ils prennent en charge des élèves "sans la présence de l’enseignant attitré".

Le bassin comme échelon administratif

La création de ces CEC pose aussi la question de la délimitation géographique des secteurs et des circonscriptions. Un DASEN (directeur départemental) souligne que "certains collèges sont alimentés par des écoles qui n’appartiennent pas forcement au département, ni aux mêmes circonscriptions, une école alimente plusieurs collèges, et les découpages dans les grandes villes sont encore plus complexes (...) Il faudrait travailler à l’échelle d’un collège et des écoles de son secteur. Au-dessus se situerait la circonscription qui serait composée de plusieurs secteurs et le bassin, composé de plusieurs circonscriptions", une organisation adoptée, "il y a quelques années, dans le Puy-de-Dôme". C’est d'ailleurs au niveau du bassin "que les IA-IPR pourront avantageusement être mobilisés pour l’élaboration des formations et des projets pédagogiques".

Quant au rôle du conseil, il "suscite quelques interrogations". Ne se confond-il pas avec le "conseil de cycle" CM1-CM2-6ème? "Pour la majorité des acteurs, le CEC est envisagé comme un moyen de donner davantage de continuité et de cohérence aux actions entreprises", et c'est souvent nécessaire. Le rapport liste les projets communs premier et second degrés dans un réseau ECLAIR de l’académie de Lille : rencontres chorales, projet artothèque avec le Louvre-Lens, intervention du professeur de physique dans une école, travail autour d’albums présentés par le professeur d’anglais, élaboration d’une progression en calcul mental du CM2 à la cinquième, réalisation de fresques et affiches, semaine de la science, activités sportives, lecture d’albums à des élèves de maternelle par des élèves de quatrième de SEGPA, etc. "Ce pourra être le rôle du conseil école-collège de donner sens et cohérence à ce programme et d’en évaluer les résultats."

La polyvalence confortée

Au total, "avant les vacances de printemps, la constitution des CEC était réalisée à 75 % et près de 49 % s’étaient réunis. Ces pourcentages de CEC constitués varient de moins de 50 % pour deux académies à près de 100 % pour six autres. En revanche, le pourcentage des CEC qui se sont réunis (...) ne dépasse pas 30 % dans deux académies."

A noter qu'incidemment, les deux inspections prennent position sur la question de la polyvalence des enseignants des collèges. "L’enquête conduite dans le réseau d’écoles et de collèges de la circonscription de Toulon 2 auprès de 120 élèves a montré que les élèves de collège apprécient d’avoir des enseignants multiples au sortir de l’école élémentaire, que la succession d’interlocuteurs n’est pas identifiée comme un problème mais que la variabilité des attentes, des langages et des pratiques est considérée, même par les élèves qui réussissent, comme un obstacle majeur." Elles invitent donc les enseignants de collège à rechercher plus de cohérence entre les disciplines : " il serait vain de travailler sur la continuité entre l’école et le collège si les ruptures se retrouvent" à ce niveau.

Le rapport "La mise en place des conseils école-collège" ici

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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