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Colloque du SE-UNSA : "Les enseignants veulent être entendus, eux, personnellement pas uniquement collectivement"

Paru dans Scolaire le mercredi 21 mai 2014.

"Il n’existe plus une corporation enseignante, un monde enseignant, une citadelle enseignante. (…) Fini le temps de l’adhésion automatique à la MGEN, à la MAIF, à la CAMIF… Fini le temps de l’adhésion automatique au syndicat, aussi ! Les enseignants sont divers et ont des aspirations personnelles. Ils veulent être entendus, eux, personnellement, pas uniquement collectivement", affirme Claire Krepper. La secrétaire nationale du SE s’exprime à l’ouverture du colloque "800 000 enseignants, et moi… ", organisé par le syndicat ce 21 mai à Paris. Christian Chevalier, le secrétaire général du syndicat UNSA des enseignants ne dit pas autre chose en conclusion : le corps enseignant connaît une profonde mutation et l'esprit de corps "a du plomb dans l'aile". La gestion des ressources humaines était collective, protectrice, mais au risque que "le bouclier écrase chacun de son ombre"; ajourd'hui, l'aspiration a une reconnaissance des singularités "a pris le pas". D'ailleurs, le règlement des conflits se déplace du rapport de forces sociales aux tribunaux, et "un enseignant sur deux ne se reconnaît plus dans l'offre syndicale".

Mais l'individualisation de la gestion des personnels peut aussi signifier "le fait du prince". Comment concilier gestion de masse et souci d'une école "bienveillante, moins rigide, plus ouverte, plus inventive..." qui suppose déconcentration et autonomie, mais aussi régulation, évaluation transparence... ? "Aucun nouveau modèle n'est vraiment venu se substituer" au système ancien qui "ne tiendra plus longtemps en l'état", estime le syndicaliste pour qui "il y a urgence à avancer", à sortir d'une routine confortable, à "prendre le sujet à bras le corps".

Une enquête pour construire des revendications

Pour "construire des revendications qui permettent que soient mieux prises en compte les attentes individuelles des enseignants tout au long de leur carrière", le syndicat est en train de réaliser une enquête. Lancée en direction des enseignants et des CPE le 17 mars, elle se poursuit jusqu’au 30 juin. "Nous avons déjà enregistré 15 000 réponses", explique Stéphane Crochet, secrétaire national, qui a présenté les premières tendances de l’enquête. "Si les enseignants et les CPE se sentent à l’aise dans leurs ‘baskets’, pour 60% d’entre eux celles-ci sont différentes de ce qu’ils avaient imaginé avant de choisir leur métier."

77% des personnels ayant répondu à l’enquête estiment qu’ils ont "bien fait de choisir leur métier". Pour plus de 80 % d'entre eux, il leur apporte de la satisfaction et ils se sentent utiles. En revanche "le costumes qui leur est taillé par l’opinion publique ne leur convient pas". Elle ne comprend pas leurs contraintes professionnelles. 

Le métier "évolue trop vite"

En ce qui concerne l’exercice du métier, les résultats sont moins positifs. 54% des enseignants et CPE disent que leur métier évolue trop vite. La majorité se déclare en désaccord avec ces évolutions. De même pour les relations avec la hiérarchie : la majorité estime que celle-ci ne comprend pas ses contraintes professionnelles, et qu’elle ne peut pas lui faire entendre son avis. Les moins satisfaits sont les enseignants du premier degré. "La mise en œuvre de la réforme des rythmes qui s’éternise depuis quelques mois, et l’ensemble des réformes subies ces dernières années, ne sont pas étrangers à ce ressenti négatif", analyse Stéphanie Valmaggia, secrétaire national. En outre, "la majorité de nos collègues n'est pas d’accord avec les modalités de changement d’échelons et de mutations. (…) Ces règles de gestion collective, les affectations, les promotions, sont le fruit de notre travail syndical. Devons-nous mieux expliciter les règles, les modifier, les abandonner ? La question se pose." 

Claire Krepper estime, quant à elle, que les enseignants, désormais recrutés à bac+5 , ont poursuivi des parcours de formation très divers et ont connu des modes de socialisation différenciés. Certains d’entre eux ont exercé une autre activité professionnelle avant d’enseigner. Beaucoup d’enseignants "développent un rapport au métier plus professionnel, moins vocationnel. Ils souhaitent de plus en plus être reconnus dans leurs appétences et leurs compétences individuelles et se projettent dans des carrières professionnelles moins linéaires que les générations précédentes." Or "c’est au nom du refus de la mise en concurrence des personnels que les forces syndicales défendent une gestion des ressources humaine anonyme et aveugle."

Claire Krepper plaide pour une autre gestion des ressources humaines

Les enseignants ignorent souvent les compétences qui sont les leurs. Claire Krepper estime qu’il faut mettre en place une véritable politique de gestion des ressources humaines pour permettre que soient identifiées et donc mieux utilisées les compétences acquises. "Ne doit-on pas permettre aux enseignants d’être maîtres de leur parcours professionnel par un accès facilité à la formation et composer ainsi un ‘portefeuille’ de compétences valorisables à l’intérieur comme à l’extérieur de l’Education nationale ?".

François Muller, spécialiste de l'innovation au ministère, propose aux militants présents une réflexion sur leur "développement professionnel", un "terme très nouveau en France", mais dont la recherche a montré qu'elle avait "un effet majeur sur la réussite des élèves". Et c'est toute la formation professionnelle qui doit être repensée à cette aune. Rémi Boyer (Aide aux profs) dénonce la montée en puissance des risques psycho-sociaux, la multiplication des suicides, un management plus coercitif, des inspecteurs, une centaine, qui harcèlent, et il s'interroge sur la possibilité d'une gestion humaine de proximité, qui supposerait que se constituent dans les établissements de véritables "pôles de direction". Il propose aussi que 40 % des enseignants soient recrutés par contrats, de façon à favoriser les mouvements entre salariés du privé et personnels de l'Education nationale.

Pour Stéphane Larrieu, principal de collège et représentant du SNPDEN (le syndicat UNSA des personnels de direction), sa première mission est l'accompagnement des personnels, mais il ne dispose pour cela d'aucun levier institutionnel. Dominique Berteloot qui travaille au sein de la délégation ministérielle "violence en climat scolaire" (la "mission Debarbieux"), s'interroge : comment intervenir avant les crises ? "Aider les personnels victimes, les personnels en difficulté, c'est bien, mais ce n'est pas suffisant" fait-il remarquer. Patrice Lemoine, IA-IPR, axe son intervention sur la confiance : "comment exercer une fonction d'encadrement sans faire confiance aux enseignants?" Et lui aussi s'interroge : l'Education nationale n'est-elle pas la seule armée où l'on voit des généraux tirer sur leurs troupes ? Pour lui, "un inspecteur doit définir un cadre professionnel pour des relations entre professionnels".

Le site web du SE-UNSA (ici).

 

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