Colloque du SNPDEN : des examens plus transparents et singuliers, avec des épreuves gérées par les établissements sont quelques-unes des pistes évoquées pour réformer le système d'évaluation
Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 15 mai 2014.
Faire que le système d'évaluation et d'examen soit plus transparent, plus simple, plus singulier, à l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays, telle est l'une des propositions que faisait Roger-François Gauthier, IGAENR et professeur des universités associé à Paris-V, à l'occasion du colloque organisé par le SNPDEN de l'académie de Besançon sur le thème de l' "Évaluation des élèves et démocratie". Il a réuni, ce mercredi 14 mai 2014 à l'ENSMM (École nationale supérieure de mécanique et des microtechniques), 110 intervenants et participants autour de deux conférences et deux tables rondes.
Roger-François Gauthier, qui est également membre du CSP (Conseil supérieur des programmes) dénonce en effet une certaine "opacité" du système français au regard de "schémas simples" observés dans certains pays. Des pays où "sont organisés des examens, à certains niveaux, et qui entraînent le droit de poursuivre là ou là...". Or, remarque-t-il, "En France, on peut par exemple décrocher le DNB (diplôme national du brevet) et se faire refuser l'accès en LGT ou au lycée tout court, et inversement, y entrer sans l'avoir !" Un postulat "assez bizarre" qui fait qu'en 3e "on considère donc que décrocher le DNB n'est pas la priorité principale". Le chercheur en sciences de l'éducation évoque "la même ambiguïté l'année du bac, durant laquelle la classe prépa prend plus de relief que l'examen". "Ici, la porte est un leurre", estime-t-il, "puisqu'il y a un autre chemin à gauche...".
Diminuer le nombre d'enseignements et d'épreuves par élève
Le chercheur plaide également pour le "singulier" et la "diversité" alors que la France privilégie le "pluriel qui gomme tout". "En Angleterre, il n'y a pas un brevet mais plusieurs certificats dans différentes disciplines et l'on ne retrouve pas cette idée de tout mélanger !", observe-t-il. "De la même manière, au lycée, les élèves ont le choix entre une cinquantaine d'enseignements et n'en choisissent qu'entre deux et quatre. Ce qui en fait des disciplines importantes." Résultat, le bac n'est qu' "un grade donné comme un résultat d'ensemble" et "n'a pas grand chose à dire" puisque "les cursus en aval ne sont pas tellement invités à aller voir ce que le diplôme recouvre". À l'étranger, "l'inscription dans le supérieur se fait à partir des résultats des examens", ce qui est "plus simple".
Il regrette aussi que l'on travaille peu, sur le plan national, sur l'évaluation elle-même. "Quand l'épreuve est finie, tout le monde part en vacances. Ailleurs, on travaille sur l'examen pour voir ce qui s'est passé, pour le faire parler. Il y a plein d'enseignements à en tirer. L'examen peut être un objet d'études. Si on veut améliorer la note, il faut aussi regarder si l'épreuve est bonne ou pas."
"Décentraliser" des épreuves au niveau des établissements
Roger-François Gauthier estime par ailleurs que l'établissement doit jouer un rôle important dans l'évaluation des élèves. Le chercheur évoque l'idée d'épreuves "décentralisées", pour le bac notamment, qui auraient pour premier mérite de lever les "inconvénients" suscités par les "brassages d'enseignants" et qui contribuent à rogner au moins un mois de cours aux lycéens qui ne passent pas le bac.
La France pourrait s'inspirer de ce qui se fait en Italie, où un jury est constitué au niveau de l'établissement pour gérer l'une des 4 épreuves du bac. L'initiative pourrait être dupliquée en France, en "opérant un mixage entre enseignants de l'établissement et enseignants extérieurs" et en instaurant des modalités pour lutter contre l'éventuelles "stigmatisation d'élèves" connus des enseignants.
Ce "grand oral" présente d'autres caractéristiques intéressantes, selon le chercheur, parce qu' "il est élaboré localement, de manière pluridisciplinaire et en fonction des objectifs des établissements", et de par son contenu puisque l'élève est interrogé sur une discipline qu'il tire au sort, qu'il discute ensuite avec le jury de son projet avant d'être éventuellement questionné sur une épreuve à laquelle il aurait mal répondu. Une démarche "plus intelligente que nos rattrapages", estime encore Roger-François Gauthier. Le chercheur évoque le même type de démarche dans les pays scandinaves et en Allemagne, où les "établissements élaborent une bonne partie des épreuves", et où celles-ci sont "gérées avec les inspections".
Camille Pons