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PISA : le réquisitoire d'une centaine de chercheurs et acteurs anglo-saxons; ils demandent un moratoire.

Paru dans Scolaire le vendredi 09 mai 2014.

"Cher docteur Schleicher, nous nous adressons à vous en tant que directeur du programme PISA (...) nous ne doutons pas que les experts responsables du programme PISA sont poussés par un désir tout à fait sincère de voir améliorer les systèmes éducatifs. Mais nous ne comprenons pas comment votre organisation est devenue le juge ultime des moyens et des fins de l'éducation dans le monde entier (...) au risque de faire de l'école une corvée et de détruire le plaisir d'apprendre (...) Il pourrait être irrémédiablement dommageable pour nos écoles et pour nos élèves d'évaluer des cultures scolaires très diverses à l'aune d'un instrument de mesure unique et biaisé."

Cette lettre pétition a été signée par une centaine d'acteurs éducatifs et d'universitaires qui "sont pour la plupart des chercheurs assez renommés dans le monde anglo-saxon (et scandinave), plutôt situés dans ce qu’on appellerait en France la mouvance de la sociologie des politiques publiques ou de la sociologie des politiques d’éducation", note sur le site Eduveille Olivier Rey. Le responsable du service de veille de l'IFE en a appris l'existence ... par un tweet du journaliste Luc Cédelle et il regrette qu'elle n'ait pas été proposée à sa signature de leurs homologues français.

Le déclin de la Finlande

Très argumenté, le texte rappelle que les résultats de PISA sont "anxieusement" attendus chaque 3 ans par les gouvernements, les ministres de l'Education et les journalistes, malgré leurs défauts, comme le montre, par exemple, le déclin inexpliqué de la Finlande. Ils ont de plus légitimé l'usage d'autres tests, et le pilotage par les résultats. Les signataires font valoir que ce cycle de trois ans favorise le court-termisme, alors qu'il faut des dizaines d'années pour qu'une réforme porte ses fruits. Le choix des critères amène à se désintéresser de ce qui n'est pas mesurable, comme le développement artistique, ce qui amène l'opinion publique à avoir un point de vue restrictif sur les finalités de l'éducation. 

Ils font aussi remarquer que l'OCDE est vouée au développement économique, alors que le but premier de l'école n'est pas de préparer les jeunes à occuper un emploi lucratif, mais de les préparer à exercer leur citoyenneté, et d'aider à leur développement. Contrairement à l'UNESCO ou à l'UNICEF, elle n'a d'ailleurs reçu aucun mandat pour améliorer l'éducation et la vie des enfants, d'autant qu'elle a noué des partenariats public-privé avec des entreprises à but lucratif. Au total, PISA nuit aux enfants, appauvrit la pédagogie, et génère de plus en plus de tests de type QCM, de cours tout faits, et de moins en moins de liberté pédagogique. Il génère aussi du stress et met en danger le bien-être des élèves et des enseignants. 

Des anthropologues et des philosophes

Les signataires ajoutent que devraient participer au débat, avec les psychométriciens, les statisticiens et les économistes qui gèrent PISA, des parents, des enseignants, des chefs d'établissement, mais aussi des anthropologues, des sociologues, des historiens, des philosophes, des linguistes, des littéraires, des spécialistes des beaux-arts... 

Mais la lettre-pétition demande aussi que soient publiés les coûts, directs et indirects, de PISA, que la passation des tests soit contrôlée par des équipes internationales et indépendantes... Et qu'on saute un cycle PISA pour se donner le temps de discuter de toutes les questions posées dans ce texte aux niveaux local, national et international.

La pétition est téléchargeable à partir du site Eduveille, ici.

 

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