Scolaire » Actualité

Education artistique et culturelle : qui fait quoi ? (une tribune de Pierre Baqué)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le samedi 26 avril 2014.

Pierre Baqué* a lu attentivement les décrets d’attribution de Benoît Hamon et d'Aurélie Filippetti. Il propose une tribune aux lecteurs de ToutEduc.

QUI FAIT QUOI ?

Au bout de 23 mois d’exercice, (de mai 2012 à mars 2014), M. Vincent Peillon, pourtant reconnu comme expert de l’Ecole (mais aussi réputé pour ses propos légèrement maladroits et lourdement ravageurs) est prié de quitter la rue de Grenelle. Ce n’est pas une promotion.

M. Benoît Hamon, anciennement ministre délégué de l’économie sociale et solidaire, et de la consommation, lui succède. C’est une promotion.

Pour une petite partie du public public, qui croit encore et toujours à une compétence professionnelle attestée comme critère unique de recrutement aux postes élevés de la responsabilité politique, le doute s’installe au vu de ces changements. Pour l’autre partie, plus vaste, indifférente, résignée ou cynique, on se contente de ricaner : "Bonnet blanc et blanc bonnet".

Le sage qui connaît, lui, le jeu des "Chaises musicales" dit : "Attendons. Le pire n’est jamais sûr." Nous partageons modestement son opinion.

Mais foin d’opinions ! Venons-en maintenant aux réalités incontestables dont les textes officiels sont censés nous dire l’essentiel. Parmi eux, les décrets d’attribution des ministres occupent une place fondamentale comme on en jugera en consultant ceux qui concernent les ministres aujourd’hui chargés, l’un de l’Education, Benoît Hamon, l’autre, de la Culture, Aurélie Filippetti.

Le texte concernant Benoît Hamon nous dit :

Le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche prépare et met en œuvre la politique du Gouvernement relative à l'accès de chacun aux savoirs et au développement de l'enseignement préélémentaire, élémentaire, secondaire et supérieur.

Il veille, conjointement avec les autres ministres intéressés, au développement de l'éducation artistique et culturelle des enfants et des jeunes adultes tout au long de leurs cycles de formation. (mis en italique par nous). Décret n°2014-402 du 16 avril 2014 relatif aux attributions du ministre de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Le texte concernant Aurélie Filippetti nous dit :

Le ministre de la culture et de la communication a pour mission de rendre accessibles au plus grand nombre les œuvres capitales de l'humanité et d'abord de la France.

A ce titre, il conduit la politique de sauvegarde, de protection et de mise en valeur du patrimoine culturel dans toutes ses composantes, il favorise la création des œuvres de l'art et de l'esprit et le développement des pratiques et des enseignements artistiques.

Il contribue, conjointement avec les autres ministres intéressés, au développement de l'éducation artistique et culturelle des enfants et des jeunes adultes tout au long de leurs cycles de formation. (mis en italique par nous)

Il encourage les initiatives culturelles locales, développe les liens entre les politiques culturelles de l'Etat et celles des collectivités territoriales et participe à ce titre à la définition et à la mise en œuvre de la politique du Gouvernement dans le domaine de la décentralisation.

Il veille au développement des industries culturelles. Il contribue au développement des nouvelles technologies de diffusion de la création et du patrimoine culturels. Il veille au développement et à la valorisation des contenus et services culturels numériques.

Il définit, coordonne et évalue la politique du Gouvernement relative aux arts du spectacle vivant et aux arts plastiques.

Il met en œuvre, conjointement avec les autres ministres intéressés, les actions de l'Etat destinées à assurer le rayonnement dans le monde de la culture et de la création artistique françaises et de la francophonie.

Il contribue à l'action culturelle extérieure de la France et aux actions relatives aux implantations culturelles françaises. Décret n° 2014-411 du 16 avril 2014 relatif aux attributions du ministre de la culture et de la communication.

Conclusion :

Tout d’abord laissons de côté l’idée malveillante que cette phrase deux fois insérée, et par nous mise en italique, ne serait que le résultat d’un "copier-coller" paresseux. Imaginons plutôt la situation du malheureux rédacteur de l’Elysée ou de Matignon. Très normalement à cours d’idées, mais de tous côtés harcelé pour aller plus vite au message essentiel, au "signe fort", il serait tombé sur le discours d’un ancien ministre où cette phrase, bijou exemplaire et creux, attendait d’être pour la centième fois recyclée.

Que croyez-vous que fit alors le dit rédacteur ravi de sa découverte? Bien sûr, il recycla.

Ce qui nous invite, nous, à gloser le plus sérieusement possible.

Plus que partagée, la mission assignée aux ministres semble être la même pour tous, à l’Education nationale, à la Culture et même ailleurs, dans d’autres ministères. Emus à la lecture de l’ambition affichée par les politiques, nous aurions presqu’envie de hurler : "On va développer l’éducation artistique et culturelle à tous les niveaux. Alléluia ! Alléluia !"

Mais gardons notre calme et constatons plutôt que reste une question préalable et même fondamentale. Si tout le monde est chargé de développer l’éducation artistique et culturelle, quels en seront alors la théorie et la pratique, les objectifs et les contenus, les formateurs et les évaluateurs, les dimensions et les moyens qui lui seront affectés, etc. ?

Et se pose immédiatement une autre question, cette fois fondatrice : qu’est concrètement cette éducation artistique et culturelle dont tout le monde parle, tout le temps? Une éducation plurielle, polyvalente, tantôt généraliste, tantôt "pré- professionnelle"? Une éducation prenant en compte tous les arts ou seulement ceux qu’on appelait autrefois, les "Beaux-arts" ? Une éducation concernant tous les âges de la jeunesse ? Ou tout simplement une formule linguistique commode, une appellation bien balancée, agréable à formuler comme à entendre : "Education artistique et culturelle" ! C’est généreux, moderne, désintéressé, tellement pratique, souple et vague.

Non bien sûr, rétorqueront les responsables. Cette éducation sera solide sans être contraignante, ouverte mais structurée, adaptable à toutes les situations, à tous les niveaux, à toutes les filières. Par exemple, elle sera susceptible de convenir à l’élève de CM1, comme à l’ "ado" fréquentant l’atelier municipal de sa commune, ou à l’apprenti préparant un CAP de couvreur en lycée professionnel et pourquoi pas, à l’étudiant inscrit en Master I de cinéma ou de théâtre à l’Université.

On voudrait y croire, mais les professions de foi n’ont jamais résolu les problèmes. Or un problème est bien là qu’il faudrait aborder autrement.

C’est ce que nous tenterons de faire dans une prochaine tribune …

A suivre, donc

* Pierre Baqué, professeur des universités émérite (Paris I, arts plastiques), a conseillé de nombreux ministres de l'Education nationale depuis A. Savary sur les questions d'éducation artistique et culturelle,

 

 

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →