Parents - école : ce n'est pas la guerre générale, mais l'institution a du mal à reconnaître l'existence des conflits (M. Sassier)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le jeudi 13 mars 2014.
"Ce n'est pas la guerre générale", mais "l'institution a du mal à reconnaître l'existence des conflits", estime Monique Sassier. La médiatrice de l'Education nationale était entendue ce 13 mars par la mission d'information de l'Assemblée nationale sur les relations entre l'Ecole et les parents, et si elle s'est refusé à noircir le tableau, elle considère que "le dialogue n'est pas au rendez-vous", qu'il n'existe "que quand il y a problème" et qu'il faut le développer "quand tout va bien", sinon "les problèmes s'enkystent".
Elle reconnaît que ce dialogue n'est pas facile. "Dans 50 % des cas", la solidarité entre adultes, entre les parents et les enseignants, fait place à une solidarité familiale contre les enseignants, et "tout devient conflit". Mais pour sa part, l'Education nationale a "une grande capacité à dissimuler les problèmes", notamment dans le 1er degré, où les bagarres entre enfants sont souvent considérées comme normales, tandis que les parents menacent de saisir la Justice. Dans le second degré, on ne voit pas les élèves qui commencent à perdre pied. Quant aux professeurs pris dans une situation conflictuelle, ils ont tendance à s'isoler. On trouve, dans les écoles, "des maîtres dépassés" et dans les collèges, des enseignants qui ne peuvent faire face à la diversité des profils de leurs élèves. Leurs collègues n'ont pas les moyens d'intervenir, seule la médiation permet de les sortir de ces situations.
La "mallette des parents" moins utilisée
Monique Sassier détaille les causes de conflits. Les parents ne remettent pas en cause le principe des devoirs à la maison, bien au contraire, mais éventuellement leur contenu. Ils ne les comprennent pas, ils ne peuvent pas aider leurs enfants. Viennent ensuite les outils numériques, téléphones portables et ordinateurs, et la qualité de l'enseignement donné aux enfants porteurs de handicap. Autres sujets de plainte, la carte scolaire, les violences et harcèlement entre enfants, dès l'école élémentaire, la prise en compte du parent séparé, et les procédures disciplinaires dont on conteste qu'elles soient justes et qu'elles favorisent la réintégration.
La médiatrice regrette la faiblesse du nombre des innovations dans le domaine des relations parents-école, même si elle connaît des "expériences intéressantes", et elle se demande si certains territoires ne pourraient pas accueillir "en résidence" des équipes de recherche-action. Elle déplore aussi que "la mallette des parents", dont elle fait l'éloge, soit moins utilisée cette année, faute de la promouvoir. "Dès qu'on baisse la garde...", dit-elle, sans nommer pour autant les responsables de ce défaut de politique. Quant aux ESPE, les écoles supérieures du professorat et de l'éducation, il est nécessaire qu'elles forment les futurs enseignants, et que pour eux, se tourner vers les parents soit "un réflexe" et non "un problème". Mais "ça ne suffira pas". Il faudrait d'abord que l'ensemble des écoles et des établissements, mais aussi les DASEN et les rectorats, appliquent la charte Marianne des services publics ["faciliter l’accès des usagers dans les services, accueillir de manière attentive et courtoise, répondre de manière compréhensive et dans un délai annoncé, traiter systématiquement la réclamation, et recueillir les propositions des usagers pour améliorer la qualité du service public", ndlr].
Accompagner les bénévoles des CLAS
Monique Sassier voudrait aussi davantage de coopération entre le monde de la santé et l'Education nationale, surtout en ce qui concerne les enfants handicapés. Elle suggère que les collectivités, lorsqu'elles construisent une école ou un établissement, prévoient un lieu d'accueil pour les adultes. Les établissements doivent favoriser tout ce qui contribue à créer "un sentiment d'appartenance", et ce qui facilite l'accès des parents dans l'établissement hors situations problématiques. Elle estime qu'il est possible d'aller chercher les familles, au besoin jusque chez elles, et que les CPE notamment peuvent le faire. Elle est en revanche très hostile aux "invitations" faites aux parents. Quand il y a lieu de les convoquer, il ne faut pas reculer devant les mots. Elle est enfin plutôt hostile à la création d'un "statut du parent d'élève délégué", car il supposerait que l'on puisse s'assurer qu'il représente effectivement les intérêts de tous les enfants.
Pour sa part, Daniel Lenoir, directeur général de la CNAF (caisse nationale d'allocations familiales) estime, à titre personnel, qu'il faut "clarifier le statut" des bénévoles qui s'engagent dans l'accompagnement des élèves des dispositifs CLAS (contrats locaux d'accompagnement à la scolarité). Il rappelle aux députés que la branche famille prévoit une augmentation, de 25 à 38 millions du financement des CLAS et de 12 à près de 24 millions pour les REAPP (réseaux d’écoute d’appui et d’accompagnement des parents) dont 11% des actions portent sur les relations entre les parents et l'école.
Il souligne par ailleurs que les "schémas départementaux d'accueil de la petite enfance" envisagent aussi les questions de parentalité, et que le site "monenfant.fr" est en cours de refonte pour intégrer les dispositifs de soutien à la parentalité, les CLAS et les REAPP. Une expérimentation est en cours dans plusieurs départements, dont l'Ain, la Seine-Saint-Denis et la Réunion, pour un mode de financement plus souple de ces dispositifs, et pour l'accompagnement des bénévoles.