Le "care", une autre vision de l'éducation ? (revue "Education et socialisation")
Paru dans Scolaire le samedi 01 mars 2014.
"Une autre voix", celle du "care" peut-elle se faire entendre dans le champ de l'éducation ? C'est la question que posent les "Cahiers du CERFEE" qui deviennent "Éducation et socialisation" et qui préparent leur numéro de décembre 2015, pour lequel ils lancent un appel à contributions. Il s'agit de penser l'éducation autrement. Actuellement, elle est conçue en fonction d'une finalité, l'autonomie du sujet, et sous deux angles, celui d'une "extériorité", à savoir l'ensemble des prescriptions, celles de l'institution surtout, qui "entendent déterminer" ce que doit être une situation d'éducation, quels résultats elle doit obtenir, et d'une "subjectivité", souvent limitée à l'analyse psychologique des conditions de l'acte éducatif.
Or la théorie du "care" nous apprend que la dépendance est "inhérente à la condition humaine", et que l'autonomie est une illusion. C'est ainsi, par exemple, que l'enfant peut "renoncer à son doudou", surmonter une dépendance, mais que, comme tout humain, il aura "toujours besoin de l’affection de quelqu’un", d'une autre forme de dépendance. "La question posée ici est celle d’un choix à opérer entre un espace éducatif qui a vocation à faire sortir d’un état ou un espace éducatif qui a à apprendre à réaliser toutes les potentialités qui se présentent dans un état, et se réaliser par leur mise en jeu".
Pour Pierre Usclat (UCO Angers), Renaud Hétier (UCO Angers) et Roger Monjo (Montpellier-III), on voit trop souvent l'Ecole comme "le lieu de construction de la liberté", comme "un espace de rupture" qui fait de l’autonomie un objectif, "et même une valeur", au risque de voir "les affects, les émotions, les attachements" comme autant de menaces, et d'aboutir "à une sorte de séparation entre vie intellectuelle et vie sensible". Ce serait oublier que l'enfant passe d'une forme de dépendance à une autre, qu'il noue dans l'école des liens "avec ses pairs, avec ses enseignants", mais aussi avec d'autres objets, que l'école valorise, comme les livres, et finalement avec "le savoir lui-même".