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"Les commandes du ministre nous effraient parfois un peu" (D. Paget, Conseil supérieur des programmes)

Paru dans Scolaire le mercredi 05 février 2014.

"Nous n'allons pas vers un aggiornamento total des programmes, nous souhaitons plutôt les faire évoluer, mais comment faire [pour ne pas tout changer] quand il faut les repenser par cycles et non plus par année, et que l'un des cylces est à cheval sur l'école élémentaire et le collège, quand il faut prendre en compte en amont de leur conception les divers parcours, d'orientation ou d'éducation artistique et culturelle, et les 'éducations à' ? Il faut penser en même temps les objectifs généraux, les contenus, les méthodes, l'évaluation des élèves, la formation des enseignants..., les commandes du ministre nous effraient parfois un peu." Denis Paget, ancien secrétaire général adjoint du SNES-FSU et membre du Conseil supérieur des programmes, remplaçait Alain Boissinot, le président du CSP, ce 5 février à la journée organisée à Rouen pour faire le "bilan d’une décennie de recherche" sur l'évaluation des élèves et du système scolaire. Nathalie Mons, présidente du CNESCO (Conseil national de l'évaluation du système scolaire) a d'ailleurs insisté sur l'importance de son caractère participatif : "l'évaluation est un levier du changement et on ne fait pas changer le système sans les gens".

Catherine Moisan, directrice de la DEPP (service statistique de l'Education nationale), considère certes que "PISA, c'est sérieux". D'ailleurs, certains pays qui n'avaient pas respecté le protocole, en ont été exclus, les Pays-Bas en 2000, le Royaume-Uni en 2003. La corrélation entre les résultats de cette évaluation internationale et ceux de l'évaluation nationale de CEDRE est "parfaite". Nathalie Mons ajoute que PISA n'est pas contesté comme outil d'évaluation des acquis cognitifs des élèves. En revanche, l'une et l'autre sont plus réservées sur les préconisations en matière de politiques éducatives, que l'OCDE. La réussite des élèves est multifactorielle, et on ne peut l'analyser en isolant une cause. Il faut d'autre part tenir compte des contextes nationaux. Nous n'avons pas forcément envie d'être les meilleurs en adoptant le mode coréen d'éducation....

Des programmes aux curricula

Denis Paget annonce que "la charte" sur les modalités d'élaboration des programmes sera "bientôt prête", et il précise que le CSP ne se soucie pas que des contenus d'enseignement. Il fera aussi des propositions sur la validation du socle commun, sur les examens, sur les concours de recrutement des enseignants et leur formation dans les ESPE. Ceux-ci ne doivent pas seulement être formés aux programmes, les connaître, ils doivent être en mesure d'en comprendre "la signification profonde", les voir davantage comme des "curricula". L'ancien syndicaliste considère en effet que nous devons "interroger nos traditions académiques"; nos programmes définissent des "objectifs idéaux", ne concernent qu'une proportion réduite d'élèves, et se soucient assez peu de ce qu'ils "apprennent effectivement". Il faudrait donc "nous rapprocher du réel".

Conscient de la difficulté de passer d'une conception à une autre des programmes, ou même de faire accepter un mot étranger à nos habitudes comme "curriculum", Denis Paget souligne l'intérêt des évaluations pour que l'opinion prenne conscience de la nécessité du changement. Notre baccalauréat, avec ses coefficients, ménage "des zones d'ombre dans les acquis des élèves". Plus généralement, l'évaluation des élèves n'est-elle pas devenue "un mode de gestion de la relation pédagogique" plutôt qu'un outil de repérage des acquis des élèves ? PISA nous apprend que nos élèves mémorisent bien mieux qu'ils ne réfléchissent, et qu'ils sont inhibés, "formatés à ne pas mettre en débat les hypothèses qu'ils formulent".

Il ajoute que les élèves qui réussissent sont ceux qui ont acquis "le métier d'élève", qui a des méthodes de travail. Il faut que "le socle dise ces choses là!". Pour lui, le socle commun est "quelque chose d'essentiel", et il est "regrettable" que le dispostif ait été "discrédité" par les maladresses qui ont accompagné sa mise en oeuvre, les flottements sur la définition de la notion même de compétences, sans parler du LPC (livret personnel de compétences) avec ses 98 items. Quant au mot "culture" qui a été ajouté à "connaissances" et "compétences", il désigne ce qui donne du sens, "ce qui doit donner à penser", c'est "la prescription la plus haute", mais c'est aussi "ce sur quoi nous sommes le plus en état d'interrogation".

Du bon usage des évaluations

Nathalie Mons s'interroge pour sa part sur l'usage qui est fait des évaluations. Nous en produisons beaucoup en France, mais nous peinons à en diffuser les résultats. PISA est surtout utilisé par les hommes politiques en début de mandat, pour "pousser" les réformes qu'ils envisagent. Et le "choc PISA" est parfois étonnant, comme au Japon, lorsqu'il s'est aperçu qu'il n'était plus premier, ou en Finlande, un pays qui a découvert les inégalités entre ses établissements. L'un des rôles du CNESCO qu'elle préside sera donc de "contribuer à la diffusion des résultats". Un "conseil consultatif", réunissant syndicats, collectivités, parents, et même élèves, sera constitué, des conférences de consensus, des séminaires, des formations organisés... Et le CNESCO doit avoir "un regard très large", il pourra d'ailleurs travailler avec des acteurs de l'école comme des acteurs externes à l'école.

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