Scolaire » Recherches et publications

Les 40 ans de la revue Diversité : "Les jeunes de milieux populaires sont en attente de formation "

Paru dans Scolaire, Orientation le samedi 30 novembre 2013.

"Le rapport au savoir a changé : on va de moins en moins à l’école pour apprendre, et de plus en plus pour avoir un diplôme et un (bon) métier plus tard. Dans ces conditions, il n’est pas étonnant que les élèves n’aient guère envie d’étudier." Cette formule de Bernard Charlot dans le numéro à paraître de Diversité est emblématique de cette revue qui fête son 40ème anniversaire. Elle y affiche sa fidélité à ses principes tels que les rappelle son actuel rédacteur en chef, Régis Guyon, après s'être tourné vers ses prédécesseurs, Jean-Paul Tauvel, Bernard Bier et Marie Raynal : "questionner systématiquement les évidences qui innervent le débat public en matière d’éducation"; "attirer l’attention sur les groupes et les territoires les plus fragiles"; "questionner (...) les interactions que l’école peut avoir avec les territoires où elle est implantée, avec ses différents partenaires et sur sa capacité à accueillir la diversité des publics".

La revue s'ouvre sur un entretien avec Bernard Lahire pour qui "les élèves en grande difficulté scolaire sont confrontés à un univers de questions, de contraintes, d’exigences, 'peuplé et surpeuplé d’intentions étrangères' (...). Mais les enseignants ne sont pas moins démunis et désemparés devant ces élèves (...) Et personne (...) n’est responsable de la situation qui est le produit complexe d’une rencontre contradictoire entre des logiques sociales très différentes (...) Tant qu’il y aura des hiérarchisations sociales, et tant que ces hiérarchies reposeront en partie sur des critères scolaires (...), on aura à affronter collectivement l’effet scolaire des écarts entre groupes sociaux." S'attachant à ces fondements anthropologiques, le sociologue n'est pas dupe de la modernité, "il est préférable de ne pas vivre dans l’illusion des 'solutions' technologiques à des problèmes sociaux et culturels très profonds". Et par ailleurs, que penser de l'enseignement de la morale quand "celle-ci se délite dans l’espace public et qu’elle est à peu près totalement absente du monde économique"? Ne se condamne-t-on pas au "prêchi-prêcha" et Vincent Peillon n'exprime-t-il pas "le plus pur idéalisme qui renverse l’ordre réel des choses".

"La question centrale est celle du sens et du plaisir"

Il se demande si "l’école ne s’ouvre [pas] que pour mieux continuer à faire ce qu’elle faisait avant : on va au théâtre, au cinéma ou visiter une exposition, on part en classe verte ou en classe de neige pour mieux faire de l’expression écrite, du calcul, de la grammaire, etc.", mais "à trop ruser (à trop occuper le temps par des ruses préparatoires), on risque bien de prendre sur le temps d’enseignement" alors que certains enfants "n’ont que l’école, qui n’ont que le temps passé à l’école, pour entrer dans la culture scolaire et se l’approprier".

Quant à Bernard Charlot, il est "de plus en plus sceptique et rétif à l’idée que tout ce l’on apprend à l’école doi[ve] être 'utile' dans la vie quotidienne (...) L’école enseigne quelques choses utiles et beaucoup de choses importantes. C’est sur 'important' qu’il faut réfléchir (...) Il y a des choses importantes qui ne peuvent s’apprendre qu'à l'école (...) Il faut que ce que l’école enseigne ait du sens pour les élèves (...) Ce n’est pas parce qu’ils n’aiment pas qu’ils échouent, c’est parce qu’ils échouent dans un apprentissage sans sens ni plaisir
qu’ils n’aiment pas. La question centrale est celle du sens et du plaisir".

Les jeunes de milieux populaires sont en attente de formation

A propos de l'accusation portée à l'encontre des gens du voyage qui auraient un rapport utilitaire à l'Ecole, il réagit vivement : "Et la famille de classe moyenne qui rêve de HEC pour son fils, est-ce qu’elle n’a pas 'un rapport extrêmement utilitaire vis-à-vis de l’école' (...) ? Entre cette famille et une famille du voyage, je ne sais pas si c’est le rapport à l’école qui est différent ou la façon de le déguiser pour qu’il paraisse plus joliment culturel."

Aziz Jellab va dans le même sens lorqu'il estime que, "loin des idées convenues – à savoir que [les] jeunes issus majoritairement de milieu populaire seraient anti-scolaires –, ils sont en attente de formation, pour peu que celle-ci fasse sens à leurs yeux et surtout qu’ils puissent y exercer une emprise intellectuelle et relationnelle".

A noter encore dans ce numéro des articles d'Eric Debarbieux, de Véronique Leclercq, de David le Breton, d'Hervé Vieillard-Baron, de Mohamed Mechmache, de Philippe Goémé et Audrey Maurin, de François Dubet, de Choukry Ben Ayed, de Françoise Lorcerie, d'Elisabeth Bautier, de Patrick Picard, d'Alain Bourgarel, de Régis Félix, de Yaël Brinbaum... 

Le numéro 174 de Diversité, "40 ans de solidarité", 226 p.

 

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →