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Les relations des parents et de l'école restent asymétriques (A. Prost et P Raoult devant les députés de la mission d'information)

Paru dans Scolaire le jeudi 28 novembre 2013.

Quelle est la réalité des relations entre les parents et les écoles ? On ne le sait pas, estime Antoine Prost. L'historien était ce 28 novembre entendu par la mission d'information mise en place par les députés sur ce thème et il fait état d'un seul article dans la revue française de pédagogie, publié en 1995, ne portant que sur 8 collèges, et montrant que tous les cas de figure existent. Il ajoute que l'Education nationale est régie par "des textes admirables", mais que "si l'école ressemblait vraiment à l'image qu'ils en donnent, nous aurions beaucoup moins de problèmes". Paul Raoult, le président de la FCPE, entendu ensuite, fait d'ailleurs état de tous les dysfonctionnements des relations au sein de "la communauté éducative".

Antoine Prost rappelle que pour Ferry ou Buisson, l'enseignant du premier degré était pratiquement l'équivalent d'un missionnaire apportant la bonne parole à une population de paysans considérés comme des primitifs, n'ayant évidemment pas leur mot à dire. La FCPE naît après la Libération, alors que l'UNAF a le monopole de la représentation des familles, mais que beaucoup de ces associations familiales sont catholiques. Elle apparaît comme le relais du SNI (le syndicat FEN des instituteurs) pour mener le combat laïque. Il faudra attendre 1977, quand la fédération des conseils de parents d'élèves refuse de s'associer à une grève du SNI contre la création des conseils d'école, pour qu'elle prenne son autonomie. Le paysage est différent dans le second degré, où l'enseignement est payant jusqu'aux années 30, où les parents sont des clients, qui parlent d'égal à égal avec les enseignants. La première association naît au lycée Carnot (Paris) en 1905. La PEEP est plutôt l'héritière de ces associations qui sont surtout celles d'anciens élèves restés fidèles à leur établissement. Les deux fédérations sont aujourd'hui de force à peu près équivalentes, estime l'historien qui ajoute que la FCPE est plus "nettement à gauche" que la PEEP n'est à droite, la majorité de ses adhérents se déclarant au centre.

Une relation qui reste asymétrique

En 1968, Edgar Faure a fait entrer les parents au conseil d'administration, mais la relation entre les parents et l'école reste asymétrique : "les parents attendent beaucoup de l'école", alors que l'école n'en attend pas autant des parents. L'historien évoque alors des changements sociétaux. La "solidarité des adultes", qui voulait que "le maître ait toujours raison", a fait place aux "solidarités familiales". Dans les conseils d'école, les conseils de classe et les conseils d'administration, les relations sont "à fleurets mouchetés" et les parents évitent "le face à face risqué" avec les enseignants. Père de famille, il se souvient pourtant des "jugements stupides" que certains ont porté sur ses enfants, interdisant à l'un d'eux, aujourd'hui physicien et chercheur au CNRS de faire une terminale S... Mais surtout, estime-t-il, ils ne se rendent pas compte que lorsque les parents souhaitent "parler de pédagogie", ce n'est pas pour leur dire ce qu'ils doivent faire, mais pour mieux comprendre leurs attentes.

Paul Raoult voit diminuer les relations des parents avec l'école à mesure que les enfants grandissent. Elles sont quasi quotidiennes à l'école maternelle et plutôt bonnes, même s'il déplore que, la scolarité n'y étant pas obligatoire, les parents d'enfants handicapés se voient découragés de les y inscrire. S'il critique, au niveau collège ou lycée, la communication via le carnet de correspondance, il estime que les systèmes informatiques ou par SMS ne sont "pas beaucoup mieux". Un coup de fil aux parents qui sont sur leur lieu de travail peut être vécu "comme une agression", surtout s'il intervient pour un retard d'un quart d'heure perçu comme une absence, alors que l'élève est en stage... De même, un enseignant qui donne un devoir à signer aux parents ne s'ingère-t-il pas dans la sphère familiale ?

Le vécu ordinaire des parents élus

Dans les écoles primaires, ce sont souvent les directeurs d'école qui constituent la liste des parents délégués, qui se trouvent en réalité cooptés. Quant aux horaires des conseils de classe ou des conseils d'administration des lycées et collèges, ils sont fixés, et parfois modifiés la veille pour le lendemain, en fonction des enseignants, jamais des parents. Lucette Lousteau, députée (SRC), a le sentiment que les choses ont bien peu évolué quand Paul Raoult évoque le vécu ordinaire des parents élus. Le président de la FCPE souligne en effet la difficulté qu'ils ont à prendre la parole, ou à rédiger eux-mêmes le compte-rendu du conseil d'école. Les enseignants le prennent mal. Il met aussi en exergue le peu d'empressement de certains, pas de tous, à aider à l'organisation des élections, ou à la publication d'une "feuille de chou" destinée à rendre compte aux autres parents. De même pour les relations avec le DASEN (directeur académique) : "certains nous donnent leur numéro de portable, d'autres sont très protocolaires", ce qui nuit à la résolution rapide des problèmes qui peuvent surgir.

Quant aux élus au niveau départemental, académique ou national, un millier environ, ils sont très sollicités par de nombreuses réunions, dans les MDPH (maisons départementales des personnes handicapées), CDEN, CAEN et CSE, et il serait nécessaire qu'ils aient un statut.

La mission envisage de rendre ses conclusions à la fin du mois de juin 2014. Elle est présidée par Xavier Breton, Valérie Corre étant rapporteure. Ses membres sont Luc Belot, Emeric Bréhier, Sandrine Doucet, Yves Durand, Martine Faure, Colette Langlade, Lucette Lousteau, Julie Sommaruga, Claude Greff, Dominique Nachury, Frédéric Reiss, Paul Salen, Rudy Salles, Barbara Pompili, Marie-George Buffet et Thierry Braillard. Outre le président et la rapporteure, ont assisté à l'audition de ce matin Frédéric Reiss, Lucette Lousteau et Julie Sommaruga.

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