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Qui veut encore être enseignant ? (Inspections générales et DEPP)

Paru dans Scolaire, Orientation le samedi 02 novembre 2013.
Mots clés : CAPES, masterisation, EAP, DEPP

"La baisse du nombre [des candidats] présents aux concours du second degré public est un phénomène continu depuis plusieurs années", ils étaient trois fois moins nombreux (31 000) en 2012 qu'en 2004 (92 500) et dans certaines disciplines, ils sont moins nombreux qu'il n'y a de postes. Partant de ce constat, les deux inspections générales de l'Education nationale estiment pourtant que "les vocations existent toujours", mais qu'il convient "de les fortifier", voire de les faire naître dès le lycée. Il faudrait aussi mettre fin à l'instabilité dans "l’organisation du recrutement et de la formation des enseignants" et "engager une réflexion de fond, réellement concertée, sur les conditions du travail enseignant".

Contrairement à bien des discours, les deux inspections, dont le rapport vient d'être publié par le ministère, ne considèrent pas que la question du salaire soit déterminante. Les enquêtes de l’INSEE montrent que "les diplômés de l’enseignement supérieur au niveau master ayant achevé depuis moins de onze ans leur formation initiale ont perçu en moyenne un salaire médian (...) qui varie, selon la formation initiale, entre 1 360 € (masters art) et 2 300 € (masters informatique, réseaux)". Un professeur certifié perçoit après dix ans d’exercice un salaire net (hors indemnités et heures supplémentaires), de 1 890 €.

La masterisation mise en cause

Les causes sont donc "multiples et variables selon les disciplines". Ainsi, en mathématiques, "même en ajoutant aux étudiants inscrits en master MEEF (métiers de l’éducation, de l’enseignement et de la formation) ceux inscrits dans un master recherche, le nombre de candidats potentiels demeur[e] très insuffisant". Or le nombre de bacheliers S est à peu près constant, "mais ils s’orientent de plus en plus vers la première année du cycle des études de santé ou vers les écoles d’ingénieur à classes préparatoires intégrées", et ce au détriment de la licence, "filière où se recrutent les enseignants".

La masterisation a également sa part de responsabilité. Elle "aurait entraîné "une charge financière supplémentaire pour les étudiants (...) ; de fortes contraintes et un fort niveau de stress pour les étudiants, qui doivent à la fois préparer le master, préparer le concours, préparer leurs cours devant les élèves lors des stages en responsabilité". S'y ajoute la forme même des concours. Certains personnels contractuels ont été recrutés "à un niveau de diplôme inférieur à celui requis aux concours", ils enseignent parfois depuis des années à la satisfaction générale, mais ils échouent aux CAPES, "compte tenu de la prégnance des épreuves académiques". Il en va de même pour "des salariés issus du monde de l’entreprise, dotés de compétences reconnues dans leur profession en langues, en mathématiques, en musique , en arts plastiques, qui souhaiteraient engager une reconversion professionnelle et se présenter aux concours de l’enseignement"

Autre cause, "l’image très dévalorisée du métier d’enseignant", du fait des incertitudes liées à la première affectation, à la crainte d’enseigner en collège ou en lycée professionnel, à l’absence de possibilité effective de réorientation professionnelle en cours de carrière.

La crise de l'école

Mais les inspecteurs généraux mettent surtout en avant la question des valeurs. D'ailleurs les enseignants de moins de 40 ans placent au même niveau la sécurité de l'emploi (39 %), les valeurs du service public (39 %) et les missions du service public (37 %). Mais "que veut dire enseigner aujourd’hui et surtout demain ? Quel sens le métier peut-il avoir dans un contexte de crise économique, de chômage et de développement d’outils numériques d’information interconnectés au niveau mondial ? (...) Comment l’école est-elle et sera-t-elle en mesure de préparer les élèves à ces transformations, de s’y préparer et d’y préparer les enseignants ? (...) La crise de la vocation enseignante pourrait bien être une expression de la crise de l’école, de sa difficulté à anticiper l’avenir, non seulement pour les enseignants, mais surtout pour les élèves et la société dans son ensemble."

Cette difficulté toucherait d'ailleurs bien d'autres pays européens, "à l’exception de la Finlande" où "le statut social des enseignants est extrêmement élevé", même si les salaires sont "dans la moyenne des pays de l’OCDE". Mais "la formation qu'ils reçoivent est conçue pour créer un sentiment puissant de responsabilité individuelle pour l'apprentissage et le bien-être de tous les élèves qui leur sont confiés". En revanche, en Belgique francophone, le taux d’abandon de la profession est de 50 % dans les huit premières années, du fait de faibles salaires, de la pénibilité du métier et du "mépris de l'administration".

Le socle et le segment

La mission préconise notamment de maintenir la pression en faveur d’un recrutement des EAP (emplois d'avenir professeur) "ciblé sur les disciplines prioritaires", et sans que les objectifs quantitatifs l'emportent sur les besoins de l’institution. Elle propose aussi de "réfléchir à la piste de CAPES bivalents", de "consolider le recours aux personnels non titulaires", "d’ouvrir les viviers de recrutement à d’autres que les seuls étudiants", notamment aux "salariés d’entreprises privées en reconversion", quitte à "se demander comment le recrutement des enseignants s’adapte à une organisation du système éducatif en enseignement obligatoire (le socle) et segment (bac – 3, bac + 3)".

Elle propose aussi d'offrir l'admissibilité aux CAPES aux lauréats des concours d’accès aux grandes écoles et aux titulaires d’un doctorat.

Il faudrait aussi donner à "des étudiants effrayés à l’idée de s’engager pour quarante années ou plus dans une carrière uniforme", "l’assurance d’une mobilité professionnelle ou d’une reconversion possibles en cours de carrière" et fortifier les vocations très en amont des concours, par exemple en donnant "la possibilité aux lycéens d’assurer du tutorat pour des élèves de classes inférieures".

Le ministère publie aussi une note de la DEPP (service statistique de l'Education nationale) qui détaille le profil des candidats et des lauréats aux concours 2012.

La note 13.23 "Les concours de recrutement de personnels enseignants du second degré dans l’enseignement public : le nombre de candidats remonte à la session 2012" est téléchargeable ici.Le rapport des deux inspections générales, "les difficultés de recrutement dans certaines disciplines" est téléchargeable ici.

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