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La refondation : mirage, réalité ou processus? (CRAP-Cahiers pédagogiques)

Paru dans Scolaire le jeudi 24 octobre 2013.

"Refondation de l’école : passons aux actes !" : C’est au mode impératif que le CRAP (Cercle de recherche et d’action pédagogiques) a conjugué son 50e anniversaire. A Lyon, où est née l’association, un débat a pointé les espoirs portés par la loi de refondation, mais aussi les freins aux transformations du système éducatif. 

Si l’impératif a été délibérément choisi pour le titre du débat, Michèle Amiel, membre actif du CRAP, hésite un peu entre présent et passé dans son introduction. "La refondation, on y croyait… on y croit toujours", déclenchant beaucoup de rires dans la salle du lycée La Martinière Monplaisir, où sont rassemblées quelque 160 personnes, militants et sympathisants du mouvement pédagogique. "Nous pensions que la concertation aboutirait à une refondation, rompant à certains égards avec des éléments du passé et que nous pourrions nous projeter sur un avenir durable du système éducatif", poursuit-elle. Le ton est donné. Entre réelle transformation et immobilisme, le curseur varie toutefois selon les quatre intervenants.

Priorité pour les plus faibles

Côté changement, Philippe Watrelot, président du CRAP, note une réelle "volonté de mettre la priorité sur les plus faibles, sur ceux qui sont en échec scolaire". Il salue aussi "la restauration de la formation en alternance" ainsi que des nouveaux concours "plus pédagogiques et didactiques". Yves Fournel, sous sa casquette de président du réseau des villes éducatrices, apprécie "la reconnaissance des projets éducatifs de territoire, la reconnaissance de formes diversifiées de scolarisation précoce".

Mais tous deux pointent aussi des faiblesses. "Le problème, c’est le piétinement", fustige le président du CRAP. "Si la concertation mettait en avant un constat partagé, la refondation perd sa force au vu des atermoiements et l'accumulation des préalables qui évitent de s'y mettre vraiment." Yves Fournel dénonce pour sa part une loi "trop centrée sur l'école". "Il aurait fallu une vision globale sur l'enfance et la jeunesse", regrette-t-il, aussitôt approuvé par Philippe Meirieu.

Une forme scolaire héritée de Guizot

Le vice-président (EELV) à la formation tout au long de la vie de la région Rhône-Alpes concède comme principale avancée "l'ajout du mot culture au livret de compétences et connaissances". Mais il exprime surtout sa déception. "La Loi de refondation est encore trop centrée sur la forme scolaire traditionnelle héritée de la loi Guizot (…) Elle réitère l'idée qu'un système scolaire gère des gens dans une même classe, du même âge, pour faire le même cours. C’est une idée obsolète, qui n’est pourtant pas du tout remise en question. On ne parle pas d'aller vers des multiniveaux, vers la mixité des publics. Cette conception reste fragmentée et tubulaire." Dans le même esprit, l’ancien rédacteur en chef des cahiers pédagogiques s’étonne : "J'aimerais comprendre comment on peut maintenir un examen qui couronne le tout, en admettant qu'un 13 sur 20 en physique peut compenser un 7 sur 20 en français. Comment peut-on prétendre réformer l'école et maintenir ça ?"

Nathalie Mons, professeure de sociologie à l’université de Cergy-Pontoise, et membre du comité de pilotage de la concertation autour de l’école, défend la démarche adoptée. "La refondation vise une analyse systémique de l'école. Autrement dit, on ne peut pas réformer en attaquant les choses par un petit bout (…) De la même manière, le fait de discuter avec les partenaires est une force, mais aussi une faiblesse. Cela demande du temps."

Un diktat des postes

Elle dénonce le "diktat des poste". "On n’a jamais fait de réforme importante avec seulement des postes. Il faut agir sur les ressources humaines; la formation continue, les décharges, d’autres fonctions des enseignants dans les établissements."

La sociologue note aussi une particularité française. "On reste sur une vision enchantée de l’action publique. Ailleurs, la notion de 'work in progres', avec des ajustements, est mieux admise (…) Les politiques publiques, ce sont des hypothèses de travail. Ce sont les acteurs qui s'en emparent ou non. Dans d'autres pays il y a des processus qui permettent aux acteurs de terrain de se les approprier. Des concertations locales, des expérimentations, des évaluations…"

Si cet accompagnement n’est pas toujours au rendez-vous - Philippe Watrelot pointe notamment "le poids de la superstructure, des cadres intermédiaires qui souvent fabriquent de la procédure pour se convaincre d'exister"- il n’est pas rédhibitoire. "On est souvent dans l’attente du grand soir qui dispense des petits matins où on s'y met dans sa classe" conclut le président du CRAP. Un credo qui reste au cœur de l’association, convaincue que chaque acteur peut faire évoluer le système.

M Florin

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