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Rythmes scolaires : portrait d'une commune où "ça marche" (Plougonvelin, Finistere)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le samedi 05 octobre 2013.
Mots clés : Rythmes, Finistère, Plougonvelin

"Ca marche. 97 % des enfants sont inscrits aux activités périscolaires en élémentaire, un peu moins en maternelle. La situation était un peu tendue il y a quelques mois, mais les retours sont aujourd'hui plutôt positifs." Alain Cariou est adjoint "Ecoles, Enfance jeunesse » de la commune de Plougonvelin (Finistère), 3 800 habitants, une école primaire de 280 élèves, dont une centaine en maternelle et une école privée de 125 élèves qui, "au dernier moment", a décidé de ne pas appliquer la réforme des rythmes scolaires, contrairement à l'école publique.

ToutEduc : Avez-vous rencontré des résistances à la réforme ?

Alain Cariou : Les parents, quand on leur a annoncé notre intention de mettre en oeuvre la réforme dès cette année, étaient inquiets. Ils pensaient que nous n'y arriverions pas et surtout, ils craignaient que nous choisissions le samedi matin. La bascule s'est faite quand nous avons annoncé que ce serait le mercredi, et que nous avons travaillé ensemble sur l’organisation de la semaine scolaire. Pour les enseignants, elle s'est faite quand nous leur avons garanti que nous n'utiliserions pas les salles de classe pour les activités périscolaires. Nous avons la chance d'avoir pas mal d'équipements à proximité de l'école.

Une des clés de notre réussite a été la convention que nous avons passée avec la Ligue de l'Enseignement pour l'accompagnement, pendant trois mois, de la mise en oeuvre de la réforme et la rédaction du PEDT [projet éducatif de territoire, ndlr].

ToutEduc : Quels rythmes avez-vous choisis ?

Alain Cariou : Trois fois par semaine, la journée de classe est raccourcie en fin d'après-midi d'une heure. Pour les maternelles, c'est deux fois par semaine. Le jeudi, l'heure périscolaire est située après la pause méridienne et elle inclut la sieste. Nous avons considéré que des plages de 3/4 d'heure étaient trop courtes, et nous n'avons pas osé faire, comme à Brest, deux plages d'une heure et demie. Cela risquait d'être trop long pour les bénévoles.

ToutEduc : Pour les 180 enfants de l'école élémentaire, comment avez-vous organisé les activités ?

Alain Cariou : Nous avons fait 10 groupes de 18 enfants, mais nous avons coupé le groupe en deux pour les activités basket et patrimoine. Pour cette dernière, c'est une association locale qui l'assure, et elle n'a pas l'habitude d'encadrer des enfants. En revanche, pour l'activité lecture à la médiathèque, l'association connaît très bien ce public. Nous avons aussi le personnel communal de la maison de l'enfance, et nous avons recruté trois auto-entrepreneurs qui sont sur la commune, pour des activités yoga, nutrition et multisport. Nous en sommes très satisfaits. Nous avons aussi fait appel à la maison du théâtre de Brest pour diffuser notre appel d’offre, et nous avons deux groupes de théâtre et un groupe d’improvisation, animés par des professionnels. Nous avons aussi fait appel à notre école de musique. Nous mettons le paquet sur la culture. Les enfants sont plutôt habitués à jouer au foot sur leur temps libre...

ToutEduc : Combien cela coûte-t-il aux familles et à la commune ?

Alain Cariou : Aux familles, rien. La commune a voté une modification au budget, pour ce dernier trimestre 2013, de 9 000 euros pour les salaires de ceux qui n'interviennent pas bénévolement, et 3 000 pour l'achat de matériel, ou de denrées pour l'activité cuisine. En année pleine, il faudra compter un peu moins du triple. Mais nous allons recevoir, pour cette année, 90 € par enfant du fonds d'amorçage, puisque nous sommes en solidarité rurale, et la première tranche, 8 400 €, compense presque entièrement les charges de personnel de ce trimestre. Vont s'y ajouter les 54 € de la CAF par enfant inscrit aux activités. Nous ne les attendions pas et serons donc bénéficiaires la première année, mais je crois que nous avons intérêt à mettre cet argent de côté pour la suite (rire). Je partage la demande de beaucoup d’élus pour une pérennisation du fonds d’amorçage.

ToutEduc : Quels rapports entretiennent les enseignants et les animateurs ?

Alain Cariou : Je dirais que chacun étudie l'autre. Les animateurs de l'activité sportive sont demandeurs de règles claires sur l’utilisation du matériel. Après un temps d’adaptation, ils vont rencontrer les enseignants pour mettre les choses au point. Pour tous les autres matériels (arts plastiques, jeux, …) nous avons investi pour que nos activités périscolaires soient autonomes. Je suis heureux de constater que les enseignants mettent beaucoup de bonne volonté pour que tout se passe bien.

ToutEduc : On entend beaucoup dire que les enfants sont fatigués par ces nouveaux rythmes. L'avez-vous constaté ? Plus généralement, quels sont les retours des parents ?

Alain Cariou : Chez nous, les parents réagissent très vite. A ma connaissance, aucun ne se plaint d'une plus grande fatigue des enfants, sauf en maternelle où la rentrée demande plus d’adaptation. Les seules réactions négatives que nous ayons eues tiennent au fait que, pour éviter toute confusion entre les activités scolaires et périscolaires, nous avons constitué les groupes indépendamment des groupes-classes, et certains copains se sont trouvés séparés. Les demandes des parents concernent le contenu des TAP, surtout en maternelle où les enfants ne s’expriment pas toujours.

En élémentaire, les retours sont très positifs. Des parents nous ont même dit que les enfants ne parlent que de ce qu’ils ont fait pendant les TAP, et qu’il faut les questionner sur la classe proprement dite ! Je crois qu'ils apprécient vraiment le côté loisir et ouverture. Et l'activité cuisine marche à fond !

ToutEduc s'est également adressé à Valérie Lecoeur, IEN (inspectrice premier degré) en charge de la circonscription "Brest-Iroise" et à Michel Cillard, adjoint à la DASEN, en charge de la mise en oeuvre de la réforme dans le département

Valérie Lecoeur : La commune de Plougonvelin a vraiment mis en oeuvre la réforme dans toute son ampleur. C'est dû à l'engagement du maire et de son adjoint à l'éducation, qui ont su construire avec les acteurs locaux, et qui ont pris le temps de la consultation pour répondre à toutes les inquiétudes. Au début, ils penchaient plutôt, avec les enseignants, pour le samedi, mais les familles ont clairement opté pour le mercredi. La mairie a aussi su prendre en compte l'inquiétude des professeurs en ce qui concerne l'utilisation des locaux de l'école, et elle leur a demandé leur aide pour la constitution des groupes. Mon rôle a été d'être là, de participer aux conseils d'école afin de répondre aux questions qui se posaient. Ma conseillère pédagogique a suivi les réunions de préparation, aux côtés des directeurs. Il importait également de rappeler que nous n'avions pas à prendre une décision qui revenait aux élus.

ToutEduc : Comment cela se passe-t-il dans les autres communes de votre circonscription ?

Valérie Lecoeur : Sur 17 communes, trois sont parties dès cette année. A Ouessant, ça se passe très bien, pour le privé comme pour le public. Tout le monde s'est mis autour de la table pour construire un PEDT qui tienne compte des contraintes d'une île, et pour construire une offre de qualité. Il y a d'ailleurs sur place des ressources culturelles importantes. A Plouzané, qui est une commune péri-urbaine de la communauté urbaine de Brest, et qui compte 14 000 habitants, avec quatre groupes scolaires, il y a une heure d'activité par semaine, la pause méridienne a été allongée et les enfants sortent plus tôt les autres jours. Les parents redoutaient surtout que les activités périscolaires ne soient qu'une garderie déguisée. Je pense qu'ils sont rassurés.

ToutEduc : Comment cela se passe-t-il au niveau départemental ?

Michel Cillard : Un groupe d'appui réunit l'Education nationale, la direction de la cohésion sociale, la caisse d'allocations familiales, le conseil général, la Ligue de l'enseignement et les Francas et nous avons organisé depuis le début de l'année 4 réunions avec les élus. Nous n'avons pas eu besoin de convaincre ceux qui doivent mettre en place la réforme l'an prochain : ceux qui sont partis cette année s'en sont chargés lors des concertations en apportant leurs témoignages. Ca se passe très bien dans ces 42 communes (sur les 232 communes du département qui comptent au moins une école publique). En zone rurale, je pense notamment à Saint-Nic, Saint-Segal et Port-Launay, trois villages qui ont sollicité une association intercommunale et mis en place des emplois du temps différents, pour que les intervenants puissent passer de l'un à l'autre.

Sur le département, le taux des élèves inscrits aux activités périscolaires dans les communes concernées est monté de 65 % à 90 ou 95 %. Même si certains parents s'inquiètent de leur qualité et de leur diversité, ils semblent en être plutôt satisfaits. Quant aux organisations syndicales d'enseignants, elles dénoncent certaines difficultés, çà ou là, mais elles ne remettent pas en cause la réforme elle-même. Nous avons en revanche une difficulté à Quimper [où les personnels communaux étaient en grève mardi 1er pour protester contre "une mauvaise organisation de leur journée de travail", ndlr], peut-être parce que le nombre des élèves concernés est plus important et que c'est plus compliqué à mettre en place.

Propos relus par A. Cariou, V. Lecoeur, M. Cillard

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