L'ESPE Midi-Pyrénées veut exploiter "toutes les ressources possibles du territoire" (exclusif)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le vendredi 20 septembre 2013.
Mots clés : ESPE, collectivités, numérique, sciences, formation continue, ENFA, Toulouse
La "fiche d'accompagnement" adressée à l'ESPE Toulouse Midi-Pyrénées au printemps dernier n'augurait rien de bon."Ce dossier de préfiguration est un bilan d'étape de la réflexion actuellement conduite sur le site plus qu'un avant-projet", regrettaient les ministères de l'Education nationale et de l'enseignement supérieur, qui reprochaient au projet Toulousain son caractère trop vague (lire ToutEduc ici). Les quatre mentions de l'ESPE ont finalement été accrédités pour un an (lire ToutEduc ici). Le dossier d'accréditation, que ToutEduc s'est procuré, met en évidence la densité du tissu universitaire toulousain et la volonté de la future ESPE d'associer l'ensemble de ces acteurs.
Ses auteurs affirment que le projet stratégique de l'ESPE "doit être véritablement projet du site toulousain, c'est-à-dire valorisant toutes les ressources possibles du territoire de l’académie". L’ESPE sera donc "ouverte par construction", et sa gouvernance "pensée pour garantir les synergies locales". Le dossier de préfiguration, développé sur une centaine de pages, est autant destiné à clarifier le projet auprès de l'ensemble des partenaires (incités à le compléter) qu'à le promouvoir auprès du ministère.
Une politique de "site", des "relais" régionaux
Avant de devenir une composante à part entière, l'ESPE Midi-Pyrénées sera pendant deux ans considérée comme "une école interne" de l'Université de Toulouse-II (UT2), qui abritait l'ancien IUFM et sera responsable de 63% des heures d'enseignement alloués à l'ESPE. Si l'ESPE bénéficie principalement des moyens financiers (2,8 millions d'euros) et humains accordés à l'IUFM, elle disposera au total de 109 601 heures d'enseignement, contre 61 335h actuellement allouées à l'IUFM. L'ESPE entend mener une politique de "site" qui mutualise l'ensemble des moyens apportés par les partenaires du projet, à savoir trois université toulousaines (UT1, UT2 et UT3), qui apporteront 76 085h d'enseignement, un IEP (680h), la Maison pour la science (1 200h) et l'Académie de Toulouse (31 636h).
"L’ESPE de Toulouse Midi-Pyrénées sera une école véritable, avec sa dynamique propre au service du projet stratégique [...] Durant toute la période d’accréditation et quel que soit le rattachement de l’ESPE en tant que composante, les partenaires s’engagent à mettre en place des procédures permettant que les choix stratégiques relèvent bien d'une politique de site."
Des instances transversales seront mises en place dès la création de l'ESPE pour coordonner l'ensemble des acteurs. En particulier, un Comité de pilotage de la stratégie et des moyens, qui comprendra l’ensemble des structures affectant des moyens au projet, permettra de "préparer les dossiers engageant les établissements partenaires et sera saisi en cas de non adoption par les instances de l’un des partenaires". Une Commission d’évaluation et de prospective doit également construire des outils d’analyse et d’évaluation partagés. "On ne peut pas séparer l’organisation interne et l’organisation partenariale", affirme le dossier.
Echelle régionale
L'ESPE de Toulouse Midi-Pyrénées veut ainsi inscrire son activité à l'échelle régionale, plutôt qu'au niveau de chaque université partenaire. "Les formations aux métiers de l’enseignement et de l’éducation actuellement implantées dans les huit départements de la région sont des points d’appui pour penser la carte des formations en Midi-Pyrénées et renforcer la présence de la formation des enseignants sur les sites départementaux", note le dossier.
La coordination entre ces "relais" est facilitée par les partenariats existant entre plusieurs participants au projet. L’ESPE pourra ainsi s'appuyer sur "un plan spécifique conventionné entre l’Université Toulouse-II, l’ESPE, l’IGEN et l’académie de Toulouse". Cette convention est liée à plusieurs thématiques que l'ESPE abordera "en priorité" : "il s'agira d'aborder les modèles pédagogiques indispensables à la construction des savoirs, culture et compétences dès le plus jeune âge, d’identifier les difficultés d’apprentissage aux causes différentes en s’appuyant sur les sciences cognitives et les neurosciences."
L’ESPE entend aussi "renforcer la culture scientifique des enseignants du premier et second degré". Elle peut pour cela s'appuyer sur "la puissance du site de Toulouse", qui dispose d'un réseau de plusieurs pôles scientifiques, et sur un partenariat avec la "Maison pour la science au service des enseignants".
Un volet recherche d'une importance "stratégique"
Ce partenariat avec une maison "construite comme une interface entre le monde de la recherche et la formation des enseignants" symbolise l'importance que l'ESPE accorde au lien entre formation et recherche. "Le site toulousain disposant d’un tissu universitaire reconnu dans tous les champs disciplinaires, on comprendra dès lors l’importance stratégique donnée au volet recherche au service de la formation des enseignants dans ce projet", note le dossier de préfiguration.
L'ensemble des parcours proposés aux futurs enseignants repose sur une logique de "recherche-action" : "la formation à la recherche doit être contributive d'une formation professionnelle par la recherche et vice et versa". Les quatre mentions accréditées ont en commun "des formations reposant sur des équipes plurielles (universitaires et scolaires), fortement adossées à la recherche". En M2, des ateliers d’analyse de pratique associeront pour au moins 12h par semestre des spécialistes des disciplines contributives, notamment de psychologie et de sciences de l’éducation.
Des serious games
Mais le point fort de l'ESPE Midi-Pyrénées réside dans la mise en place d'une "structure fédérative de recherche" (SFR) pour mutualiser les recherches et les moyens de l'ensemble des acteurs de l'ESPE, qui "sont habituellement distincts et communiquent peu". Cette SFR, composée de seize unités de recherche des universités de Toulouse et cinq partenaires du monde académique et associatif, dont le rectorat de l’académie de Toulouse et le CAPE (collectif des associations partenaires de l'École) de Midi-Pyrénées, associera également deux réseaux scientifiques importants qui étudient les questions d'apprentissage et de formation, l’IFR des sciences du cerveau et le GIS Serious Games.
La SFR sera animée par 150 participants permanents et fera l'objet d'une expérimentation d'un an avant de se stabiliser, "année au cours de laquelle les participants vont apprendre à travailler ensemble et où les dix axes de recherche seront évalués sur leur capacité à porter de nouvelles collaborations". La SFR doit ainsi devenir "une réelle force pour le développement de chacune des entités participantes dont la somme des contributions devra significativement dépasser les contributions particulières de chacune d’elle".
Le numérique, un "axe majeur"
La région développe aussi une dynamique forte autour des usages du numérique. "L’ESPE de Toulouse Midi-Pyrénées fera du développement du numérique un axe majeur des contrats d’objectifs et de moyens signés sur le site dans le champ de la formation des maîtres". Elle pourra s'appuyer sur un projet collaboratif de recherche, le projet IDEFI Formadime, qui "validera des modèles pédagogiques, technologiques et économiques visant à mieux former les étudiants par le numérique".
L'ESPE entend suivre à la lettre les préconisations du ministère et prendre en compte le numérique "non seulement comme objet de formation, mais aussi comme moyen de formation". Elle proposera à chaque étudiant d'acquérir les compétences prévues par le référentiel C2i niveau 2 "enseignant" (C2i2e), et 24h au total seront consacrées à sa préparation. La moitié de ces heures associeront "une pratique et une réflexion articulant disciplinaire, didactique et numérique". Ainsi, "le numérique ne sera pas traité comme une thématique particulière, indépendante du reste de la formation, mais il sera appréhendé de manière transversale". Par ailleurs, le "bureau numérique de l’université de Toulouse" facilitera le développement de plateformes collaboratives entre les futurs enseignants.
L’ESPE prévoit également des modules d’enseignement du numérique dans le cadre de la formation continue des enseignants, qui pourront aussi préparer le C2i2e. Les enseignants du 1er degré disposeront de 9 heures annuelles de formation en ligne, tandis qu’un plan de formation disciplinaire au numérique concernera 3 000 enseignants/an du 2nd degré, sur 2 ans.
Que ce soit dans le cadre d'une formation initiale ou continue, l’enseignement du numérique combinera une formation en présentiel et une formation à distance, dont la part variera de 40% à 100%. "C’est bien au-delà des 9 heures de formation à distance préconisée dans la loi pour la formation continue des professeurs des écoles", note le dossier de préfiguration.
Formation continue et enseignement agricole
La formation continue des enseignants occupe une place centrale dans l'organisation de l'ESPE. Elle propose des formations aux "méthodes pédagogiques innovantes, usages pédagogiques du numérique, socle commun de connaissances de compétences et de culture, égalité hommes et femmes, lutte contre les discriminations, formation tout au long de la vie", et prévoit d'en mutualiser une partie avec les enseignements de formation initiale.
La formation continue est également liée à la recherche universitaire. La SFR sera "au service de la politique de formation continue des enseignants, de la maternelle à l’université, sur le volet de l’actualisation des connaissances" tandis qu'une commission "formation continue de l’ESPE" assurera une fonction de veille et de prospective pour le Conseil d’orientation stratégique et pédagogique.
L'équilibre que recherche l'ESPE Midi-Pyrénées entre recherche et enseignement d'une part, formation initiale et formation continue d'autre part, pourrait également prendre en compte la relation entre enseignement général et enseignement agricole. L’ENFA (Ecole nationale de formation agronomique), qui forme actuellement tous les enseignants de l’enseignement technique agricole public, est l'un des partenaires de l'ESPE, ce qui pourrait permettre d'assurer des liens entre l'enseignement général et l'enseignement agricole, comme le souhaite par exemple la FEP-CFDT (lire ToutEduc ici).
par R.G.