B. Kuntz expose les raisons qui poussent FO et un certain nombre d'enseignants à refuser la refondation
Paru dans Scolaire le dimanche 08 septembre 2013.
La "refondation" lancée par Vincent Peillon entraîne-t-elle l'école sur "une voie mortifère" ? Cela ne fait aucun doute pour Bernard Kuntz. Ancien président du SNALC passé à Force ouvrière, il adresse au ministre de l'Education nationale une "lettre ouverte" dans laquelle il l'accuse de "dilapider l'école". La refondation "dans ses principes comme dans ses structures, vise essentiellement à préparer l'acte III de la décentralisation, et à briser l'école républicaine en la territorialisant". Comme souvent les auteurs "anti-pédagogues", le syndicaliste ne recule devant pas devant le plaisir des formules à l'emporte-pièce, lorsqu'il dénonce par exemple "les pétulantes turpitudes" de la concertation de l'été 2012, ou "les émois de quelques vierges folles, les attendrissements de quelques vierges molles et (...) de papys few" provoqués par l'expression "collège de la bienveillance". Mais il connaît parfaitement l'histoire de l'école depuis les années 70, pour l'avoir vécue au plus près, étant très tôt dans les instances nationales, il a lu les travaux des pédagogues, notamment ceux de Philippe Meirieu, et il exprime avec une grande précision les inquiétudes de bon nombre d'enseignants face à des évolutions dont la refondation leur paraît n'être qu'un avatar. Bien qu'il ait adopté la forme du pamphlet, le livre est plus sérieux qu'il ne se présente, même s'il mêle parfois l'affirmation des "grands principes" et le ressenti par les acteurs de terrain de la mise en oeuvre des politiques décidées rue de Grenelle.
L'auteur dénonce d'abord les bons sentiments qui alimentent toutes les réformes. "La réussite pour tous (...) Autant croire qu'au sortir de la messe, où l'on proclame urbi et orbi qu'il fait aimer son prochain, le monde entier ne sera plus qu'ordre et beauté !" Il dénonce aussi "le passage automatique dans la classe supérieure", un levier "de démotivation du système et de déstabilisation de ses acteurs". Il attribue "la multiplication des actes de violence" au "recul constant de la transmission du savoir" : C'est pourtant dans "la finalité même du système éducatif" qu'il "convient de chercher ce qui fonde la morale". La barbarie serait en effet le fruit de l'ignorance. D'où l'affirmation "Restaurez la transmission des connaissances disciplinaires et le reste vous viendra de surcroît."
Territorialisation et socle commun
Deuxième axe critique, la territorialisation de l'Ecole, que pourrait, pense l'auteur, accélérer la réforme des rythmes scolaire. Les activités périscolaires doivent en effet "s'inscrire dans le cadre de PEDT" (projets éducatifs territoriaux), qui sont "eux-mêmes liés à l'école du socle" (que l'auteur rejette vigoureusement), mais qui surtout seraient porteurs d'un risque d'asservissement à "de nouvelles cléricatures". Bernard Kuntz rappelle les "longues années de lutte [qui] ont été nécessaires pour maintenir les Eglises et les autorités locales à distance raisonnable de l'école laïque".
Et une troisième inquiétude surgit. De la "réforme Haby" à la "refondation" en passant par la loi Fillon, une même logique se poursuit et elle pourrait mener à la transformation des enseignants du second degré en "profs de socle" tandis que le continuum "bac-3 bac +3" conduirait "à la fin du baccalauréat et à la mise à mal des disciplines". Incontestablement militant, et occasion de régler quelques comptes avec ces anciens amis du SNALC qui soutiennent aujourd'hui la "refondation", ce petit livre (64 pages) donne sous une forme condensée l'ensemble des arguments et des angoisses, existentielles, qui justifient l'opposition de la fédération FO de l'enseignement aux "contre-réformes" engagées par Vincent Peillon.
"Dilapider l'école ?" édité et distribué (sans indication de prix) par la FNEC FP FO.