Scolaire » Actualité

Les mécomptes des internats d'excellence (inspections générales)

Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 08 août 2013.
Mots clés : internats d'excellence, inspections générales, réussite éducative

"La réalité des chiffres est faussée". Dans un rapport sur les "modalités d’intégration des internats d’excellence dans une politique renouvelée des internats", les inspections générales épinglent la comptabilité de l’opérateur du programme, l’agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU). Elle aurait surévalué le nombre de places d’internat d’excellence "créées" depuis la mise en place du programme d’investissements d’avenir (PIA) en octobre 2010, sous-évaluant ainsi leur coût moyen.

Depuis 2010 , les internats d’excellence (IE) ont requis un investissement de 625.111.789 € , dont un peu plus de la moitié (56%) ont été financés par le PIA et le reste par les collectivités. Selon l’ANRU, 106 internats d’excellence "de plein exercice" sont actuellement réalisés ou programmés, pour 17 930 places. Parmi celles-ci, seules 11.722 ont été "crées", les autres correspondant à une politique de labellisation de places déjà existantes. En rapportant l’investissement de 625.111.789 € à ces 11.722 places, l’ANRU parvient à un coût moyen de 53 328 € par place d’IE dont 33 063 € financés par le PIA.

Or, d’après les inspections générales, "le nombre de 11 722 places d’IE 'créées' est un chiffre surévalué qui ne correspond pas stricto sensu au nombre de places réellement proposées dans les IEPE concernés". La part PIA d’une place d’IE créée serait donc "forcément supérieure à 33 063 €".

"Le nombre de places d'IE affiché ne sera jamais atteint"

Selon les inspecteurs, dans les établissements en cours de construction, moins de 39% des places d’internat d’excellence affichées par le tableau de suivi de l’ANRU seraient effectivement réservées à des internes d’excellence (240 places sur 620). L’internat de Saint-Étienne destine seulement 100 lits aux internes d’excellence pour 270 places affichées, l’internat Jean-Perrin de Lyon 100 pour 250, celui de Villeurbanne 40 pour 100.Ces mêmes écarts se retrouvent dans les internats d’excellence déjà réalisés. Les inspecteurs estiment que dans ces établissements, "il est d’ores et déjà évident que le nombre de places d’IE affiché ne sera jamais atteint". La mission donne deux exemples particulièrement marquants : le lycée d’Ambérieu en- Bugey n’accueille que 34 internes d’excellence pour 158 places affichées, et le lycée du Parc (Lyon) n’en héberge que 30 pour 194 places affichées.

L’ANRU justifie ses données en les identifiant au nombre de places envisagées par les porteurs de projets au moment de l’élaboration des conventions. Selon les inspecteurs, non seulement "cet argument révèle la fragilité des engagements inscrits dans les conventions" mais il n’explique pas un autre problème qui "fausse les données". Dans son bilan global, "l'ANRU a inscrit 532 places entièrement financées par les collectivités territoriales" qui n'auraient pas dû être comptabilisées dans le bilan du PIA.

Le coût moyen d’une place financée par le PIA est donc sous-évalué, tout comme le coût moyen global, qui est "forcément supérieur à 53 328 €" selon les inspecteurs. Le tableau de suivi de l’ANRU comptabilise en effet les places de trois établissements entièrement financés par les collectivités locales (Châlons-en-Champagne, Pontchâteau et Villeurbanne) "dont le montant n’est pas précisé".

Les inspecteurs rappellent par ailleurs qu’un raisonnement en termes de coût moyen masque la forte disparité des financements, 53 fois supérieure pour l'internat de Douai (Nord-Pas-de-Calais) que pour celui de Mondoubleau (Centre) (100 600 € par place contre 1 923 €).

L'enveloppe du PIA déjà déficitaire

Malgré ces évaluations imparfaites, les inspecteurs ont une certitude : pour financer la "politique d’internat revisitée" souhaitée par J.-M. Ayrault et les "internats de la réussite" évoqués par V. Peillon, le gouvernement ne pourra pas puiser dans les crédits que le PIA alloue aux internats d'excellence. Cette enveloppe de 400 millions d’euros pour l’année 2013 est "non seulement entièrement engagée, mais les déficits prévisibles ne pourront être comblés que par des abandons d’investissements ou des sous-réalisations". Selon les calculs des inspecteurs, l'enveloppe du PIA réservée aux internats d'excellence souffrirait d'un déficit de 457 831 € (1), qui pourrait être porté à 10,5 millions d’euros (2).

Pour les inspecteurs, le ministère doit donc porter un "message clair" envers les collectivités et les "inciter à abandonner certains projets d'investissement dans les internats scolaires". C'est déjà le cas pour un certain nombre d'entre elles : d’après les inspecteurs, l'économie réalisée sur les projets non concrétisés ou sous-réalisés serait de 12 à 20 millions d'euros, et recouvrirait donc le déficit théorique du PIA. Il faut cependant aller plus loin : "les représentants du MEN doivent recevoir des instructions claires afin que de nouveaux investissements ne soient pas adoptés en remplacement des opérations abandonnées". Au 26 avril 2013, sur 106 IEPE programmés ou réalisés, seules 16 opérations avaient bénéficié d’un versement de crédits par l’ANRU.

Cependant, même si cette politique de rigueur portait ses fruits, les crédits récupérés ne laisseraient pas assez de marge de manoeuvre pour mener une "politique d'internat scolaire revisitée". Les inspecteurs préconisent de les orienter plutôt "vers des opérations d’investissement présentant un caractère prioritaire" pour moderniser certains internats existants.

(1) Les investissements déjà validés par le Premier ministre et les frais de gestion de l'ANRU représentent 387.559.581 €. Si l'on ajoute à cette somme le prix du foncier de l’internat d’excellence de Montpellier (12.898.250 €), que l'ANRU devrait rembourser au ministère de l'Education à la demande de J.-M. Ayrault, l'enveloppe de 400 M€ du PIA se trouve dépassée de 457 831 €.

(2) D’après les inspections générales, J.-M. Ayrault a prévu de réserver une enveloppe de 10 M€ à l’internat d’excellence de Lourcine. Le déficit prévu pourrait être amorti par l’abandon de l’internat d’excellence de Dreux, envisagé par le gouvernement et qui permettrait d’économiser un peu plus de 3 millions d’euros.

Le rapport des inspections générales est à télécharger ici.

R.G.

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →