Les ESPE représentent "un vrai changement" (entourage de G. Fioraso)
Paru dans Scolaire le vendredi 05 juillet 2013.
Les ESPE, ces écoles supérieures du professorat et de l'éducation qui vont se substituer aux IUFM à la rentrée, représentent-elles un vrai changement ? Comment vont-elles s'intégrer à l'Université, qui est traditionnellement davantage soucieuse des savoirs académiques que de formation professionnelle ? ToutEduc a posé ces questions à l'entourage de Genevièce Fioraso, la ministre de l'enseignement supérieur
ToutEduc : Les étudiants inscrits dans une ESPE vont se partager entre les UFR, pour les enseignements académiques et l'Ecole elle-même pour les enseignements professionnels. Qui va organiser ce partage?
Ministère : C'est l'ESPE bien sûr! Mais il ne faut pas distinguer deux types d'enseignement. Certains continuent de raisonner en opposant les savoirs disciplinaires et les savoirs professionnels. Tous sont nécessaires à l'exercice de la profession. Les ESPE fonctionneront comme les "facultés professionnelles d'éducation" tel qu'on les trouve dans d'autres pays. Elle établit des parcours en fonction des référentiels métiers qui ont été adoptés par l'Education nationale. Elle établit et propose aux étudiants, des parcours de formation s'appuyant sur un ensemble de savoirs et de compétences professionnelles c'est à dire disciplinaires, didactiques, scientifiques et liés à l'exercice du métier. Ces parcours de formation se construisent au sein des masters "Métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation" (MEEF). L'étudiant suit des cours à l'ESPE mais aussi dans une UFR. Ainsi en est-il pour une formation "Professorat des écoles", où l'étudiant peut suivre des cours dans l'UFR de psychologie sur les troubles des apprentissages. L'ESPE est au coeur de la formation, mais elle travaille avec l'ensemble des potentiels qu'offre un site académique... On pourrait dire, pour utiliser des termes qui s'emploient dans d'autres domaines, que l'école organise les formations et en même temps, en assure directement elle-même une partie.
ToutEduc : Comment s'établissent les relations entre l'ESPE et les autres composantes ?
Ministère : Le "conseil d'école" rassemble toutes les composantes des universités de l'académie qui participent à la formation des enseignants. Ce peut être un professeur de psychologie cognitive si, parmi les sujets sur lesquels travaille son labo, figure les troubles des apprentissages, pour garder le même exemple, ou un professeur de sociologie qui propose un enseignement sur les discriminations de genre, ou un didacticien spécialiste du numérique... Nous ne répétons pas l'erreur des IUFM, au départ non intégrés dans les universités, et qui ont dû se doter de spécialistes propres. Les universitaires, les enseignants et formateurs comme les personnels de direction, les inspecteurs et les professeurs du premier et du second degrés qui interviendront dans les ESPE peuvent n'y faire qu'une partie de leur service. Mais l'ESPE doit être totalement intégrée à l'université et ouverte sur le monde scolaire et académique.
De plus, notre futur professeur des écoles qui s'intéresse aux difficultés d'apprentissage de certains élèves en CP, pourra acquérir des compétences fondamentales dans ce domaine, en étudier les contextes didactiques, voir lors de ses stages, des élèves effectivement en difficulté et travailler avec eux, valider une "UE" (unité d'enseignement) sur cette thématique, et préparer sur le sujet un dossier qu'il présentera lors du concours, s'il est admissible. C'est un modèle de formation très proche des formations universitaires professionnelles.
A ce conseil participent aussi des représentants de l'employeur représenté par les inspecteurs et le recteur... Nous voulons vraiment mettre fin à la concurrence et à la dissociation entre le théorique, le pédagogique et l'académique, car toutes ces compétences du référentiel "métier"doivent être acquises progressivement et de manière continue, tout au long des 4 semestres du master MEEF.
Pour les CAPES, qui conservent une forte coloration disciplinaire, la rupture est plus difficle et il faudra encore davantage intégrer la formation et le concours dans les prochaines années. L'essentiel doit d'abord être la qualité et la progessivité de cette formation professionnelle universitaire.
ToutEduc : Ne craignez-vous pas que certains étudiants parviennent à contourner cette obligation de mixer l'académique et le pédagogique ?
Ministère : Pas du tout. Il est vrai qu'un étudiant qui aura validé un M2 d'histoire n'aura pas à valider un master "MEEF", mais il faudra qu'il réussisse le concours. Or la logique est que certaines épreuves intègrent davantage une perspective didactique et liée à l'exercice du métier. Par ailleurs, s'il réussit le concours, l'ESPE établira au vu de ses acquis un plan d'étude au sein du master MEEF, durant son année de stage. Notamment, il sera conduit à préparer un mémoire de master qui sera bien davantage qu'un rapport de stage.
ToutEduc : Vous parlez du CRPE, du CAPES, de divers concours, pas de l'agrégation. Comment voyez-vous ce concours ?
Ministère : C'est une question qui relève d'abord du ministère en charge de l'Education nationale et qui est devant nous. Il faut sans doute bien définir la place des professeurs agrégés dans le système éducatif. Les deux projets de loi sur la refondation de l'école de la république, d'une part et de l'autre, sur l'enseignement supérieur et la recherche dessinent une organisation des enseignements plus cohérente du "bac-3 / bac +3". Ceci participe à une exigence que l'on retrouve dans les titres requis actuellement pour le concours de l'agrégation. Ensuite, détenteur d'un master au moment où il passe le concours, le lauréat pourait être conduit à suivre des enseignements au sein du master MEEF durant son année de stage.
L'ambition est bien que les enseignants bénéficient d'une formation professionnelle solide et conforme aux référentiels métiers. Enseigner est un métier qui doit s'appendre de manière progressive et intégrée.
On devrait donc voir dans les ESPE et dans une même UE, simultanément des étudiants qui auront fait un M1 "métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation" et réussi leur CAPES, des étudiants qui auront leur CAPES et un autre master, des agrégés et même des maîtres de conférences dont les sujets portent sur des questions qui intéressent l'éducation, l'enseignement, la didactique, les innovations pédagogiques ...
Les ESPE comme les master MEEF ont cette vocation : bien former à ce métier, offrir des parcours de formation professionnelle, assurer une culture commune. Dès le 1° septembre, les ESPE vont ouvrir. C'est un processus qui démarre et qui va s'enrichir progressivement.