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Enseignement catholique : Eric de Labarre fait le point sur le nouveau statut, la loi Carle et les défis à venir...

Paru dans Scolaire le jeudi 04 juillet 2013.

"L'enseignement catholique est confronté à deux défis, la réorganisation de son réseau et la gestion des ressources humaines. Les deux sont intimement liés puisque des établissements trop petits ne peuvent offrir à leurs personnels des possibilités de promotion professionnelle et personnelle." Eric de Labarre s'apprête à quitter le secrétariat général de l'enseignement catholique après deux mandats de trois ans. Il revient sur deux des principaux dossiers qu'il a portés, le nouveau statut et l'application de la "loi Carle", mais aussi sur le passage de relais avec son successeur.

ToutEduc : La "loi Carle" reste une pomme de discorde entre l'enseignement catholique et le mouvement laïque qui demande son abrogation. Comment analysez-vous ce conflit ?

Eric de Labarre : Compte-tenu qu'il n'y a pratiquement pas de contentieux, je trouve imprudente sa mise en cause par François Hollande lorsqu'il était candidat. Rappelons que cette loi est née des difficultés d'application de l'article 89 de la loi de décentralisation de 2004, qui prévoit l'obligation pour une commune de financer la scolarisation des enfants qui y résident dans un établissement d'une autre commune si elle n’a pas les capacités d’accueil nécessaires à leur scolarisation. Mais il n'était pas possible que ce principe s'applique selon les mêmes règles au privé et au public : il suppose l'accord du maire. Nous ne pouvions pas accepter cette entrave au principe de liberté du choix des parents. En 2009, nous avons accepté avec la "loi Carle" un recul par rapport à la loi de 2004, parce qu'elle créait un cadre politique soutenable. Pour nous, elle est un pis-aller nécessaire, et, contrairement à ce que pensent certains, elle ne nous est pas favorable.

ToutEduc : A défaut de son abrogation, certains demandent une nouvelle disposition pour que soient pris en compte les RPI (regroupements pédagogiques intercommunaux) pour apprécier les capacités d’accueil des écoles d'une commune rurale, et donc la possibilité pour une famille de scolariser ses enfants dans une autre commune. Y êtes-vous favorable ?

Eric de Labarre : Evidemment non. Un RPI [qui répartit les enfants de plusieurs villages dans plusieurs écoles pour éviter des classes uniques dans tous les villages, ndlr] est une commodité pédagogique et les élus définiraient eux-mêmes le périmètre du territoire de référence pour juger des capacités d'accueil des écoles ! Le territoire de résidence ne peut être défini que par l'organisation territoriale légale, la commune ou la communauté de commune, quelle qu'en soit la forme. Mais plus généralement, nous vivons sous la régime de la "loi Debré" qui est difficile à appliquer. Elle pose un principe, les communes doivent financer la scolarisation des élèves dans le privé comme elles financent leur scolarisation dans le public. Mais le mode de calcul du coût de cette scolarisation n'est pas défini. Nous vivons avec cet inconfort. Tout dépend finalement de la qualité des relations avec les élus, qui savent bien que nos établissements s'inscrivent dans le service public.

ToutEduc : Votre deuxième mandat s'achève avec la publication d'un nouveau statut pour l'enseignement catholique. Que représente-t-il pour vous ?

Eric de Labarre : Dès mon premier mandat, j'avais dit qu'il faudrait s'attaquer à la révision du statut de 1992, et c'est un dossier très lourd, passionnant, qui a duré trois ans. On n'a pas contenté tout le monde, mais il enregistre un certain nombre d'évolutions, notamment en termes d'organisation territoriale. L'enseignement catholique doit être uni, et en même temps il doit s'adapter à des réalités locales extrêmement diverses.

ToutEduc : Les recteurs et les régions ont aujourd'hui plus de poids qu'autrefois. N'aviez-vous pas l'ambition de "régionaliser" l'enseignement catholique, son organisation diocésaine correspondant, peu ou prou, à une organisation départementale ?

Eric de Labarre : Les mêmes règles ne peuvent pas s'appliquer aux quatre départements bretons, qui scolarisent quelque 300 à 400 000 élèves, et au Limousin, qui en compte 8 500 en tout. La direction diocésaine de Nantes a près de 100 salariés, la direction interdiocésaine de Limoges deux ! La Bretagne a une très forte organisation régionale, liée à son unité culturelle et politique, alors qu'en Aquitaine, il faut tenir compte de la rivalité de la Gironde avec tous les autres départements, et de l'irrédentisme basco-béarnais. En Auvergne, la situation de la Haute-Loire, où le maillage territorial est fort n'est pas comparable à celle du Cantal. En Lorraine, la Moselle concordataire n'est pas dans la même situation que les trois autres départements... Nous ne pouvions donc pas avoir une règle unique. Et de toute façon, il n'appartient pas à l'enseignement catholique de réformer l'organisation de l'Eglise universelle, qui est structurée en diocèses !

ToutEduc : Certes... Mais la relation des établissements avec la hiérarchie catholique n'est-elle pas en train d'évoluer ?

Eric de Labarre : Les relations sont très variables selon les lieux et les départements. Aujourd'hui, la quasi totalité des évêques manifeste un fort intérêt pour l'enseignement catholique, beaucoup plus qu'il y a vingt ans. L'évolution est incontestable.

ToutEduc : Ils n'ont pas tous la même sensibilité. Cela ne vous pose-t-il pas de problèmes ?

Eric de Labarre : Les différences de points de vue n'affectent pas nos relations, sauf cas très particuliers, je dirais même "cas particulier", au singulier...

ToutEduc : Vous préparez actuellement le passage de relais à votre successeur, Pascal Balmand. Il a un parcours assez différent du vôtre...

Eric de Labarre : Effectivement, il est historien, je suis juriste, et surtout, j'étais président de l'UNAPEL [aujourd'hui APEL nationale, l'association des parents d'élèves, ndlr], donc extérieur à l'institution, alors qu'il a fait tout son parcours dans l'institution, il a été enseignant, chef d'établissement, directeur diocésain... Comme avec mon prédécesseur Paul Malartre, les styles peuvent être différents, mais la continuité est là, nous faisons vivre la tradition, c'est à dire la traduction dans un langage nouveau d'une vérité éternelle. Le passage de relais se fait dans un climat de très grande confiance. Nous connaissons depuis que nous avons été, avec Françoise Gaussen, directrice diocésaine, les représentants de l'enseignement catholique dans la "commission Thélot".

ToutEduc : Après les nouveaux statuts, quels sont les chantiers, à votre sens, pour l'avenir de l'enseignement catholique ?

Eric de Labarre : Il faudra réorganiser le réseau. Des établissements doivent fusionner, sans abandonner pour autant les sites, mais de façon à mutualiser les moyens. Ils auront ainsi la dimension voulue pour offrir aux personnels des possibilités de promotion en termes de carrière, mais aussi d'organisation de leur travail, de satisfaction personnelle. Et quand je pense aux personnels, je pense évidemment aux enseignants, mais aussi à tous les autres, administratifs et de service. La qualité de l'accueil d'une famille la première fois qu'elle vient est déterminante pour la suite de leurs relations, pour la façon dont l'élève vivra les relations humaines dans l'établissement.

Propos recueillis par P. Bouchard et relus par E. de Labarre

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