P. Meirieu : l'Ecole a un caractère "thermostatique" (sur France-Culture)
Paru dans Scolaire le dimanche 12 mai 2013.
Mots clés : Meirieu, Meyer, refondation, France-Culture
L'Ecole a un "caractère thermostatique", elle regardait du côté des idéologies libertaires dans les années 60, quand la société était autoritaire, elle doit aujourd'hui lutter contre "la dispersion" et le message que la société adresse aux enfants, "ne pas se prendre la tête". C'est un des points développés ce 12 mai par Philippe Meirieu qui était l'invité de Philippe Meyer et de l'émission "Service public" sur France-Culture. C'était pour le pédagogue, souvent caricaturé par les tenants de "l'élitisme républicain", dont se réclame notamment Max Gallo, l'un des invités permanents de l'émission, de préciser sa pensée et de refuser tout manichéisme, au point de mettre en difficulté ses contradicteurs.
Pour lui, Vincent Peillon n'a pas pris la mesure de la "dépression" dont l'Ecole est victime, laquelle s'est accélérée avec le précédent quinquennat, mais "se poursuit" encore aujourd'hui. Les mesures prises, et la loi d'orientation notamment, ne donnent pas "les moyens réels d'une refondation", tout au plus d'une réparation. Nous sommes, pense-t-il, dans de "la tuyauterie". Il faudrait réinterroger les programmes d'enseignement, pour y faire entrer le droit, mais surtout pour privilégier une entrée culturelle, aux dépens de leur caractère "juxtapositif", où "le savoir est découpé en rondelles". Les élèves sont susceptibles d'être "éblouis" si on leur présente l'histoire des savoirs et non pas seulement les savoirs eux-mêmes. "L'essentiel, c'est le plaisir de penser." Or nous sommes en réalité régis par l'ERT (European Round Table, ou Table ronde des Industriels européens), un groupe d'entreprises créé en 1983 pour influencer la politique européenne, et définir les compétences nécessaires à l'employabilité des salariés. Ce sont ces compétences qui définissent les programmes, et non pas un projet culturel. Une autre vision des programmes amènerait aussi à revoir le nombre des enseignants en 6ème par exemple.
Deuxième entrée pour une véritable refondation, selon P. Meirieu, la construction de nouveaux rituels. Sans revenir aux rituels anciens, du type "distribution des prix", il faut en inventer d'autres pour lutter contre la "desinstitutionnalisation de l'école". Celle-ci, notamment du fait de la loi Fillon et de l'assouplissement de la carte scolaire n'est d'ailleurs plus une institution, mais un service, dont la qualité se mesure à la satisfaction des usagers, et non pas en fonction du bien commun. Il rappelle que dans une classe, "comme dans un jury d'assises", on ne choisit pas ses camarades. D'où le troisième axe de la refondation selon l'universitaire, "retrouver la confiance des familles", pour éviter le consumérisme scolaire et le communautarisme.
Interrogé sur l'élitisme, P. Meirieu le distingue de l'excellence qui doit être diversifiée et qui peut se trouver dans toutes les formations, y compris professionnelles. Le bon ouvrier, le bon boulanger, n'est pas seulement celui qui sait mesurer le levain et la farine, il est "partie prenante d'une histoire, d'une mythologie".
Au cours de l'émission, il est également revenu sur son souhait de voir se constituer des "mini-collèges" d'une centaine d'élèves, avec une équipe homogène d'enseignants. Il dénonce aussi le projet d'établissements du type Louis-le-Grand ou Henri-IV, qui participent d'une vision de l'Ecole moins républicaine que celle de certains établissements privés sous contrat.
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