Accompagner les enseignants tout au long de leur carrière et ne pas tout miser sur leur formation initiale (C. Thélot)
Paru dans Scolaire le jeudi 25 avril 2013.
Mots clés : Thélot
"Il faut que les idées deviennent anonymes" et s'imposent comme des "vérités d'évidence", dont on ne sait plus qui les a formulées, si on veut faire avancer et réformer le système scolaire. Claude Thélot, ancien directeur de la DEPP (le service statistique de l'Education nationale) et ancien responsable de la consultation des années 2003-2004, était ce 25 avril l'invité de l'AJE (l'association des journalistes éducation) pour évoquer "la résistance au changement dans les systèmes éducatifs". C'est ainsi que pour lui, "le mot d'ordre 'faire réussir tous les élèves' s'est imposé", en même temps que l'idée que, de ce point de vue, les choses se dégradent et que les disparités de réussite augmentent depuis 10 ans.
Autre idée qui s'est imposée : l'échec scolaire ne se produit pas au collège, et c'est sur l'école primaire qu'il faut faire porter les efforts. Claude Thélot estime aussi, mais il en est moins assuré, qu'un consensus s'établit autour de l'idée qu'il faut donner "une certaine autonomie aux établissements et aux acteurs locaux", à condition que cette autonomie soit encadrée et leur action évaluée. Il estime aussi que "progresse" l'idée qu'on peut procéder à "une différenciation des moyens" selon les difficultés des élèves, à la condition qu'elle soit "équitable et maîtrisée". Il constate que l'idée de "projet d'établissement" a échoué et qu'il faut passer au "contrat".
Comme facteur principal de changement, tout en reconnaissant la difficulté pour un ministre d'aller en ce sens, il voit le triplement du nombre des inspecteurs territoriaux, lesquels pourraient d'ailleurs garder un temps d'enseignement. Pour lui en effet, on attend trop de la formation initiale des enseignants, alors que l'essentiel serait de les accompagner tout au long de leur carrière, de les informer des innovations réussies, de nourrir leur liberté pédagogique des réussites des autres, de leur proposer de la formation continue, toutes choses qui ne peuvent être faites si un inspecteur voit un enseignant "2h tous les 8 ans". Plus globalement, il en appelle à "une politique de ressources éducatives". Il ne faut pas faire de réformes de structures, mais créer les cadres d'une réforme des pratiques.
Claude Thélot identifie trois principaux facteur de résistance au changement. Par nature, l'école est chargée de transmettre non pas tout le passé comme le croient certains, mais "le meilleur des vieilles générations", et elle est naturellement conservatrice, même s'il faut la convaincre que la transmission du passé "oblige à une certaine innovation". D'autre part, et c'est vrai dans tous les pays, les syndicats enseignants font valoir que la réussite des élèves suppose que les personnels soient "en bon état". Mais ils inversent le lien de causalité, et mettent en avant la situation de leurs mandants avant la réussite des élèves. Enfin, l'opinion publique est marquée par les élites, qui ne voient pas pourquoi on changerait un système qui les a fait réussir et qui fait réussir leurs enfants. "Or la réussite du pays suppose la réussite de tous les élèves."