Education artistique et culturelle : le rapport Desplechin demande qu'on ne réinvente pas ce qui existe déjà
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le vendredi 08 février 2013.
"Toute expérience de création artistique à l’école doit pouvoir être articulée à un projet d’éducation artistique et culturelle concerté, un projet qui (...) dépasse l’espace strictement scolaire. Ce projet global d’éducation doit permettre aux enfants et aux jeunes des rencontres avec la culture dans tous les temps de vie." Cet extrait du rapport "sur l'éducation artistique et culturel présenté au nom du comité de la consultation, présidé par Marie Desplechin" en donne le ton. En voici des extraits significatifs.
Il s'agit de "développer la créativité et la sensibilité des jeunes, de permettre la construction de l’esprit critique, l’acquisition de l’autonomie, de la confiance en soi, de la capacité d’entreprendre et de coopérer, de développer la curiosité, l’imagination, l’originalité". Mais il s'agit pas de tout inventer, alors que de nombreuses initiatives existent déjà et "la plupart des contributeurs ont souhaité qu’aucun nouveau dispositif national ne s’ajoute à cet ensemble déjà très complet." Le rapport donne plusieurs exemples, notamment le département de Haute-Savoie, qui propose aux collégiens "une gamme de projets" parfois classiques, parfois très originaux, ou celui de Seine-Saint-Denis avec son dispositif "la Culture et l’Art au Collège" et ses 300 parcours par an "examinés par un comité de pilotage associant le département, l’inspection académique, le rectorat et la DRAC" (direction régionale des affaires culturelles). Il cite encore les résidences d'artistes du Nord-Pas-de-Calais qui font "tomber les murs de la classe", et même de la prison, ou la Comédie de Valence, et l'enseignement agricole qui "a construit une démarche d’éducation artistique et culturelle remarquable par sa cohérence, son ouverture et son efficacité".
Et pourtant, "l’absence d’outils de suivi consolidés entre les deux ministères" de la Culture et de l'Education nationale, ne permet pas de savoir combien d'élèves sont concernés, "vraisemblablement" 10 à 20 % chaque année. De plus, "ce résultat s’accompagne de grandes inégalités territoriales, certaines zones accusant un retard important, zones rurales et quartiers défavorisés notamment". Le rapport évoque "une insuffisante coordination sur le terrain des initiatives et des actions" et le renforcement du partenariat entre l’État et les collectivités territoriales.
Des conférences territoriales
"Dans les déclarations préparatoires au futur 'projet de loi de décentralisation et de réforme de l’action publique' figure l’intention de créer des conférences territoriales de l’action publique associant l’État et les collectivités territoriales. Ces conférences pourraient (...) déboucher sur un pacte de gouvernance territoriale."
Mais le "rapport Desplechin" pose des limites. Les futurs "contrats territoriaux d’éducation artistique et culturelle" devront prendre en compte les contrats existant, comme les contrats "territoire-lecture". Et surtout, passer par l'Ecole qui "seule touche systématiquement tous les jeunes, et notamment les plus jeunes". Or la refondation lancée par Vincent Peillon "offre un cadre favorable à un projet de généralisation de l’éducation artistique et culturelle", d'autant qu'elle repose "sur une plus grande ouverture de l’établissement sur son environnement". Cette éducation artistique et culturelle doit "s’appuyer sur un partenariat de l’école avec les collectivités territoriales, les structures culturelles, le monde associatif, des artistes".
Par ailleurs, "l’organisation hebdomadaire des enseignements obligatoires de musique et arts plastiques au collège" pourrait être modifée et des regroupements d’heures leur permettraient de "se développer dans un environnement culturel plus riche". Dans le premier degré, la réforme des rythmes scolaires constitue "une opportunité historique pour faire une meilleure place à l’éducation artistique et culturelle sur tout le temps de l’enfant".
D'ailleurs, les fédérations d’éducation populaire y voient "un levier de transformation sociale", et "elles préconisent une éducation artistique et culturelle tout au long de la vie", mais "pour les jeunes, dans les temps scolaire, périscolaire et hors scolaire". Le CAPE (le Collectif des associations partenaires de l’école publique) ajoute que le hors-temps scolaire doit "ouvrir à la diversité culturelle plutôt que refaire l’école après l’école" et la Ligue de l’enseignement demande "qu’on ne cannibalise pas ce temps en plus (de l’accompagnement éducatif) par de l’acharnement scolaire mais qu’on le charge en contenu d’éducation artistique et culturelle".
Des attentes, des freins, des organisations
Le rapport insiste encore les questions de l'impact du numérique, de la culture scientifique et technique, de la petite enfance et il en appelle à la rénovation du "Haut-conseil de l’éducation artistique et culturelle", et il voit les "freins". Depuis 30 ans, "la politique d’éducation artistique et culturelle a été conçue comme un dispositif pyramidal" alors qu'il serait temps de "s’interroger sur les attentes, les besoins, les demandes de la société, en l’occurrence des jeunes, de leurs parents, des enseignants et des artistes". Elle dépend aussi "de la capacité à mobiliser les ressources artistiques". Or le régime de l’intermittence des artistes du spectacle constitue un frein à leurs interventions, depuis que le protocole de 2003 a réduit "le nombre d’heures de formation dispensée par les artistes ouvrant des droits d’accès au régime".
Les rapporteurs suggèrent que, dans chaque territoire, la DRAC et le rectorat constituent, "avec les services de la commune (ou de l’établissement public de coopération intercommunale) (...) un premier cercle d’accompagnement de la mise en oeuvre du contrat territorial, un second cercle étant constitué, naturellement, par les signataires du contrat."
Le rapport est téléchargeable sur le site du ministère de la Culture, ici.