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Les internats d'excellence, un succès et des réserves (rapport de recherche)

Paru dans Scolaire, Orientation le mercredi 23 janvier 2013.

Le programme "internats d'excellence" peut être "considéré comme un succès" estime le Centre Alain Savary dont l'IFE (Institut français de l'éducation) vient de publier le rapport. Mais s'ils assortissent chacune de leurs réserves de la réaffirmation de l'intérêt de ces structures, les auteurs* n'en montrent pas moins les limites. Ils se demandent notamment si ces internats ne servent pas "d’alibi aux insuffisances de l’école publique dans certaines zones", s'ils ne justifient pas "une approche de plus en plus individualisante de l’action éducative" ou s'ils constituent au contraire "un terrain d’expérimentation de solutions potentiellement transférables au bénéfice de l’ensemble du système". Ces internats tendent en effet "un redoutable miroir à l’école publique". Leurs élèves, même s'ils ne sont pas excellents, auront "accompli un parcours de bon élève", et ils auront été "en mesure de choisir une orientation plutôt que de devoir la subir, et cela – ce n’est pas rien – dans une certaine sérénité. Il n’est pas certain qu’ils auraient pu y parvenir" autrement.

Les chercheurs notent que "les résultats scolaires ont eu plutôt tendance à s’améliorer" et que les élèves ont davantage "confiance en eux". Ils parlent même "d’un certain bien-être à l’école". Ils considèrent que "les adultes qui les prennent en charge, pay[e]nt de leur personne". Et ils répondent à l'argument du coût qu'un interne d'excellence "ne revient pas plus cher qu’un élève de CPGE" (classe préparatoire aux grandes écoles).

Mais à quoi attribuer ce succès ? "Du seul fait d’avoir changé de cadre scolaire, ces élèves [ne sont-ils pas] mis en position de progresser"? Ou du seul fait d'être en internat ? Ou les deux ? Cette réussite ne doit-elle pas "beaucoup à l'effet assez 'naturel' de causes ordinaires" ?

Un quiproquo

Il faut de plus bien voir que tous les élèves ne sont pas identiques. Certains "aiment l’école (...) et tirent un parti important de ce qui leur est offert", tandis que d'autres progressent tout juste, et que pour d'autres encore, l'apport "est plus problématique".

N'y a-t-il pas de plus quiproquo ? C'est l'excellence "qui mobilise les professionnels" et qui "justifie l’octroi de moyens substantiels", mais ce n'est pas ce qui "motive" internes et parents. Ceux-ci "n’attendent pas d’abord que l’on y change les croyances et les rites, c’est-à-dire que l’on bouleverse la forme scolaire". Même si elle semble "étroite et stérilisante", elle "a pour elle d’assurer des progressions vérifiables et de rassurer les élèves qui acceptent de s’y couler".

Une idéologie

Les auteurs font également remarquer que ces internats sont porteurs d' "une conception de l’éducation et de l’égalité des chances loin de faire l’unanimité puisqu’elle cible davantage des individus méritants que des groupes défavorisés". Ils évoquent un certain individualisme des élèves qui hésitent à se mêler aux élèves qui ne sont pas comme deux "internes d'excellence". "Les activités sportives sont davantage proposées dans des disciplines individuelles que dans des sports collectifs", et les activités culturelles "semblent plus souvent de l’ordre de l’assistance à un spectacle que de la participation à la création collective". Quant aux élèves, ils "ne semblent pas vraiment s’appuyer les uns sur les autres". Il se pourrait donc "que l’on néglige le fait que l’excellence s’atteint aussi par le collectif et suppose une aptitude à s’inscrire dans un collectif", qu'elle repose pour partie "sur des apprentissages sociaux".

Autre aspect de cette forme de scolarisation, la rupture, au point que certains élèves "semblent presque être entrés en religion". Elle passe par les mobles et les écrans : "la télévision ou les jeux vidéo sont souvent vus, par le corps enseignant, comme l’antimodèle de l’apprentissage scolaire". Car "tout se passe comme s’il ne fallait pas laisser un instant inoccupé". Mais les adolescents rusent avec les interdits, et certains possèdent deux téléphones portables "de manière à rendre inopérante la confiscation". Et quels seront ses effets à long terme ? Il n'est pas si facile de changer d'identité, de gérer cette identité d'interne, de bon élève et celle d'enfant de sa famille et de son quartier.

Une fois toutes ces réserves faites, les deux auteurs n'en concluent pas moins qu'il serait "incompréhensible et inacceptable, pour les élèves qui y sont entrés et pour les parents qui espèrent tant en [leurs] promesses, que les internes d’excellence ne puissent aller au terme du cycle d’études qu’ils y ont entrepris".

Le rapport est téléchargeable sur le site de l'IFE, ici.

* Le travail a été dirigé par Patrick Rayou et Dominique Glasman. Les autres auteurs sont A.-Marie Benhayoun, Audrey Boulin, Carole Daverne-Bailly, Dieynebou Fofana, Michèle Guigue, Anne Jorro, Séverine Kakpo, Laurent Lescouarch, Françoise Lorcerie, Benjamin Moignard, Catherine Pérotin, Patrick Picard,Patrick Stéfani, Filippo Pirone.

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