Animation : traiter de l’éducation à la sexualité et instaurer une gouvernance par les jeunes (journée de l'INJEP)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mardi 10 décembre 2024.
"L’animation : actualité des pratiques professionnelles et regard des sciences sociales." Voici le thème retenu pour la journée d’étude organisée par l’INJEP (Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire) ce mardi 10 décembre. Étaient conviés pour en parler acteurs de terrain et chercheurs, dans le but de "produire une réflexion collective". A l’occasion de la parution d’un numéro des Cahiers de l’action sur l’animation (le n° 62 de juillet 2024), retours d’expériences et présentation de travaux de recherche étaient au menu de la rencontre.
"Dans un contexte de transformation profonde du secteur", selon Thibault de Saint Pol, directeur de la jeunesse, des sports et de la vie associative au sein du ministère, les métiers de l’animation socioculturelle sont confrontés à des "défis de taille", notamment celui de l’érosion des départs en colonies ou en séjours de vacances. Le secteur n’échappe pas non plus aux mutations de notre société. En premier lieu l’environnement, le genre et le numérique, qui constituent justement la trame du numéro des Cahier de l’éducation.
Traiter de l’éducation à la sexualité dans l’animation
L’expérience menée par des bénévoles des Éclaireurs et éclaireuses de France (EEDF) illustre une des manières de traiter les questions de genre et de sexualité dans le secteur de l’animation. Lors d’une table ronde, Margaux Aillères et Maud Réveillé ont partagé la manière dont elles ont "essaimé" dans leur mouvement ces questions qui y ont progressivement trouvé leur place. Toutes deux d’abord animatrices aux EEDF, elles ont voulu monter en 2015 un groupe de travail "genre et sexualité", groupe qui existe aujourd’hui à l’échelle nationale. Elles ont ensuite investi pas à pas à l’échelle régionale les espaces de formation généraliste pour parler des questions de genre et de sexualité aux respons’ (les jeunes adultes bénévoles) volontaires. Ce sujet était alors peu abordé car il entrait en contradiction avec le postulat universaliste du mouvement et avec l’idée selon laquelle la mixité suffisait à l’égalité.
L’objectif était de fournir des outils concrets aux animateurs, presque toujours confrontés un jour ou l’autre à des questions ou à des remarques de jeunes sur ces sujets. A partir de 2018, ont été proposées des formations sur la manière d’accueillir la parole d’enfants, qui peuvent confier les violences sexiste et sexuelle dont ils ont été victimes. Durant cette période, des documents-cadres ont été publiés afin de servir d’outils concrets mais aussi de supports pédagogiques officiels au sein du mouvement, une manière de rendre légitime ces enjeux aux EEDF. Une formation BAFA approfondissement "égalité des genre et éducation à la sexualité" est aussi proposée par l’association. "L’éducation à la sexualité est au cœur de ce stage, mais cela ne signifie pas qu’il n’est pas abordé dans les autres BAFA", précise Maud Réveillé.
En huit ans, le travail mené par les bénévoles des EEDS sur les questions de genre et de sexualité a évolué. "Notre énergie est phagocytée par la gestion des violences sexistes et sexuelles (VSS). Ce qui n’était pas un objet spécifique de travail à l’origine, l’est devenu au fil du temps", dit Margaux Aillères dans un entretien retranscrit dans les Cahiers de l’action. Face au constat que durant les formations qu’elles donnaient, 50 % du temps était consacré à recevoir la parole de victimes de VSS, une politique et une organisation associative ont été mises en place. Leur groupe de travail doit donc davantage coordonner à l’échelle nationale les référents des régions et intervient moins dans les régions où le relais est repris par des personnes sur place. "Ça fait un pincement au cœur, mais c’est finalement une mutation qui a du sens", conclut Margaux Aillères.
La Maison de Courcelles : une gouvernance par les jeunes
La Maison de Courcelles, à la fois association et centre de vacances et de classes de découverte à Courcelles-sur-Anjou (Haute-Marne), a été présentée par son directeur, Louis Létoré, venu rappeler l’importance de la pédagogie de la liberté et de l’ancrage d’un lieu dans son territoire. Le regroupement au même endroit de ces deux types d’accueil favorise la mixité et l’intégration territoriale, a-t-il souligné. La pédagogie de la Maison de Courcelles se revendique entre autres de la théorie du personnalisme communautaire d’Emmanuel Mounier et, en plus d’accueillir des jeunes, a développé un volet culturel avec des résidences d’artistes et l’organisation d’un festival des arts du cirque. La Maison est considérée comme un espace de vie commun aux enfants, aux bénévoles, aux salariés, ces derniers travaillant dans une logique horizontale. "Le libre choix et la libre circulation sont rendus possibles grâce à une présence humaine importante et des repères spatio-temporels", écrit Louis Létoré dans un article des Cahiers de l’action.
Une des spécificités de la Maison est la prise en compte des jeunes dans les processus de décisions. Ils ont ainsi été à l’initiative d’une réflexion sur un projet alimentaire, depuis mis en place. Appelé "De la fourche à la fourchette", le projet vise à privilégier les circuits courts, les produits bio et de saison, à accompagner les personnes qui travaillent en cuisine dans leurs projets de réinsertion sociale et professionnelle, à accueillir en résidence un boulanger ou une apicultrice, etc. Il n’y a pas de temps spécifiquement dédié aux échanges en vue de l’organisation du collectif. Les jeunes, suivant le principe de libre choix, décident d’eux-mêmes quand et comment ils s’organisent pour faire de nouvelles propositions.
Durant la journée d’étude furent aussi exposées des travaux de recherche sur la prise en compte des attentes des enfants et des adolescents dans l’animation ainsi que sur le travail de l’animation, et une table-ronde sur les approches en animation et les perspectives.
Le programme de la journée d'études ici.
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