Château rouge : un documentaire vibrant sur l’orientation
Paru dans Scolaire, Culture le lundi 09 décembre 2024.
Mots clés : documentaire, FIFE, Hélène Milano
Qui à 15 ans sait quoi faire de sa vie ? Assurément peu de jeunes. Et pourtant, c’est dès cet âge, en classe de 3e, qu’est demandé aux élèves de faire des choix qui s’avéreront décisifs. Si des désirs existent déjà, il y a tout un chemin avant de savoir ce à quoi chacun veut se consacrer. C’est ce sujet de l’orientation, aussi vertigineux que fascinant, qui est mis en lumière dans Château Rouge, le nouveau documentaire d’Hélène Milano, projeté au Festival international du film de l’éducation (FIFE) vendredi 6 décembre (voir TE ici) et qui sortira au cinéma le 22 janvier 2025.
Après avoir donné la parole à des adolescentes dans Roses noires (2012), puis à des jeunes garçons dans Charbons ardents (2018), la réalisatrice a posé ses caméras dans le collège Georges Clémenceau, implanté dans le quartier populaire de la Goutte d’Or à Paris. Le film offre une pleine immersion dans le quotidien de tous ceux qui occupent l’enceinte scolaire, les collégiens bien sûr, mais aussi les membres de la communauté éducative. S’abstenant de commentaires, la place est faite aux acteurs qui nous livrent des moments d’une authenticité rare, comme si la caméra avait réussi à faire oublier sa présence.
"La clé, c’est le temps", partage Hélène Milano à l’issue de la projection. La réalisatrice a rencontré les jeunes avant de les filmer. Elle a passé du temps avec eux pour gagner leur confiance et capturer ces moments d’une grande sincérité, parfois intimes. On voit les jeunes entre eux ou avec des adultes, en salle de cours ou dans le bureau de la CPE, mais aussi face caméra, confiant leurs doutes et leurs réflexions. Les adultes aussi se livrent et montrent, par leur engagement au quotidien, combien ils font tout leur possible pour accompagner des jeunes qui rencontrent obstacles et difficultés.
A l’origine du film, il y avait un désir de répondre à une question, explique Hélène Milano. "Celle du choix que les jeunes n’avaient pas pu faire, et qui engendre des blessures." La réalisatrice souligne la forme d’injustice à demander aussi tôt à des collégiens de faire des choix, d’autant plus déterminants lorsque les jeunes sont issus de milieux défavorisés et qu’ils ne répondent pas aux codes de l’institution scolaire.
"Ça me révolte qu’un jeune qui veut être journaliste ne le puisse pas parce qu’il vient d’un certain milieu social. Alors qu’il y a juste besoin d’outils pour lui permettre de faire le métier qu’il souhaite", s'indigne-t-elle, faisant référence à un jeune garçon qui, après avoir exprimé son désir d'être journaliste, dit ne pas avoir les moyens pour suivre les études nécessaires. Quant à une de ses camarades, c'est la profession d'avocate qu'elle aurait aimé exercer. Elle s'oriente finalement en CAP et on comprend que l'envie initiale s'est éteinte car elle considère ne pas avoir les ressources matérielles et culturelles suffisantes. Sans détour, un autre jeune livre son point de vue, de manière si directe qu'il en vient à déstabiliser le spectateur, sur les raisons du manque de possibilités qui leur sont laissées. Pour lui, ils sont contraints à faire des métiers dont le système a besoin, et c'est en ce sens que d'autres voies d'orientation ne leur sont pas proposées. Les adultes, eux, "subissent des pressions", et tentent dans un système violent d’aider ces jeunes, rappelle la réalisatrice qui "voulai(t) raconter leur combat pour lutter contre les détermines sociaux systématiques".
"Il n’y a pas assez de représentation des classes populaires", insiste Hélène Milano qui compte avec ce film "faire entendre une jeunesse fragilisée".
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