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Enseignement de l'informatique : l'Inspection générale liste les difficultés auxquelles il est confronté

Paru dans Scolaire le lundi 09 décembre 2024.

On comptait, à la rentrée scolaire 2023, "33 968 élèves de terminale ayant une spécialisation en informatique dans les lycées professionnels, généraux et technologiques" alors qu’on peut estimer à 48 234 places la capacité d’accueil de l’enseignement supérieur pour répondre aux besoins du plan France 2030. Le ministère publie un rapport de l'Inspection générale sur "la préparation aux formations et aux métiers du numérique et de l’informatique au lycée" et s'inquiète d'un lourd déficit.

Une faible mise en valeur de l'enseignement Sciences numériques et technologie (SNT)

Les auteurs rappellent que "tous les élèves sont amenés à valider les compétences numériques (...), via la plateforme Pix", mais ils constatent "que les activités proposées ne sont pas en lien explicite avec les programmes d’enseignement" et que les élèves qu'ils ont interrogés "ne voient pas l’intérêt de cette certification". "Les activités proposées par Pix sont peu exploitées et valorisées dans les pratiques pédagogiques des enseignants" et n'ont pas été pensées "pour une articulation avec les apprentissages".

La réforme du lycée général et technologique a introduit un enseignement de SNT (sciences numériques et technologie) pour tous les élèves de seconde. Mais "les contenus effectivement enseignés" ne correspondent pas aux objectifs assignés à cet enseignement. "Les thèmes ne sont généralement pas tous traités ; les approches sont très variables selon (...) les enseignants aux compétences et rattachements disciplinaires très divers ; les dimensions scientifique et technologique sont peu investies (...). L’enseignement de SNT suscite peu d’intérêt chez les élèves". Il n'en suscite pas non plus parmi les personnels de direction. "Il est perçu (...) comme n’ayant pas de finalité (...). La grande majorité des proviseurs interrogés par la mission déclarent ne prendre en compte cet enseignement que de façon très limitée lors des conseils de classe et dans l’orientation des élèves. La mission a constaté que, de manière générale, ils rencontrent des difficultés à mobiliser des enseignants pour assurer l’enseignement de SNT."

L'enseignement Numérique et sciences informatiques (NSI) trop souvent abandonné en terminale

Le constat est assez différent pour l'enseignement de spécialité NSI (numérique et sciences informatiques). Le rapport note positivement qu'en classe de 1ère, "les effectifs n’ont cessé de croître (...). À titre de comparaison, la valeur d’environ 39 000 élèves atteinte à la rentrée 2023 représente un peu plus du double du nombre d’élèves qui s’engagent au même âge dans sur la matière informatique Computer science au Royaume-Uni."

Mais "l’enseignement de NSI reste l’un des plus abandonnés par les élèves au passage en terminale", le taux d’abandon était de 52,8 % à la rentrée 2023. Ce taux d’abandon est davantage "lié à une problématique d’orientation qu’à un réel désintérêt pour ses contenus – assez généralement appréciés". Les élèves "privilégient d’autres enseignements de spécialité (...) vis-à-vis desquels les attentes de l’enseignement supérieur sont considérées comme plus claires (...), la doublette M-PC est considérée comme 'plus sûre' et 'plus polyvalente' que la doublette M-NSI" tandis que les formations de l’enseignement supérieur tiennent peu compte des particularités des étudiants ayant suivi l'enseignement de spécialité pou ne pas mettre en défaut des élèves à qui cet enseignement n'était pas offert dans leur lycée."

La mission constate encore que 80 % des élèves qui ont choisi l’enseignement de spécialité NSI ont également choisi celui de mathématiques ou l’option mathématiques complémentaires. Ils voient davantage l'enseignement de NSI "comme un vecteur de formation à l’informatique fondamentale, en lien avec les mathématiques, plutôt qu’une ouverture pour des études supérieures diversifiées (...), ce qui aujourd’hui interroge vu la variété des métiers au cœur du numérique. Parmi ces métiers, nombreux sont ceux qui ne nécessitent pas un niveau de mathématiques élevé".

Etat des lieux des voies technologique et professionnelle

Dans la voie technologique, les séries STMG (sciences et technologies du management et de la gestion) et STI2D (sciences et technologies de l’industrie et du développement durable) proposent des enseignements SIG (systèmes d’information de gestion) et SIN (systèmes d’information et numérique) en classe de terminale. La réforme de 2019 "n’a pas bénéficié à ces enseignements SIN et SIG (...) : leur intégration à des enseignements de spécialité les ont rendus moins visibles, notamment pour les élèves, leurs familles et les formations post-bac. Cette réforme n’a pas suffisamment tenu compte des spécificités de la voie technologique." L’enseignement spécifique SIG "présente un fort défaut d’attractivité" et il est souvent choisi par défaut, "par manque de places dans les groupes des autres enseignements spécifiques". Ce n'est pas le cas de l’enseignement spécifique SIN. Les élèves "apprécient cet enseignement par le fait qu’il lie théorie et pratique et qu’il permet la conduite de projets".

Dans la voie professionnelle, le baccalauréat SN (systèmes numériques) option C (réseaux informatiques et systèmes communicants) "peut aussi être cité parmi les formations actuelles aux métiers du numérique et de l’informatique, tout comme la mention complémentaire SNO (services numériques aux organisations)". L’option C "attire les élèves de façon très significative" : "À la rentrée 2023, 10,6 % des élèves en première professionnelle SN option C ont changé d’établissement pour y accéder ; ce choix d’orientation est aussi plébiscité par les 'candidatures passerelles' (intégration à partir de la seconde générale et technologique)." La situation de la mention complémentaire SNO "est très différente", elle "est proposée sur un nombre réduit d’établissements" et (...) le taux moyen de remplissage est inférieur à 50 %."

Manque de formations, de professeurs et d'inspecteurs

Si la mission pose la question de l'orientation des élèves et de leur satisfaction, ou insatisfaction, elle s'interroge aussi sur leurs enseignants. "Dans la voie générale, lors de l’installation en 2019 des enseignements de SNT et NSI, il n’existait pas de discipline spécifique d’informatique." Depuis ont été mis en place CAPES et agrégation qui auront permis de recruter au maximum 289 professeurs alors que les enseignements de SNT et NSI nécessitent donc environ 1 900 services de professeurs certifiés."

Ces enseignements ont donc "été confiés à des professeurs de disciplines variées (...) ; pour enseigner NSI, une certification à grande échelle a été organisée (...), avec la mise en place du DUI-EIL (diplôme interuniversitaire - Enseigner l’informatique au lycée) qui a concerné environ 1 800 enseignants." Aujourd’hui prennent en charge l’enseignement de l'informatique des agrégés, des certifiés, des professeurs de toutes disciplines titulaires du DIU-EIL et, plus ponctuellement, des enseignants non titulaires du DIU-EIL. Beaucoup d'entre eux sont professeurs de mathématiques ou d'une autre discipline, mais sur les SIRH (systèmes d'information des ressources humaines), ils sont identifiés par le code de leur discipline de rattachement, ce qui "ne permet pas d’identifier les professeurs concernés" ni "d’avoir une vision claire" de qui assure ces enseignements.

"Pour ce qui concerne les voies technologique et professionnelle, il existe depuis longtemps des concours de recrutement de professeurs spécialisés en informatique (...). Pour ces concours, il est récurrent de ne pas pourvoir tous les postes faute de vivier, même lorsque le nombre de postes mis au concours reste faible."

Mais la mission s'interroge peut-être plus encore sur "l’animation pédagogique liée à ces enseignements", prise en charge par des inspecteurs généraux et par des IA-IPR "issus de différentes spécialités", qui n'ont pas toujours "une réelle expertise en informatique", ce qui pose le problème de leur légitimité, d'autant que "le pilotage des enseignements de SNT et de NSI n’apparait pas dans leur lettre de mission". La mission estime "qu’il faudra à terme s’interroger sur le recrutement explicite d’IA-IPR de la discipline informatique".

Des matériels pas adaptés

Egalement en cause, le matériel fourni aux lycéens (par les Régions, ndlr). Ils "sont configurés pour des usages standards", ce qui provoque des difficultés liées à leur puissance de calcul, à l'absence de systèmes d’exploitation libres ou à l’accès à certaines fonctionnalités. "Ces freins sont parfois des points de friction dans la relation entre les chargés de maintenance et les établissements."

Autre sujet, "le défaut de mixité filles-garçons dans les formations à dominante informatique". Mais "la plupart des acteurs en établissement auditionnés par la mission" ne semblent pas "y attacher une importance véritable". Et quand ils s'en soucient, "même les actions les plus remarquables observées par la mission suscitent de la part de leurs organisateurs des interrogations en matière d’impact qu’il est difficile de mesurer", peut-être faute d'un enseignement au collège. "La mise en place de politiques réalistes, ambitieuses, effectives et continues, davantage dans l’action que dans l’incantation et avec un rôle clé du système éducatif, s’avère indispensable."

Le mal est peut-être plus profond. "Les métiers au cœur du numérique manipulent des données et réalisent des productions immatérielles qui sont difficilement palpables. La partie la plus 'visible' concerne les applications qui transforment l’activité humaine et dont les effets sont questionnés par la société : 'ubérisation' des emplois, déshumanisation. À ce manque de visibilité et cette vision négative du rôle de l’automatisation s’ajoute une image de l’informaticien ou informaticienne 'geek' (...). Or les métiers de l’informatique permettent des usages numériques bénéfiques (...). Il est temps de communiquer sur ces métiers qui permettent de contribuer aux grands enjeux actuels et qui donnent du sens à ceux qui les exercent. Il est nécessaire de le faire (...) dès le collège (...) en s’appuyant sur le dispositif Découverte des métiers."

Le rapport ici

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