"On ne pourra pas combattre le harcèlement scolaire si on ne combat pas le harcèlement entre collègues" (G. Delaby)
Paru dans Scolaire le mardi 03 décembre 2024.
Mots clés : harcèlement, santé au travail, Helpen
Créée en juillet 2024, l’association Helpen vise à lutter contre le harcèlement moral entre personnels de l’Éducation nationale. ToutEduc s’est entretenu avec Guillaume Delaby, un des trois professeurs qui a monté l’association.
ToutEduc – Pourquoi avoir fondé Helpen ?
Guillaume Delaby – Nous avons créé l’association à force d’entendre des témoignages de collègues qui subissaient des faits qui s’apparentaient à du harcèlement. Nous avons constaté des similitudes entre tous ces faits et qu’il y avait une inaction généralisée, qu’il s’agisse de harcèlement hiérarchique ou de harcèlement entre pairs. Quand les faits s’aggravent, le dysfonctionnement est toujours le même. Le fichier "santé et sécurité au travail", qui permet de remonter des cas de harcèlement, est très rarement transmis à l’Inspecteur et reste donc sans suite. Ni le rectorat, ni les services médicaux ne s’emparent de ces questions, et la justice n’a pas assez de moyens. C’est intolérable. Le harcèlement scolaire ne pourra pas être combattu si on ne combat pas d’abord le harcèlement entre collègues. Notre association s’est très vite développée, preuve qu’elle répond à un besoin, et nous recevons en moyenne trois témoignages par jour.
ToutEduc – Quelle définition faites-vous du "harcèlement moral" ?
Guillaume Delaby – Il s’agit de faits répétés. Le harcèlement prend différentes formes : un isolement organisé, une surveillance excessive, des critiques systématiques, parfois en public, une surcharge de travail intentionnelle, des rumeurs malveillantes, etc. Des situations sont extrêmement graves et nécessitent une protection juridique. Les difficultés deviennent exponentielles quand les harceleurs se multiplient. Et l’isolement aggrave les choses. De plus, le harceleur est protégé par l’inaction générale. Des membres du corps enseignant ou des personnes à des postes de direction ont même été promus alors qu’ils avaient connaissance de faits de harcèlement et n’ont pas agi malgré les multiples signalements. Les personnes qui essaient de parler peuvent subir des menaces déguisées pour les inciter à se taire. Les conséquences pour les personnes harcelées sont lourdes : dépression, burnout, trouble de stress post-traumatique (TSPT). Elles peuvent se retrouver en détresse, et des familles et des vies peuvent être détruites.
ToutEduc – Que propose votre association ?
Guillaume Delaby – Notre première mission est d’accompagner les collègues en souffrance qui ne sont pas écoutés. Nous allons bientôt ouvrir une cellule d’écoute dans le 15e arrondissement de Paris, animée par des psychologues et sociologues bénévoles. En parallèle, nous proposons sur le site des actions concrètes telles que des formations ou des protocoles d’aide pour aider les victimes à savoir si une aide juridique et/ou médicale est nécessaire. Nous travaillons aussi à un protocole à suivre en cas de harcèlement, à destination des victimes mais aussi des témoins. L’inaction est une faute pénale et aussi, selon moi, une faute morale. Dans 5 ans, nous souhaitons avoir développé un réseau national, réalisé des statistiques – il n’existe à l’heure actuelle pas de données pour chiffrer le harcèlement –, mené des groupes de travail et aussi rédigé un livret blanc. Nous devons agir car l’inaction détruit et il faut faire comprendre aux victimes qu'elles ne sont pas seules.
Site de l'association ici.
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Propos recueillis par P. Kempf, relus par G. Delaby

