Le développement des écoles de production se poursuit
Paru dans Scolaire le mardi 12 novembre 2024.
Mots clés : écoles de production, PLF, apprentissage
Depuis quelques années, une troisième voie de formation professionnelle s’affirme, se posant comme une alternative complémentaire aux deux filières plus connues que sont les centres de formation d’apprentis (CFA) et les lycées professionnels. Il s’agit des écoles de production.
Ces établissements basés sur le principe du "faire pour apprendre" sont destinés aux jeunes entre 15 et 18 ans, souvent en difficulté voire en décrochage scolaire, qui n’ont pas trouvé leur place dans les deux voies classiques. En proposant une formation pratique et théorique délivrée au sein d’un même établissement, les écoles de production peuvent leur apparaître comme une solution en vue d’obtenir un CAP ou un Bac pro.
Un soutien de l'État en augmentation
Ces établissements privés hors contrat bénéficient du soutien de l’État depuis la loi "avenir pro" de 2018 qui avait fixé l’objectif de cent écoles de production sur le territoire à l’horizon 2025-2026. Ce soutien est d’ailleurs revu à la hausse dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2025 qui fixe l’aide au dispositif à 15,5 millions d’euros. Soit un montant qui double par rapport à 2022, année où le ministère du Travail avait financé le dispositif à hauteur de 7,5 millions d’euros. "Cette dépense constitue un transfert aux autres collectivités", précise le "bleu", le document annexe au PLF 2025.
Pour le gouvernement, la pédagogie des écoles de production propose "une solution adaptée pour répondre aux enjeux de qualification et d’insertion de certains jeunes, notamment ceux en difficultés d’apprentissage", indique le "bleu". L’exécutif ajoute que "le modèle présente des résultats très positifs", avec 90 % de réussite au CAP et au Bac pro pour l’année scolaire 2022-2023. Le soutien financier de l’État est alloué d’une part à la Fédération nationale des écoles de production (FNEP), qui joue le rôle de coordinateur du réseau, et d’autre part au fonctionnement des écoles de production.
Des productions de commandes réalisées par les élèves
"Notre particularité est d’avoir beaucoup d’heures en ateliers, 24 heures par semaine. Durant ces heures, les élèves réalisent des productions faites pour des commandes. Cela répond à un besoin réel du territoire", explique Agnès Carret, responsable label, qualité et amélioration à la FNEP. Là se situe bien une des différences des écoles de production : pendant leur formation, les jeunes produisent en condition réelle, c’est-à-dire qu’ils répondent à des commandes d’entreprises ou de particuliers. Autre particularité : les connaissances théoriques sont enseignées dans l’atelier, afin qu’elles soient directement appliquées et fassent lien avec la formation pratique. De plus, "l’apprentissage se fait sur le temps long pour que les jeunes en difficulté ancrent leurs compétences. Et ce sont des petits groupes, entre 8 et 12, ce qui facilite l’acquisition de compétences", précise Agnès Carret.
En 2024, presqu’une cinquantaine d’écoles de production sont officiellement reconnues par l’État et bénéficient de l’aide au fonctionnement. "Une vingtaine d’établissements attendent les retours des inspections pour savoir si elles sont reconnues", indique Agnès Carret. Car un établissement ne bénéficie pas automatiquement des financements dès lors qu’il propose ce type de formation à des jeunes. "Il faut au moins un an ou deux pour la reconnaissance. Donc pendant ce temps, la Fédération aide les écoles, et la production (en partie assurée par les élèves, ndlr) aide également", ajoute la responsable label du réseau. À noter que les élèves ont le "statut scolaire" et ne sont donc pas rémunérés. Les frais de scolarité sont "quasi minimes ou gratuits" et il existe une "aide solidaire" pour les familles dans le besoin fournie par la Fédération ou des fondations, précise Agnès Carret.
Critique du mode de financement des écoles de production
Les écoles de production n’apparaissent pas comme une voie à soutenir pour tout le monde. Dans un communiqué de presse datant du 16 octobre 2024, des syndicats (FSU, UNSA, FO, CGT, SNALC, SUD) et des organisations du champ de l’éducation (JPA, FCPE) dénonçaient "le développement important de ces écoles privées et le financement public dont elles bénéficient". Cette aide leur paraît injustifiée "alors que dans le même temps, l’enseignement professionnel voit diminuer ses moyens, que toute l’Éducation est soumise à une cure d’austérité, et que plus de 13 000 élèves dont 9 000 en lycée professionnel, sont resté.es dans l’attente d’une affectation en lycée à la rentrée faute de capacités d’accueil suffisantes dans le réseau public".
Là où la FNPE défend la production comme un apprentissage ancré dans un territoire répondant à des besoins concrets, les syndicats et associations y voient "une main d’œuvre qui travaille gratuitement pour des entreprises et sans la protection juridique que confèrent les statuts de stagiaires ou d’apprenti.es".
Face à la critique de "l’usage gratuit des équipements municipaux" mise en avant dans le communiqué intersyndical, Agnès Carret répond que "les bâtiments publics sont parfois mis à disposition par les collectivités locales car elles ne veulent pas vider la région de leur jeunesse". "Il n’y a pas une manière unique de monter une école, poursuit-elle. Il y a les aides publiques de l’État à l’entretien une fois que l’école est reconnue. Puis il y a l’aide des régions en fonction des territoires. Il peut y avoir des FSE (fonds social européens), des fonds privés, etc. Les bâtiments peuvent être mis à disposition par les communautés de communes, les régions, ou par des fondations qui investissent." Les soutiens financiers extérieurs, privés ou provenant de collectivités, sont en effet nécessaires pour assurer le fonctionnement des écoles, car "l’aide de l’État ne couvre pas l’ensemble des frais", précise Agnès Carret.
Soutien de la Fondation TotalEnergies
Une fondation en particulier joue un rôle important dans le déploiement des écoles de production. Depuis mars 2018, la Fondation TotalEnergies s’est engagée à soutenir leur développement. Pour ce partenariat, elle mobilise jusqu’à 60 millions d’euros. Cette somme importante vise à soutenir l’objectif de "100 écoles en 2028 dans 13 régions, soit 1 par département, pour 4 000 jeunes scolarisés par an", ainsi qu’un "changement d’échelle d’un modèle performant de formations novatrices, concrètes et diplômantes offrant des débouchés d’emploi pour les jeunes dès 15 ans", explique la Fondation TotalEnergies contactée par ToutEtduc.
La Fondation fait également savoir qu’au 31 décembre 2024, le réseau des écoles de production comptera 71 écoles dans 11 régions et 42 départements. 41 d’entre elles auront bénéficié d’un soutien de sa part, dont 5 qui ont ouvert leurs portes à la rentrée 2024. Le dispositif des écoles de production, s’appuyant sur des aides privées couplées au soutien du gouvernement et des collectivités locales, et en lien avec les entreprises implantées sur un territoire, semble pour le moment poursuivre son essor.
ToutEduc, média indépendant, assure un suivi exigeant de l’actualité des acteurs de l’éducation. Ce travail d’information a un prix, celui de vos abonnements. Pour vous permettre d’y accéder sans transfert de dépêches (sauf établissement scolaire), nous vous proposons des formules à tarifs dégressifs.

