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Une réponse politique insuffisante face aux disparités d'accès à l'école dans les territoires ultramarins (Fondation Jean Jaurès)

Paru dans Scolaire le lundi 04 novembre 2024.
Mots clés : Jean Jaurès, non scolarisation, outre-mer

En outre-mer, les élèves font face à de fortes disparités d’accès à la scolarisation. C’est à cette problématique que s’attache la note publiée par Jeanne Belanyi (directrice de l’Observatoire des outre-mer de la Fondation Jean-Jaurès) et Antoine Plancke (professeur de lettres et d'histoire-géographie en Guyane). Si tous les territoires ultramarins sont concernés, le phénomène touche de manière plus aiguë encore Mayotte et la Guyane, seuls DROM où la population scolaire est en hausse.

Disparités d’accès à l’école en Guyane et à Mayotte

Les disparités s’observent d’une part entre les DROM et la métropole. Ainsi, en Guyane la part d’enfants non scolarisés était de 7% en 2020, soit 6 207 enfants, un pourcentage deux fois plus élevé qu’en France hexagonale. 

D’autre part, et c’est sur quoi la note porte notamment son attention, les disparités se retrouvent à l’intérieur même des territoires ultramarins :

"La non-scolarisation est plus marquée en Guyane non routière. La proportion d’enfants non scolarisés nés à l’étranger est trois fois plus élevée que celle des enfants nés en France. Le taux de non-scolarisation des enfants ayant des parents inactifs est deux fois plus élevé que ceux ayant des parents actifs. La non-scolarisation concerne plus souvent les enfants vivant dans une famille monoparentale (8%) que ceux vivant dans une famille de couple (6%). Enfin, les enfants vivant dans des logements ayant accès à l’eau ou encore à l’électricité ont un taux de non-scolarisation quatre fois plus faible que ceux vivant dans des logements n’y ayant pas accès."

Une croissance démographique importante

Une des raisons principales de ce phénomène est une démographie croissante (Mayotte et la Guyane ont les taux de fécondité les plus élevés de France, respectivement de 34% et 27,7% contre 10,7% en métropole). Il en résulte que la croissance annuelle des effectifs scolaires est plus rapide que celle de la population des deux territoires.

À Mayotte, "d’ici 2027, 15 000 élèves supplémentaires sont attendus", et en Guyane, "les effectifs de l’enseignement scolaire devraient atteindre 120 000 élèves en 2030 – dont 65 000 dans le premier degré – soit une hausse de 35% par rapport à 2022".

Les grossesses "précoces" sont un des facteurs à la fois de déscolarisation avec "15% des jeunes déscolarisés en Guyane à la suite d’une grossesse ou d’une mise en couple", et de surpopulation scolaire, en participant à la hausse démographique. Référence est faite aux travaux de démographes, à l'instar d'Hervé Le Bras, qui ont montré que lorsque la scolarisation secondaire des jeunes filles progresse sous l’effet de politiques publiques, une baisse du taux de natalité s’observe. Pourtant, à l’heure actuelle, "l’application de la loi de 2001 pour les cours d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle, insuffisante partout en France, a ici des conséquences plus importantes", soulignent les auteurs.

Autres causes : retard de construction du bâti scolaire et difficultés d'inscription

D’autres facteurs sont relevés pour expliquer la déscolarisation : "le retard chronique en matière de construction d’établissements scolaires", les "refus-guichets" ou les "exigences illégales de pièces administratives", surtout pour les enfants étrangers ou vivant dans des "quartiers informels", les difficultés d’inscription pour les parents allophones, des dotations aux collectivités minorées conduisant à des dépassements de taux de remplissage des établissements scolaires. "Il y a un goulot d’étranglement à l’entrée à l’école. Toutes les mairies ont des listes d’attente", assure Florent Hennion, secrétaire académique du Snes-FSU, dont les propos sont rapportés dans la note. Une problématique qui n'épargne pas le second degré, est-il ajouté.

La non-scolarisation dans les DROM, trop peu prise en compte dans les politiques publiques

Si des progrès en matière de scolarisation ont pu être réalisés sur le long terme, passant de 10 000 élèves scolarisés à 102 000 à Mayotte entre 1980 et 2020 – le phénomène de non-scolarisation reste mal connu, faute de "dispositif national qui serait chargé du dénombrement des enfants éloignés de l’école, ainsi que de données nationales concernant le nombre d’enfants non scolarisés". L’administration reconnaît même un "trou dans la raquette" et concède que ce sont les données de l’Insee qui font référence.

Alors que dans les DROM, le taux de nonscolarisation, encore plus marqué en maternelle et en fin de secondaire, est sûrement sous-évaluée, les auteurs appellent à une meilleure prise en compte de ces territoires dans les perspectives politiques. "Il serait pour le moins salutaire que les futurs gouvernements intègrent mieux et d’emblée les réalités ultramarines dans la conception de leurs politiques publiques nationales."

"L'école dans les territoires ultramarins, les problématiques de la non-scolarisation", Jeanne Belanyi et Antoine Plancke, Fondation Jean Jaurès, 31 octobre 2024. Note ici.

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