1 jeune 1 mentor : des résultats faibles à modérés, avec “risque de violence sexuelle“ (INJEP)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le jeudi 04 avril 2024.
“Dans certaines associations, le risque de violence sexuelle de la part des mentors n'est sans doute pas suffisamment pris en compte lors de leur sélection“ considère l'INJEP dans son rapport d'étape d'évaluation du plan “1 jeune, 1 mentor“.
Pourtant, une revue de littérature permet à l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire d'estimer que le mentorat et les autres pratiques basées sur du bénévolat, notamment dans les pays anglo-saxons où on les retrouve à grande échelle et depuis longtemps auprès de jeunes, peuvent être assimilés à des “contextes potentiellement à haut risque en ce qui concerne l’occurrence d’abus“.
Une des recommandations évoquée serait alors de systémiser la vérification des antécédents judiciaires des mentors, mais aussi d'allonger leur formation “dans certaines structures où elle apparaît relativement courte (moins d’une demi-journée), et où elle n’est pas toujours obligatoire.“ La formation serait d'ailleurs inégale, en présentiel uniquement pour 8 % des structures, en distanciel pour 36 % d'entre elles et de façon hybride dans 56 % des cas.
Enjeu économique
Pour rappel, le dispositif “1 jeune, 1 mentor“ a été lancé en 2021 dans le cadre du plan “1 jeune, 1 solution“ mis en place pour soutenir la jeunesse suite à la crise sanitaire. Son objectif est “de lutter contre l’inégalité des chances tout au long de l’enfance et de la jeunesse en s’adressant à des enfants, adolescents et jeunes âgés de 5 à 30 ans.“
Pour cela, il consiste à mettre en relation un enfant ou un jeune avec un mentor par l’intermédiaire d’une association afin de répondre à des divers besoins : accompagnement dans la scolarité, recherche de stage, orientation et insertion socio-professionnelle, ouverture socioculturelle, etc... Le nombre de jeunes accompagnés par des mentors serait passé de 30 000 jeunes en 2020 à 160 000 en 2023.
Face à l'enjeu crucial que revêt la quête d'un “modèle économique viable“ pour toutes les structures porteuses, le rapport dirigé par le professeur Jérôme Gautié (Paris 1) fait valoir que le plan “1 jeune, 1 mentor“ est la première source de financement pour plus de la moitié d'entre elles, leur permettant notamment de recruter de nouveaux collaborateurs. De quoi poser la question de la “pérennité du financement public“, les structures étant “particulièrement vulnérables au risque de fluctuations des politiques publiques menées (le ‘stop and go‘), qui rendent difficile leur projection à moyen terme, notamment en matière de gestion des ressources humaines“.
Le coût moyen par jeune suivi estimé est de 400 € par binôme dans les grands programmes généralistes, 1 000 € dans les programmes plus petits et spécifiques.
Turn-over
On retrouve ainsi, parmi les autres points de vigilance soulignés par l'observatoire, le turn-over des chargés de mentorat, causé par “la précarité des statuts et au recours parfois massif au service civique“, ce qui peut “nuire à l’accumulation d’expérience et plus largement à la qualité de l’accompagnement par la structure“.
Selon une enquête menée auprès de 51 associations, les chargés de mentorats, ayant pour les trois quarts moins de 35 ans, sont majoritairement des femmes (sans que soit précisé leur pourcentage) et “relativement diplômés“. En effet, 77 % des structures ayant des chargés de mentorat exigent un diplôme minimum, et parmi ces dernières près de 95 % ont au moins un niveau bac +2. En revanche, sur les quelque 2 000 chargés de mentorat recensés dans l’ensemble des structures interrogées, seuls 21 % ont un CDI ou le statut de fonctionnaire, tandis que les jeunes en service civique représentent à eux seuls près de la moitié des autres.
En outre, les chargés de mentorat “apparient directement mentors et mentorés“ dans 80 % des structures interrogées, quand le lien se fait “de façon hybride, avec notamment le recours à un algorithme“ dans les 20 % restants. Un quart des structures recourent aussi à la rencontre directe et/ou au speed dating au cours de ce processus.
Système
18 % des structures citent le bouche-à-oreille parmi les principaux canaux par lesquels les mentors prennent connaissance de leur activité, tout comme l’entreprise du mentor (18 %), suivi des réseaux sociaux, de leur site internet ou via la plateforme web “je veux aider“ (entre 10 et 14 %). Le mentorat semble néanmoins “être un dispositif encore peu connu de la majorité des jeunes“, dont les canaux de notoriété de mentorat “sont similaires à ceux des mentors“.
Le recrutement des mentorés s'est effectué, pour 76 % des structures, par le bouche-à-oreille et/ou de l'action d'un ancien de la structure (cité au moins une fois). Mais c’est l’équipe éducative ou l’établissement scolaire qui est cité en premier par 43 % des structures.
35 % des structures passent également par des prescripteurs pour repérer et capter de nouveaux mentorés. Cette part est croissante selon la taille de la structure (en termes de nombre de mentorés accompagnés), elle est de 50 % parmi celles accompagnant plus de 1 000 mentorés. En moyenne, selon les structures, les jeunes en formation scolaire (des lycées professionnels à l’université) sont majoritaires (57 %), tandis que les jeunes de l’ASE représentent 6 % du public suivi.
Effets
Le terme de mentorat est “multiforme dans sa définition et ses déclinaisons“, et peut se substituer aux termes de ‘coaching‘, de ‘tutorat‘ ou de ‘parrainage‘ par exemple. Les programmes de mentorat visent à influer sur divers aspects tels que les attitudes et comportements (soft skills), les performances académiques et les choix professionnels des jeunes, et se différencient au regard des objectifs des binômes mentor/mentorés observés d’un programme à l’autre, des publics ciblés (écoliers, étudiants, jeunes en situation de handicap, incarcérés, etc.), de l’échelle géographique couverte ou encore des modalités de réalisation (distanciel ou présentiel par exemple).
Si sont observés “des impacts significatifs dans divers domaines“, notamment les résultats scolaires et l'attitude à l’école, les compétences psychosociales, la santé et le bien-être, il n'en reste pas moins que d’un point de vue strictement statistique, les effets du mentorat sont “considérés comme de faible ampleur, mais apparaissent ‘modérés‘ lorsqu’on les compare à ceux d’autres dispositifs à destination des jeunes.“
L'INJEP constate finalement que “le plan ‘1 jeune, 1 mentor‘ semble avoir contribué, dans certaines structures, à requalifier des activités d’accompagnement déjà conduites comme des activités de mentorat, même s'il s’est également traduit par la création de nouveaux programmes d’accompagnement, et a entraîné un important changement d’échelle pour la plupart des structures bénéficiaires.“
Le rapport d'étape ici