Bien-être à l'école : une préoccupation internationale (CNESCO)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le jeudi 14 mars 2024.
“On ne peut pas se cacher uniquement derrière une ‘éducation à‘, sans réfléchir globalement au sein de l'établissement“ estimait mercredi 13 mars Agnès Florin, co-responsable du CNESCO à propos des cours d'empathie, dont une expérimentation a commencé en début d'année dans 1 000 écoles pour aider à lutter contre le harcèlement scolaire.
Cependant, pour la professeure émérite de psychologie de l'enfant (U. Nantes), en charge de l'organisation du Centre national d'étude des systèmes scolaires (Cnesco), qui rendait compte du cycle de conférences de comparaisons internationales (CCI) dédié au bien-être à l'école, “commencer par un petit bout c'est déjà mettre un pied dans la porte“, et cela peut aussi être positif pour aider à prendre conscience de l'importance de ces activités. Mais elle ajoute qu'il s'agit néanmoins d'aller plus loin, “d'interroger les pratiques et les comportements des uns et des autres“, et “de se donner des outils pour faire évoluer le rapport des enfants à l'école et les pratiques professionnelles des enseignants“.
Il faut dire que la question du bien-être à l'école semble très complexe, tant il peut être mesuré selon de multiples dimensions (conditions scolaires, relations sociales, accomplissement personnel, état de santé physique ou mental...). Des travaux scientifiques montreraient même que bien-être à l'école et réussite scolaire seraient “souvent corrélés“, indique Agnès Florin, qui précise que des travaux complémentaires seraient nécessaires pour montrer dans quel sens va cette relation.
Un sentiment ambivalent
Du fourmillant catalogue de données nationales et internationales fournies par PISA, TALIS ou encore la DEPP, on retiendra qu'en France élèves et personnels déclarent majoritairement se sentir bien à l'école, cependant ces enquêtes soulignent également un climat de classe peu favorable aux apprentissages, des situations de violences, un fort sentiment d'insécurité dans et autour de l'établissement, la peur de l'échec présente “spécifiquement“ chez les élèves de l'hexagone...
Par exemple, en 2022 en France, 22 % des élèves de 15 ans sont touchés par la violence scolaire, un taux qui s'est aggravé par rapport à 2018, tandis qu'en Italie la situation s'est améliorée sur la même période. Il y a aussi le manque de soutien de la part des parents d'élèves, qui est “vraiment une caractéristique française“, le pays étant “le plus mal loti de ce point de vue après le Japon“, assure la psychologue.
Du côté des personnels, on retrouve un faible sentiment de satisfaction professionnel chez les enseignants (pour des raisons de rémunération, de charge de travail excessive, d'une faible valorisation, d'un manque de soutien de la part de leur hiérarchie, mais aussi de collaboration et de partage, d'un sentiment de confrontation à beaucoup de violence scolaire, notamment à leur encontre), mais aussi chez les chefs établissements (stressés d'avoir des taches supplémentaires par manque d'enseignants, de devoir répondre aux inquiétudes des parents, de pouvoir maintenir l'ordre, de suivre les évolutions des exigences des autorités...).
Des moyens d'agir pour le bien-être à l'école
Il existe pourtant des éléments favorables au bien-être à l'école, rappelle Eric Dugas (Professeur des universités en sciences de l'éducation et de la formation, U. Bordeaux), qui se situent entre autres au niveau de l'organisation spatiale (aménagement de l'environnement physique des salles de classes, espaces interstitiels) et temporelle (importance des pauses, de la relation, du temps pour soi). Il s'agit ensuite de promouvoir et donner du sens au bien-être dans l'ensemble de la communauté éducative, avec à ce titre plusieurs facteurs d'amélioration tels que le développement des compétences psychosociales qui “améliore l'engagement et le comportement des élèves“, un travail sur le sentiment d'appartenance, d'appropriation (s'engager dans des activités scolaires..), l'implication de l'ensemble de la communauté éducative qui doit être impliquée car “il faut trouver un intérêt à changer“, par exemple dans la réduction du harcèlement et de la victimation à l'école, ou enfin la collaboration école-familles.
18 préconisations sont au final présentées par le Cnesco pour agir sur le bien-être à l'école. Dans ces grands principes, souligne Agnès Florin, qui évoque des projets innovants comme le “B.A.R à bonheur“ de l’école Leclerc de Croissy-sur-Seine qui aurait contribué à diminuer les violences scolaires, il faut d'abord en faire une préoccupation nationale, ce qui ne semble selon elle “pas tout à fait le cas“.
Ces préconisations sont développées autour de cinq axes majeurs, faire de chaque école un lieu accueillant, améliorer les conditions de travail des personnes, renforcer les liens à l'école, prendre en compte la question du bien-être dans le pilotage (par exemple en intégrant des critères liés au bien-être des élèves dans les indicateurs IVAL ou IVAC ou en créant des indicateurs de bien-être pour chaque établissement) et enfin mener des actions ciblées auprès des élèves. Pour la représentante du Cnesco, d'une manière similaire à la question des cours d'empathie, la stratégie consiste à “garder une ouverture assez large“ et “avancer petit à petit“ pour créer une “culture“ du bien-être : “Il faut pouvoir travailler à la représentation globale de l'école et sur des éléments ponctuels“, conclut-elle.