Remplacement des enseignants absents, les chiffres du président ne sont pas ceux de la Cour des comptes
Paru dans Scolaire le mercredi 17 janvier 2024.
Les chiffres donnés par le président de la République en ce qui concerne le remplacement des enseignants seraient-ils faux ? Lors de sa conférence de presse hier, Emmanuel Macron a expliqué que le premier quinquennat avait permis d'atteindre dans le second degré le taux de 95 % de remplacements pour les absences de plus de 15 jours, il a ajouté qu'avec l'action entreprise depuis, ce taux était passé de 5 à 15 % pour les absences de courte durée. Il a évoqué une dizaine de millions d'heures non remplacées. Au printemps dernier, Pap Ndiaye avait parlé d'une quinzaine de millions d'heures. Le 29 mai 2022, Le Monde avait sollicité le ministère et détaillait, 8,5 millions d'heures pour des "raisons individuelles", y compris des congés de maternité, sans distinguer longue et courte durée, 1,5 million du fait de la formation continue et 5 millions pour cause d'indisponibilité des locaux ou des enseignants.
La Cour des comptes s'était penchée sur les absences des enseignants en 2021 et elle notait : "le MENJS (ministère de l'Education nationale, de la Jeunesse et des Sports, J-M Blanquer étant ministre, ndlr), connaît mal les absences des enseignants, malgré les travaux lancés dès 2013 avec la direction du numérique pour l'éducation (DNE) pour fiabiliser les données, en particulier dans le second degré." Si "dans le premier degré, la mesure des absences des enseignants s’est grandement améliorée, la situation du second degré public n’a pas vraiment évolué depuis la publication du référé de la Cour des comptes sur le dispositif de remplacement des enseignants des premier et second degrés".
Les données de la DGAFP (direction générale de l'administration et de la fonction publique) citées par la Cour des comptes, montrent, qu’en 2019, "la proportion d’absents au moins un jour au cours d’une semaine s’établissait dans la fonction publique d’État à 2,6 % chez les enseignants et à 3,2 % chez les non-enseignants. Ces niveaux sont inférieurs à ceux de la FPT (5,1 %) ou hospitalière (4,6 %), du secteur privé (3,9 %) ou de l’ensemble du monde du travail (4,9 %)."
La Cour précise que, dans le 1er degré, "la formation continue explique 7,86 % des demi- journées d’absence en 2017-2018", bien moins que les congés de maladie et de maternité, mais elle "occasionne un tiers des absences non remplacées".
En ce qui concerne les remplacements dans le second degré, ils sont assurés à plus de 90 % pour les absences de plus de 15 jours et à "un peu plus de 20 %" pour les absences de moins de 15 jours.
Dans sa synthèse, la Cour estime donc que, en 2018 - 2019, "le remplacement des professeurs des écoles est assuré dans près de 80 % des cas dans le premier degré dès le premier jour d’absence", et que dans le secondaire, "les absences de plus de 15 jours des enseignants sont remplacées à plus de 96 %", mais que "près de 10 % des heures de cours ont été perdues", en progression de 24 % par rapport à l’année précédente. "La raison principale d’un tel niveau de temps d’enseignement non assuré est étroitement liée aux difficultés tenant aux absences de courte durée, qui représentent à elles-seules près de 2,5 millions d’heures, dont seules un peu plus de 500 000 sont remplacées (soit 20 %, ndlr)."
Sollicité, l'Elysée n'a pas répondu à nos questions à l'heure où nous publions.