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La complexité au coeur de l'éducation (ouvrage collectif)

Paru dans Scolaire le jeudi 28 décembre 2023.

"Une journée ordinaire s'apparente plus, à vrai dire, à une succession d'imprévus où l'on essaie de caler des créneaux, tant bien que mal, qui nous permettront de résoudre tout ce qui était prévu", explique un directeur d'école, André Fernandez, l'un des contributeurs d'un ouvrage collectif, "S'ouvrir à la complexité de l'école". Pascale Haag (EHESS) et Marlène Martin (U. de Caen) lui répondent que, "à l'heure où la profession d'enseignant connaît une grave crise d'attractivité (...), cette plus grande complexité représente aussi une opportunité de redonner du sens au travail quotidien des professeurs."

Christophe Marsollier et Christian Wassenberg (tous deux IGESR) qui coordonnent l'ouvrage décrivent les divers aspects de cette complexité. Dans un monde "volatile, incertain, complexe et ambigu", l'Ecole doit former "des citoyens capables d'une grande adaptabilité (...). En France, la démocratisation de l'Ecole et les politiques visant à favoriser l'inclusion et lutter contre les inégalités, les discriminations, la violence et le décrochage scolaire ont considérablement complexifié le pilotage des unités éducatives, leur encadrement et le métier d'enseignant (...). Les personnels ont dû s'accommoder du rythme soutenu et exigeant des réformes et apprendre de surcroît à gérer les périodes de crise (attentats de 2015, crise sanitaire du covid-19)." C'est pourquoi les vingt-huit contributeurs ont interrogé, "à travers le prisme de leur expérience", ce que peuvent être "les manifestations de cette complexité".

Les réponses à cette complexité ne se donnent pas toujours à voir. Luc Ria et Marie-Christine Maas (UMR 5191) évoquent ainsi cette situation où "un simple regard entre deux enseignant.e.s dans le couloir d'un établissement peut suffire pour déclencher une procédure concertée dans le suivi d'un élève décrocheur". Nadette Fauvin (IGESR) décrit, dans un autre établissement, la capacité des enseignants à "lâcher prise lorsqu'il n'est pas possible d'obtenir l'attention d'un élève empêché". Quand, par exemple un élève arrive dans sa classe, très énervé et avec un quart d'heure de retard, la professeure sait, grâce à un système de messagerie instantanée, qu'un incident grave l'a touché, elle le laisse s'installer et ne rien faire, "le cours sera repris plus tard", dans le cadre de "Devoirs faits". "Parmi les éléments de complexité, notons que les élèves sont préparés à accepter que certains d'entre eux soient traités différemment pour des raisons particulières sans ressentir une quelconque injustice."

Inventer de nouvelles perspectives

La plupart des métiers, des situations et des dispositifs qui se retrouvent dans le système scolaire font ainsi l'objet d'une analyse de leur complexité "pour inventer de nouvelles perspectives", qu'il s'agisse du rôle du numérique, des classes coopératives, du développement du bien-être, de la prise en compte du mal-être, des compétences socio-émotionnelles et psychosociales..."La complexification du paysage de la formation (...) a entraîné une multiplication des acteurs de l'accompagnement des élèves" écrit Dimitri Sydor-Vienne (CSAIO) à propos de l'orientation, et cette multiplication finit par nuire à leur efficacité, ce qui se vérifie dans bien d'autres domaines.

La tonalité de certaines contributions est d'ailleurs sombre. Olivier Curnelle (SG de l'académie de Lyon) explique que la mission académique de l'encadrement "fait face à des demandes croissantes de principaux ou proviseurs d'évoluer vers d'autres métiers" tandis que d'autres "continuent de remplir leur mission", mais "a minima" et que l'on trouve "de moins en moins de volontaires dans les établissements pour être professeur principal d'une classe (...). Le nombre de candidatures internes pour évoluer vers d'autres fonctions à plus forte responsabilité diminue également."

Et pourtant, Christophe Marsollier et Christian Wassenberg estiment que l'ouvrage délivre "un message d'optimisme". Thierry Périn (DAFPIC) constate ainsi que les organismes de formation continue ont su faire preuve d'agilité "pour répondre aux besoins des évolutions professionnelles", et il se demande comment accompagner la formation initiale pour qu'elle bénéficie davantage de la capacité à innover et à expérimenter. C'est pour lui un défi à relever. Et dans cet établissement où les enseignants ont appris à "lâcher prise", "le principal sait déléguer et investit tel ou tel enseignant de missions particulières (...). Un observateur extérieur est frappé par la considération réciproque entre les professeurs." Ceux-ci ont installé avec le CPE "un climat de confiance propice à recueillir le point de vue des élèves". C'est un de ces établissements "qui font aussi réussir les plus fragiles."

"S'ouvrir à la complexité de l'Ecole, de l'intellibilité à l'agir, Christophe Marsollier et Christian Wassenberg, éditions Berger-Levrault, 468 pages, 29 €

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