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Parcoursup "conduit à accepter le verdict d’une sélection inégalitaire“ (Cereq)

Paru dans Scolaire, Orientation le vendredi 22 décembre 2023.

“En fait y'a plus de classe et du coup les personnes ne créent pas de lien comme on peut créer des liens quand on est dans une classe et qu’on se voit toute la journée“ raconte Ornella de ses années lycées, dans un des 20 témoignages constituant la trame d'une analyse du Cereq sur la transition entre secondaire et supérieur.

L'autrice de cette note y étudie les réformes qu'ont constituées le nouveau baccalauréat et la mise en place de la plateforme Parcoursup, dont l'objectif était notamment “d’introduire davantage de régulation, dans une logique adéquationniste, afin de réduire les orientations par défaut, les orientations qui seraient non adaptées et les échecs à l’université“.

Groupe classe et spécialités

Si le groupe classe n'existe plus, les parcours sont davantage individualisés, mais “au prix d’un isolement des lycéens“, tandis que pour le choix des spécialités “la mise en œuvre dépend des établissements“, révélant dès lors de fortes inégalités territoriales : Cécilia “avait des triplettes imposées“ quand Lou pouvait “faire tout ce qu’on veut“.

En face, les enseignants encouragent "à la cohérence en classe de seconde“, analyse Nadia Nakhili : “Ne prenez pas non plus n’importe quoi, c’est un peu idiot ; ce n’est pas très cohérent et ce n’est pas très judicieux de prendre des options qui n’ont aucun rapport entre elles, ça peut vous porter préjudice“ rapporte Bastien au sujet d'un enseignant qui l'invitait à adopter une logique “cohérente“.

D'autres logiques existent (linéarité, ouverture), mais si les jeunes semblent plus “responsabilisés“, ils soulignent des “repères flous“, ont “le sentiment d’avancer à l’aveugle, sans savoir ce qui est le mieux“ et de devoir faire des compromis sans y être préparés. D'ailleurs, “quelles que soit les logiques, poursuit la chercheuse, choisir ses études et trouver ‘le bon mix‘ s’avère relativement difficile, car il ne semble pas y avoir de combinaison parfaite, ni de manière claire pour eux, d’envisager une transition secondaire-supérieur optimale et sereine au moment où ils font leur choix.“

“J’avais prévu plein de plans B. j’avais mis genre une licence de LEA et LLCE mais ça ne m’intéressait pas du tout“ assure Anaëlle, une attitude qu'elle a pu prendre car les enseignants encouragent majoritairement à la prudence, caractérisée par “l’élargissement des vœux et la formulation des choix de second ordre, voire non souhaités du tout“. En revanche, il ressort de cette incitation que “le fait de rechercher et de s’inscrire, s’informer en partie, permet une certaine ouverture et une diffusion plus homogène de l’information“.

Accompagnement

Cependant, les expériences des élèves “laissent apparaitre des manques dans l’accompagnement reçu au sein des établissements, principalement par leurs enseignants tout au long du processus“, resté “en surface“ et dans lequel ils “s’en tiennent à des vérifications ou des rappels des échéances, laissant les lycéens en autonomie face aux enjeux de leurs choix“ : “beaucoup d’élèves témoignent d’un manque de quelque chose qu’ils ont du mal à verbaliser."

Et leurs récits “montrent qu’une des dimensions cruciales de l’éducation à l’orientation, la connaissance de soi et l’émergence du projet personnel, fait souvent défaut.“ Face à ce manque, les ressources familiales diffèrent beaucoup (ce qui n'est pas nouveau) et que les élèves sont autonomisés à toutes les étapes, le résultat s’avère stressant et éprouvant en cas de refus, de désillusion ou de réorientation. "Le soutien et les ressources pour rebondir se révèlent alors encore plus discriminantes.“

Or si les familles interviennent pour compenser une carence institutionnelle, elles ne sont pas toujours compétentes pour le faire, comme Lou pour qui ses parents, “bien que présents, n’avaient pas su déceler son besoin d’être accompagnée“ : “J’étais dans un endroit que je n’avais pas réellement choisi, c’était un choix quelque part qu’on m’avait imposé parce qu’il fallait faire des démarches Parcoursup, parce qu’il fallait faire un projet professionnel mais ce n’est pas le mien en fait. “

Ainsi, “les lycéens sont encore assez jeunes et témoignent avoir besoin d’un accompagnement plus individualisé“ alors qu'ils sont “bien peu formés“ à la construction de leur projet, qui demanderait “de coordonner au niveau des établissements et au-delà, une politique réelle d’accompagnement plus suivi de cette individualisation a fortiori dans les contextes les moins dotés.“

Adaptation, renoncement.. et inégalités

Il y a ensuite l’attente des résultats, “vécue de manière stressante“ et qui met les élèves “de nouveau en position de devoir faire des arbitrages, refuser des places où ils sont pris afin de ‘miser‘ sur le fait de progresser dans les listes d’attente pour des vœux qu’ils préfèrent“, c'est pourquoi “autonomiser les lycéens à la construction de leur parcours, les conduit à en devenir les responsables, même en cas de difficultés, d’échec ou de réorientation“. Tout au long du processus, l’implication des lycéens les prépare en définitive “à accepter un second choix et à faire preuve de prudence, de renoncement, d’adaptation et de résilience.“

De quoi constater que la socialisation à l’individualisation, au travers des dernières réformes dans le secondaire et par le choix des études supérieures, “entérine donc des dispositions et des ressources inégales et conduit à accepter le verdict d’une sélection qui demeure inégalitaire“.

Le Cereq Echanges ici

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