EPS : des facteurs de pénibilité qui pèsent sur les seniors (SNEP-FSU)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mercredi 13 décembre 2023.
“A l'âge de 50 ans j'ai commencé à trouver que c'était plus difficile“ déclare Chantal, professeure d'Education Physique et Sportive (EPS) interrogée par ToutEduc sur ses conditions de travail durant sa carrière.
A désormais 61 ans, celle qui intervient depuis plus de 20 ans en collège après avoir débuté en lycée, évoque les “maux de dos qui reviennent souvent“, les “parades en gymnastique qui peuvent engendrer de mauvaises postures“ ou encore “les problèmes d'articulations, plus particulièrement les genoux“ dus à notamment à des déplacements de matériel.
Bruit, température, manutention.. Mais que sait-on exactement de la pénibilité au travail des professeurs d'EPS, et plus particulièrement en fin de carrière ? En 2006, Dominique Cau-Bareille, maîtresse de conférences à l'Institut d'Etudes du Travail de Lyon (U. Lyon 2), démarre des recherches à la suite d'une demande du Conseil d'Orientation des retraites (COR). Elle y décrit des enseignants du 2nd degré qui, en utilisant abondamment leur corps tel un outil durant leur formation puis leur travail, “vont créer des fragilité qui vont se révéler après“, favorisant un “processus de déconstruction de la santé“ pouvant s'avérer difficile à gérer avec le temps : “Il m'arrive de m'excuser auprès de mes élèves“, constate d'ailleurs Chantal en faisant part d'une certaine frustration.
Impliqué sur cette thématique depuis une quinzaine d'année le SNEP-FSU, syndicat des professeurs d'EPS, publie cette semaine une nouvelle enquête (après une première il y a deux ans, voir ici) pour rendre plus précisément compte des conditions de travail particulières inhérentes au métier et de leur accentuation en fin de carrière, surtout passé 55 ans. Selon les premiers résultats consultés par ToutEduc, quelque 56,3 % des 2 000 répondants ont eu au moins un accident de service dans leur carrière et près d'un tiers ont eu à subir un congé long (plus de 3 mois) en conséquence.
De quoi estimer que “plus d'un enseignant sur deux devrait être déclaré à risque“ selon Sébastien Beorchia, secrétaire national de l'organisation syndicale en charge de ces questions, qui compte trois facteurs de pénibilité sur six pouvant entrer dans la nomenclature en vigueur. Pourtant, comme le documente Dominique Cau-Bareille, de nombreux enseignants de le discipline “ne sont pas passifs face à ces transformations de soi“ particulièrement prégnantes quand l'identité est fondée sur le corps. Ils usent de multiples stratégies pour cacher leur douleurs “par fierté“, en se positionnant davantage dans l'observation, dans l'organisation des activités ou dans la mobilisation de certains élèves pour les démonstrations.
“Cela confirme une problématique forte“, juge également Benoît Hubert, secrétaire général du SNEP-FSU, pour qui “cela ne va que s'aggraver avec la nouvelle réforme des retraites“ qui va de ce fait nécessiter des aménagements de fin de carrière. L'organisation syndicale se dit de plus en plus interpellée sur le dispositif de retraite progressive, qu'elle souhaite améliorer, accompagné d'un travail sur des allégements de service, des doublettes entre professeurs jeunes et plus âgés, et surtout en réintroduisant la cessation progressive d'activité mise en sommeil depuis le quinquennat de Nicolas Sarkozy. Si au ministère, “ils reconnaissent la problématique“, aucune mise en œuvre concrète n'est constatée par le secrétaire général qui pointe le frein financier, un “choix à court terme“ quand l'attractivité en berne du métier supposerait plutôt de garder davantage les seniors en emploi et en bonne santé.
En outre, lorsque des soucis de santé arrivent, il serait très compliqué de les faire reconnaitre comme lié au travail, et quand un temps partiel est accordé, à 80 % dans le cas de Chantal, “c'est soumis à la volonté du recteur, chaque année il faut le redemander“ ajoute-t-elle. Malgré une opération du genou et des périodes de lassitude, symboles du vieillissement au travail et par rapport au travail, l'enseignante se révèle néanmoins optimiste : “j'ai la chance d'avoir choisi mon métier et de l'aimer toujours."