PISA : les recettes des pays qui réussissent
Paru dans Scolaire le mardi 05 décembre 2023.
Ukraine, Corée, Japon, Estonie... En marge de la présentation des résultats du test PISA, l'OCDE a organisé, ce 5 décembre, une table ronde en visio avec les Premier ministre, vice premier ministre, ministres en charge de l'éducation de ces quatre pays qui ont réalisé de bons scores et qui ont partagé les recettes de leur succès.
En Ukraine, un pays qui réussit la prouesse de faire preuve de résilience malgré la guerre qu'il subit, le Premier ministre explique que l'Ecole joue un rôle stratégique : seuls des citoyens qui réfléchissent sauront affronter les crises à venir, la pensée critique est une nécessité pour résister à la propagande ennemie, et l'enseignement permet de comprendre l'enchaînement des causes et des effets, mais aussi de "comprendre où est le bien et où est le mal". Le Premier ministre évoque le stress constant des enseignants et des élèves (350 écoles ont été détruites, 1 400 endommagées), mais aussi le souci qu'a eu le pays de "maintenir le prestige des enseignants".
La Corée attribue son succès à quatre facteurs, la qualité des infrastructures, notamment pour le haut débit, la formation des enseignants, le soutien quotidien dont ont bénéficié les élèves pendant la pandémie, l'attention des parents à la scolarité de leurs enfants. Le vice-Premier ministre insiste davantage sur l'avenir qui sera marqué par le développement de l'utilisation de l'Intelligence artificielle pour un enseignement davantage individualisé dans toutes les disciplines à partir de 2028. Il prévoit aussi de réduire la dépendance des élèves à l'enseignement privé et de mettre l'accent sur l'innovation, mais aussi sur la santé mentale des élèves, leur bien-être, leurs compétences émotionnelles. Interrogé par ToutEduc sur la part qui reste au collectif et aux interactions entre pairs, il évoque un trait culturel de son pays, les enseignants ont l'habitude de travailler ensemble, ce qui rejaillit sur les élèves, et ils passent davantage de temps dans l'établissement scolaire, alors que dans le monde occidental, l'enseignement est davantage conçu comme une prestation de service délivrée à des consommateurs. Il ajoute que certes, l'IA est appelée à jouer un rôle important (ce qui n'ira pas, il en est conscient, sans obstacles), mais, ajoute-t-il, les connaissances académiques ne sont que l'une des facettes de l'éducation, il faut compter avec la socialisation, les cours d'EPS, les activités extrascolaires..
L'Estonie aussi misera, à l'avenir, sur l'intelligence artificielle. Ce pays a, depuis qu'il s'est affranchi de la tutelle de l'URSS, une culture de l'innovation et il a "foi dans l'éducation" comme étant le moyen de "faire progresser la nation". Il a donc cherché à avoir une vision à long terme. Depuis 5 ans, il travaille au renforcement des compétences numériques des enseignants et des élèves, ils étaient bien préparés à subir le choc de la pandémie. Pour personnaliser les enseignements grâce à l'IA, il compte revoir à la baisse les effectifs par classe (33 élèves actuellement), car, insiste la ministre de l'éducation, les interactions humaines sont essentielles.
Au Japon, les établissements ont été fermés moins longtemps que dans d'autres pays et lors de la réouverture, les enseignements ont été ciblés sur les lacunes. Le ministre insiste sur l'autonomie des élèves. Il faut qu'ils acquièrent les connaissances de base pour pouvoir ensuite "choisir le bon chemin". Le pays cherche "à développer de nouveaux modèles, davantage collaboratifs", faisant appel à l'expérimentation, au contact avec la Nature, avec la Culture et avec les Arts. Dès l'âge de 6 ans, les élèves ont leurs outils numériques, non sans savoir que le monde réel est plus intéressant que le monde virtuel. Le ministre insiste sur la nécessité de manipuler des ciseaux, des crayons, d'aller au plein-air, que les enfants jouent ensemble. Mais en même temps, il compte sur la technologie pour réduire le temps de travail des enseignants, dont le poids l'inquiète.
Mathias Cormann, secrétaire général de l'OCDE et Andréas Schleicher, responsable de la direction de l'éducation, tirent les enseignements de cette édition de PISA qui voit une trentaine de pays maintenir le niveau de leurs élèves, une dizaine l'améliorer. Ils font remarquer qu'à Singapour, les élèves apprennent moins de choses, mais approfondissent davantage. Ils soulignent que les performances des élèves vont de pair avec leur bien-être. Ils sont favorables à une utilisation "modérée" des outils numériques et à l'interdiction des smartphones.
L'une des clés du succès, "attirer les meilleurs enseignants", et il ne s'agit pas seulement d'argent. En Allemagne, ils sont bien payés, mais ils s'ennuient. Il faut de bons salaires, des conditions de stimulation intellectuelle et une culture de la coopération. En ce qui concerne les élèves, entre individualisation, groupes de besoin, interactions au sein d'un collectif, c'est un "équilibre subtil" qu'il faut rechercher.
La prochaine édition de PISA verra les épreuves de mathématiques évoluer, notamment pour donner une place au raisonnement en termes de probabilités; les mathématiques évoluent avec les besoins sociaux.