Les syndicats de la voie professionnelle appellent à la mobilisation contre la réforme Grandjean
Paru dans Scolaire, Orientation le mercredi 15 novembre 2023.
Réunies en intersyndicale, les organisations SNETAA-FO, CGT Éduc’action, SNUEP-FSU, SNEP-FSU, SUD Éducation, SNALC, CNT ont lancé un appel massif à la mobilisation de tous les personnels de la voie professionnelle le mardi 12 décembre pour que soit retiré le projet de réforme mené par Carole Grandjean.
Elles dénoncent ensemble une “attaque sans précédent“ au regard de la rapidité du calendrier annoncé (les textes sont attendus pour décembre, ndlr), du “mépris“ des organisations syndicales et du passage en force de la ministre chargée de la formation professionnelle et du plein emploi. Mais c'est essentiellement la “dégradation brutale“ de la classe de terminale dès la rentrée prochaine qui les scandalise, avec : d'une part une baisse de 6 semaines du parcours commun des élèves de lycée pro, et d'autre part un avancement des épreuves d'examen pour introduire un parcours personnalisé de 6 semaines.
Les enseignants “nous posent beaucoup de questions“, constate d'ailleurs Sigrid Gerardin du SNUEP-FSU, interrogée par ToutEduc, notamment sur la façon dont va se dérouler la terminale, d'autant plus que l'année se prépare dès la 1ère. “Il se demandent aussi quelles filières vont fermer“, ajoute-t-elle, n'ayant “aucune information“ sur la refonte annoncée de la carte des formations qui prévoirait une diminution de 15 % des places décrétées “non-insérantes“ à la rentrée 2026. Les premières ciblées seraient les formations en “accueil“ et en “commerce-vente“, pour un total de quelque 3 000 suppressions de postes, et autant d'enseignants devant se reconvertir, ce qui lui fait craindre “des risques psychosociaux assez graves“.
“On a été confronté à un mur“. Malgré la communication ministérielle selon laquelle rien ne serait encore complètement figé, Christophe Auvray du SNETAA-FO déplore que certains éléments (comme le renforcement des savoirs fondamentaux) ne pourront être modifiés, pourtant “ce n'est pas une augmentation des PFMP qui va faire réussir les élèves“, assure-t-il. Quant à leur gratification, il y était favorable “car c'est renforcer l'estime, or là on a détourné ça en faisant une sorte de bourse qui sera donnée aux parents“. Sigrid Gérardin va plus loin, estimant qu'augmenter les périodes de stage reviendrait à “offrir de la main d'oeuvre gratuite aux entreprises“, tout comme la fermeture de filières tertiaires permettrait de rediriger les élèves vers les métiers en tension ou en contrat d'apprentissage. “Ce qu'on demande, c'est que les LP reviennent sous tutelle complète du Ministère de l'Education nationale (MEN), poursuit-elle, avec l'idée que “Gabriel Attal se positionne“ sur le sujet.
Pour la CGT Educ'action, représentée par Isabelle Vuillet et Philippe Dauriac, cet allongement des PFMP se fera au détriment des heures disciplinaires, ce qui représente un “message idéologique“ sous-entendant que “l'entreprise forme mieux“. Et surtout, “ils regardent l'insertion à court terme, ils ne se posent pas la question de savoir pourquoi les entreprises sont en tension. Cette réforme s'inscrit dans objectif de baisse du taux de chômage à 5 % pour répondre aux directives européennes, il s'agit d'un emboîtement de la loi plein emploi 2027.“
Valérie Lejeune Lambert, du SNALC, s'inquiète justement d'une réforme qui tient finalement à “optimiser“ le lycée professionnel, que ce soit ses plateaux techniques, le temps ou les conditions de travail des personnels (qui devront par exemple travailler avec différents publics, pourront être désormais sollicités pour être jury dans des écoles privées). “lls ont présenté cette réforme dans l'intérêt des élèves sous statut scolaire, mais c'est plutôt un système d'éviction“, dénonce-t-elle, avec moins de semaines de cours (et un cursus menant au bac passant à 2,5 ans voir seulement 2 ans), la difficulté à trouver des stages, ou encore le développement du bac+1 pour lequel d'autres élèves pourront concourir..
L'intérêt des élèves, un point également souligné par Coralie Benech, du SNEP-FSU, qui considère qu'un trimestre en moins, “cela va fortement impacter l'EPS“, alors que les élèves de lycée professionnel “sont les plus éloignés de la pratique sportive“, surtout les filles, précise-t-elle, ajoutant que “cela va encore augmenter les inégalités sociales et de genre“ et se trouve en contradiction avec la volonté mise en avant de la nation sportive voulue pour les JO et d'un sport à l'école favorisant la santé des élèves.