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Université d'automne du SNUIPP (3/3) : les enseignants ne prennent pas encore suffisamment garde aux inégalités de genre

Paru dans Scolaire le lundi 23 octobre 2023.

“Pourquoi et comment penser l'éducation à la sexualité à l'école ?“ La question se pose au regard de la nouvelle dynamique féministe mondiale apparue depuis le milieu des années 2010 qui se répercute concrètement dans les établissements scolaires au quotidien, estime Fanny Gallot, de l'Inspé de Créteil.

Pour les enseignant.e.s, explique-t-elle dans son intervention aux Universités d'Automne organisées par le SNUIPP (le syndicat FSU du 1er degré), les interrogations portent sur des demandes de changement de prénom, ou encore concernant l'écriture inclusive. De quoi susciter une “panique morale conservatrice“, matérialisée par le rétropédalage sur les ABC de l'égalité comme avec les “parents vigilants“ qui refusent de remettre en question les stéréotypes.

Stéréotypes et inégalités Filles-Garçons

Une problématique qui renvoie à celle de l'(in)égalité filles-garçons, déjà présente dans les familles au travers des représentations et ce avant même l'arrivée à l'école. Le chercheur Dylan Racana de son côté fait état des études ayant montré par exemple que “l'expression des émotions est plus encouragée chez les filles, sauf pour la colère qui est plus tolérée chez les garçons“. De même, chez les filles la pudeur est encouragée, tandis que pour les garçons le corps se trouve davantage mis en avant. Des représentations alimentées par les objets et les productions mediatico-culturelles, mais également renforcées par les comportements entre adultes, tels que la part des tâches domestiques (effectuées à 71 % par les mères), qui vont impacter les enfants grandissant avec ces images.

Dès lors, l'institution scolaire reproduit la division sexuée des tâches, en dehors même des programmes, que ce soit dans les appréciations, ou dans les interactions en classe favorisant les garçons. L'étude qu'il a menée dans les écoles maternelles révèle par exemple que plus de questions sont posées aux garçons, et qu'elles sont plus compliquées. De même, si autant de services leurs sont demandés aux filles qu'aux garçons, leur nature diffère : surveiller un groupe pour les filles, mettre en place une installation pour les garçons.

Mais le problème, selon Fanny Gallot, c'est que les stéréotypes d'une part enferment dans des catégories, des attendus, dans des rôles dans lesquels les enfants ne sont pas forcément épanouis, alors que le rôle de l'Education nationale “est de leur donner confiance en eux“.

De plus, ces stéréotypes “ne se valent pas“, ils produisent de la souffrance et des violences, ce qui peut conduire aux blagues et aux insultes (harcèlement, violences), qui sont “des rappels à la norme“. En revanche, ajoute-t-elle, il faut faire attention à ne pas juger un modèle (par exemple familial) mais montrer qu'il est possible de faire autrement, c'est à dire ouvrir “le champ des possibles“. Si les études font entrevoir des évolutions récentes dans les classes, avec davantage d'interactions à égalité entre filles et garçons, “ce n'est pas suffisant“, affirme la chercheuse qui “voi(t) toujours du rose et du bleu dans les écoles“.

Education à la sexualité

Elle reprend d'ailleurs l'idée d'une “pédagogie critique de la norme“ qui en construirait une différente de celle proposée par les institutions officielles, mettant en avant la “tolérance“ alors qu'il s'agit d'un rapport de pouvoir: “Il ne s'agit pas d'accepter des gens, mais de construire l'égalité par le bas“.

L'ambition qu'elle porte se situe ainsi dans l'éducation à l'égalité des sexualités, impliquant une meilleure connaissance, un respect de soi et des autres, une promotion de l'égalité, de la sécurité, en s'adaptant au niveau d'âge des enfants. Les pistes pédagogiques qu'elle propose sont d'offrir des représentations variées, de travailler sur le consentement mais aussi de construire un dialogue avec les parents.

Normalement six heures de formation sur la question sont prévues à ce titre, or ce n'est pas le cas de la plupart des professeurs des écoles qui ont peu de stages académiques en la matière. Il y a donc une nécessité à se former, et que l'EN prenne vraiment ça en charge, mais elle ne fait pas car elle est “en panique“ sur ce sujet. Et comme cela n'a pas été construit dans l'école, cela n'aide pas à ce que les professeurs comprennent les tenants et les aboutissants, faute de quoi ils reproduisent les inégalités sans être pour autant mal-intentionnés.

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