Formation continue des enseignants : comment répondre à la décision de G. Attal pour que les élèves ne perdent aucune heure de cours (un colloque de Réseau Canopé)
Paru dans Scolaire le jeudi 19 octobre 2023.
Gabriel Attal a été clair, hier 18 octobre, dans le message visio qu'il a adressé aux acteurs de la formation continue des enseignants réunis pour un colloque sur ce "facteur d'attractivité du métier" organisé par Réseau Canopé : ils doivent en réinventer les formats et les contenus, en repenser les temps et voir comment elle peut intervenir dans les progressions de carrière. Ils sont confrontés au défi lancé par le ministre, que les élèves ne perdent aucune heure de cours, même si certaines formations continuent d'être organisées "les jours de la semaine" et sur le temps scolaire, comme le précise Jean Hubac qui représentait la DGESCO (direction générale de l'enseignement scolaire).
Si nul ne remet en cause la décision du ministre, les intervenants évoquent le contexte dans lequel elle intervient. Comme le souligne Marie-Caroline Missir, directrice générale de Réseau Canopé, la France est "à la traîne" des pays de l'OCDE en matière de formation continue des enseignants, et celle-ci ne répond pas aux besoins ni en termes d'offre, ni par ses contenus, comme le reconnaît Caroline Pascal (Cheffe de l'Inspection générale de l'Education, du sport et de la Recherche) : "Nous ne parvenons pas à adapter les contenus à la demande, du moins si on en juge par les retours des enseignants." Et Jean Hubac ajoute : "Il ne suffit pas qu'ils s'inscrivent à une formation, il faut qu'ils y restent jusqu'au bout, nous devons analyser pourquoi on n'y arrive pas." Certains enseignants d'ailleurs rejettent toute formation proposée par "l'Institution".
A quelle échelle territoriale ?
Le besoin est pourtant bien là, exprimé par 99 % des personnels de direction, 93 % des enseignants si on croit une étude menée par BVA pour Réseau Canopé, et ils sont même prêts, pour 20 % d'entre eux à suivre des formations pendant les vacances. Mais à 79 %, ils préfèrent un matin en semaine. 9 sur 10 déclarent avoir entrepris une "action de formation" lors de l’année écoulée, qu'il s'agisse d'une formation en présentiel avec un formateur, du suivi de webinaires, de la lecture d’ouvrages spécialisés ou de leur participation à des communautés d’enseignants en ligne. "S’agissant des lieux pour se former, ils sont 58 % à privilégier l’établissement scolaire, et 31 % à exprimer l’envie d’un tiers-lieu (...). Ils sont 73 % à demander 'plus de proximité' pendant les formations".
La question de la "territorialisation" des formations est en effet posée, et le représentant de la DGESCO estime que le chef d'établissement doit avoir un rôle de pilote de la formation de ses personnels, mais qu'il faut parfois penser en termes de bassin ou de réseau d'établissement, ne serait-ce que pour ne pas faire de différences entre 1er et 2nd degrés sur un même territoire, ce pour quoi plaide Valérie Cabull, rectrice des Hauts-de-France. Elle dit aussi toute l'importance des formations en présentiel pour "créer un collectif", mais aussi donner aux personnels "un moment pour souffler", pour sortir de leur lieu de travail, pourquoi pas même partir à l'international, évidemment dans ce cas de figure, en prenant sur les vacances.
Des formations "secourisme en santé mentale"
Didier Quef, directeur de l'Ecole académique de formation continue de Lyon, plaide également pour qu'on laisse aux enseignants le temps de parler entre eux. Il ajoute que l'attractivité des formations est une réponse à la demande du ministre de proposer des formations hors temps scolaire : il a reçu 837 inscriptions pour des sessions de 2 jours pendant les vacances de la Toussaint sur le "secourisme en santé mentale". Caroline Pascal en conclut qu'il faut que les formations soient "nécessaires à l'enseignant, mais aussi aux élèves et à la communauté éducative". La rectrice rappelle que l'Education nationale, comme tout employeur, a "une obligation de formation de ses personnels", mais que la gestion des ressources humaines ne s'inscrit pas encore dans sa culture. Il faut aussi répondre à la demande que les formations s'inscrivent dans des parcours et débouchent éventuellement sur une certification, qu'à tout le moins elles soient prises en compte dans les évolutions de carrière.
Et la députée Cécile Rilhac en situe l'enjeu : "l'entretien de la vocation", car elle constate "une perte terrible de motivation" après quelques années d'enseignement. Le formation continue doit ouvrir des perspectives dans leur carrière, y compris changer de niveau d'enseignement ou se reconvertir...
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