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A Paris, les enjeux de la mue de la cité scolaire Paul Valéry en campus dédié à l'Intelligence artificielle (reportage)

Paru dans Scolaire le vendredi 06 octobre 2023.

“Pour certains profs, il y a certains moments où c'est vraiment dur de faire cours“ estime cet élève de la cité scolaire Paul Valéry en traversant le chantier du futur “Campus de l'Intelligence Artificielle“ (IA) de la région Ile-de-France, jeudi 5 octobre dans le 12ème arrondissement de Paris.

Comme d'autres lycéens faisant partie du Conseil de la Vie Lycéenne (CVL) invités à cette visite, il s'enquiert du “bruit“ de ces très imposants travaux au coût annoncé de plus de 85 millions d'euros qui ont débuté cette année, et notamment auprès de Valérie Pécresse, présidente de la Région venue découvrir l'avancée du projet.

“Tout le monde est patient. Vous allez voir comme ça avance vite !“ tente de la rassurer Adeline Raguet, proviseure de l'établissement, avant que ne soit projetée sur écran une simulation de la future Cité Mixte Régionale devant un auditoire attentif. Pourtant le projet, qui consiste pour partie en une réhabilitation du bâti existant, mais qui comporte également la destruction d'une aile, la construction d'un tiers lieu (avec -peut-être- un internat et une salle de sport), la restructuration des cours et espaces communs... et prévu pour 2027 au mieux, serait en retard en raisons de certaines frictions entre la Mairie de Paris et la Région Ile-de-France.

“Et il est où le fablab ?“

Valérie Pécresse explique d'ailleurs à ToutEduc s'être “un peu battue avec la Mairie de Paris au départ parce qu'elle voulait utiliser cet espace pour faire encore plus de densification de logements“, tandis que celui-ci avait l'avantage d'en contenir beaucoup et que l'Ile-de-France n' “avait pas de campus de l'Intelligence Artificielle qui prendrait les gamins dès la 3ème et qui les emmènerait vers ces métiers“. Ce qui lui plaît d'autant plus que l'extension des locaux prévoit une ouverture sur l'enseignement supérieur ainsi que sur le monde de l'entreprise, avec la présence de start-ups.

Mais à l'inverse, pour Ketty Valcke, représentante des enseignants du lycée et adhérente au SNES-FSU, si le corps est favorable à l'implantation de l'Intelligence Artificielle au regard de ce que cela peut apporter en “attractivité“ pour l'établissement, et ne se dit pas contre les changements induits par tous les travaux (certains professeurs auraient demandé leur mutation en amont), les enseignants sont plutôt “nuancés sur l'intérêt pour les élèves“. Elle fait en effet valoir une certaine “méfiance de l'entrisme“, ainsi que l'importance de “protéger les jeunes d'intérêts qui ne seraient pas les leurs“, mais aussi “du temps pris sur des heures de cours pour tester des logiciels sur des élèves“.

IA, mon amour

Or l'IA, c'est avant tout “une filière de métiers, de compétences qui vont nécessiter beaucoup de profils qui doivent être formés à ce titre“, considère de son côté le directeur opérationnel du projet, souhaitant créer un pont entre tous les acteurs (enseignement secondaire, les rectorats d'Ile-de-France, collèges et lycées, enseignement supérieur, monde économique et institutionnel) dans l'optique des 10 objectifs de France Relance et de France 2030. Parmi les enjeux qu'il souligne, il est notamment la question de trouver des “profs moteurs“ et “relais“ qui vont “bénéficier de la présence de ces entreprises pour montrer à leurs élèves des exemples de carrière“. L'idée étant de valoriser la filière et d'y acculturer les acteurs : “L'IA c'est une technologie de pointe qui va permettre de faire d'énormes progrès dans la question de la transition écologique, des humanités numériques, de la santé et c'est ça qu'on veut arriver à transmettre aux collégiens, aux lycéens, aux professeurs..“

La “coordination“ est une autre des problématiques soulevées par la création de ce campus, selon Julien Roudil. Par exemple, explique-t-il, la spécialité NSI au lycée existe seulement depuis 4 ans, et désormais des jeunes en 1ère et Terminale “font 4 à 6 heures d'informatique par semaine et arrivent avec un niveau de programmation tel au bac que les IUT ou les licences informatiques ne s'étaient pas encore accordés au niveau des programmes pour accueillir ces nouvelles compétences, donc les jeunes faisaient un programme qu'ils avaient déjà vu“. Il a donc fallu “très rapidement faire communiquer le supérieur et le secondaire pour adapter les programmes, et ce n'est pas facile de faire parler ces deux mondes. Le campus a cette vocation là, d'aligner les référentiels, de faire en sorte que les enseignants de NSI de 1ère et de terminale travaillent avec ceux des universités et des IUT“, complète-t-il.

Traitement de la donnée

Avec la nouvelle proviseure, qui a suivi l'an dernier un cycle sur le numérique dans l'éducation à l'IH2EF, ils évoquent l'importance de s'attacher à la “réalité“ de l'IA qui, loin des caricatures de Chat GPT ou “des chimères anthropomorphiques du robot qui va dépasser l'homme“, “est avant tout du traitement de la donnée“. Avec l'exemple de l'EPS connectée, présenté ce matin-là, Adeline Raguet explique la possibilité d'un “saut technologique“ pour des jeunes “qui ne sont pas appelés par le milieu d'où ils viennent à faire de longues études“, en faisant “un levier qui va permettre de sauter presque une génération et que eux accèdent à ces nouveaux métiers qui vont être très porteurs d'avenir“. C'est de cette manière que, dès bac-2 ou bac-3, des élèves seront “préparés à rejoindre des IUT informatiques partenaires du projet“, pour devenir des techniciens “préparateurs de données“ qui sauront “donne(r) à la machine“ la matière nécessaire à la “reconnaissance d'images“ utilisées pour l'imagerie médicale (reconnaissance des cancers) ou bien pour les prédictions météorologiques, poursuit Julien Roudil.

Au total, la proviseure de cet établissement de 1 500 élèves environ (collège et lycée) considère qu'il faudra “une dizaine d'années pour que cela s'imprègne vraiment dans tous les usages“, et si l'on sent chez elle une réelle volonté de voir le projet aboutir, au regard des nombreuses questions qu'il suscite chaque jour, elle ne cache pas que cela “bouge très vite, ça va aussi vite que le chantier, ça donne un peu le tournis“.

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