Mobilité sociale : pour les jeunes, des politiques publiques trop “modestes“ (France Stratégies)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Orientation le mercredi 04 octobre 2023.
Les politiques publiques spécifiquement tournées vers la mobilité sociale des jeunes “se présentent assez largement comme des actions de remédiation aux résultats décevants des politiques d’éducation et d’emploi“, peut-on lire dans le dernier rapport France Stratégie publié mardi 3 octobre.
Si ces dernières sont, et de loin, “majoritaires dans les moyens des politiques publiques bénéficiant aux jeunes“, environ 90 milliards d’euros sur 105, “elles peinent à atteindre les objectifs qui sont les leurs en matière de réduction des inégalités héritées, dont le poids reste très élevé dans les parcours de formation et lors de l’insertion sur le marché de l’emploi“.
Malgré une progression de la mobilité sociale sur les trente-cinq dernières années, France Stratégie constate que l'effet “s’est interrompu depuis le milieu des années 2000, et le destin des jeunes reste toujours fortement marqué par leur origine sociale, tant en termes de parcours scolaire que professionnel“.
C'est ainsi que les jeunes“ occupent souvent la même position que leurs parents à la fois dans la hiérarchie sociale et dans l’échelle des revenus“. En 2019, plus de 80 % des enfants nés dans des familles à dominante cadre exercent (5 à 8 ans après leurs études initiales) un emploi de cadre/ profession intellectuelle supérieure / intermédiaire, tandis que 69 % de ceux issus d’une famille à dominante ouvrière exercent un emploi d’ouvrier ou d’employé.
De même, les premiers pas sur le marché du travail “sont marqués par l’empreinte de l’origine sociale“, qui “continue de fortement différencier les diplômes des jeunes“, pourtant ceux-ci “ne sont pas la seule cause des disparités de position et de mobilité sociales : avec un même niveau et type de diplôme, les jeunes semblent avoir moins de chances d’atteindre une position sociale élevée lorsque leur famille est à dominante ouvrière.“ Pis, ces inégales capacités des parents à accompagner, à soutenir et à financer les parcours éducatifs de leurs enfants “se doublent d’inégalités plus systémiques liées au genre mais également au lieu de résidence“.
Au final, l’origine sociale “influe sur les parcours éducatifs et in fine sur la position et la mobilité sociales par plusieurs canaux dont les effets se cumulent : le capital économique des parents, leur capital culturel, informationel, le lieu de résidence, les aspirations des jeunes, etc..“, c'est pourquoi France Stratégie considère que “les politiques qui visent à élever le niveau de diplôme des jeunes sont indispensables mais non suffisantes pour assurer à tous les jeunes, notamment ceux d’origine modeste diplômés du supérieur, une possibilité de mobilité sociale et l’accès à une catégorie sociale correspondant à leur niveau de diplôme et à leurs ambitions.“ Il conviendrait “ d’interroger plus structurellement les racines de ces inégalités, comme la ségrégation scolaire ou la pauvreté des familles, qui dépassent pour partie le champ de l’éducation.“
Outre une approche essentiellement “curative“, cette action publique possède “des moyens relativement modestes“, 13 milliards d’euros sur les 105 milliards que totalisent les politiques publiques bénéficiant aux jeunes (soit 12,5 % environ), tandis que les dispositifs qui la composent “sont éclatés entre différents ministères et administrations, et leur dispersion nuit à la lisibilité de l’action publique, pour les jeunes comme pour les acteurs en charge de les accompagner.“
Un “manque d’articulation et de coordination“ entre ces dispositifs est enfin relevé, rares étant les politiques publiques ayant pour objectif explicite la mobilité sociale, cependant que nombre de dispositifs publics “cherchent, chacun dans son champ, à réduire le poids des déterminants socioéconomiques et à garantir l’égalité des chances entre tous les jeunes.“
France Stratégie ajoute à son analyse un focus sur cinq politiques susceptibles de favoriser la mobilité sociale des jeunes. Il s'agirait par exemple d'accroître la mixité sociale à l’école, pour laquelle “les mesures expérimentées dans les années récentes ont montré leur efficacité pour accroître la mixité au collège et en lycée, mais (dont) l'ampleur est restée trop limitée pour conduire à une baisse globale de la ségrégation scolaire. Cela pourrait passer par “faire contribuer le secteur privé sous contrat aux objectifs de mixité.“
Autres idées, mieux articuler l’obligation de formation pour les 16-18 ans et les dispositifs de deuxième chance, favoriser l’accès à l’enseignement supérieur, faire de l’apprentissage un levier de mobilité sociale ou encore encourager le recours à la formation continue des jeunes les moins qualifiés.
Le rapport ici