Plus claire, plus vivante, l'exposition permanente du Musée de l'histoire de l'immigration rouvre ses portes
Paru dans Scolaire le dimanche 18 juin 2023.
Les objets authentiques qui ont appartenu à des migrants, je trouve que ça humanise vraiment“. A l'issue d'un vernissage qui leur était dédié, les enseignants que ToutEduc a rencontrés au Musée de l'histoire de l'immigration, dont l'exposition temporaire rouvre au public samedi 17 juin, semblaient très enthousiastes.
Cette professeure de Maths et Sciences par exemple, l'a trouvée “riche“ et, “même en termes d'installation, bien conçue, on ne s'y perd pas“, ajoute-t-elle. Sa collègue, professeure d'histoire-géographie, abonde : “Il y a plein de choses interactives, on peut écouter, on peut regarder, c'est assez diversifié au niveau des supports pour les élèves“.
Après 4 ans de travaux (de la réflexion scientifique à l'élaboration du nouveau parcours), 965 enseignants ont ainsi été invités, comme elles le mercredi 14 juin, à découvrir l'espace de 1 600 m2 dont la scénographie et le contenu, avec 80 % d’œuvres inédites, ont été renouvelés.
Chronologique et Historique
“Le parcours est quand même très dense, il faut être honnête“, explique à ToutEduc Constance Rivière, directrice générale du Palais de la Porte Dorée depuis un an. Le long travail de remodelage de l'exposition, destiné à donner sa “profondeur de champ historique“, est passé par un rapport de préfiguration élaboré par une quarantaine de personnes autour de l'historien Patrick Boucheron, suivi de la rédaction du texte fondamental par quatre commissaires scientifiques. “Avant, on avait un parcours qui était thématique et assez sociologique, poursuit-elle, là le fait de basculer sur un parcours chronologique et historique, ça permet aussi d'être plus précis sur les différents moments de l'immigration en France.“ 11 grandes dates, de 1685 à 1995, viennent ainsi fixer des moments-clés de cette histoire commune pour y apporter “de la précision et de la clarté“.
“J'ai appris plusieurs petites choses dans l'exposition, par exemple la carte d'identité pour les étrangers en 1917, ça je ne savais pas." Cette autre professeure d'histoire-géographie, croisée à la fin de la visite, indique avoir vu l'ancienne exposition et selon elle “c'est vrai que c'était un peu fouillis“. Elle imagine pouvoir venir avec plusieurs de ses classes : “En 3ème et en terminale ça colle vraiment avec le programme sur le 20ème siècle, sur le 19ème siècle avec des 1ères on peut aborder les révolutions d'une manière un peu différente de l'angle habituel."
Les espoirs de jeunes adolescents de toutes origines dans un collège de Sarcelles
L'idée de la nouvelle scénographie a été de multiplier les formes et les couleurs, pour rendre le lieu vivant, “avec de la littérature, du cinéma, des tableaux, des objets, des choses qui ont été données par des descendants de personnes qui ont vécu cette histoire et qui racontent aussi leur trajectoire de migrant, d'exil, donc c'est aussi quelque chose de très personnel“, raconte Constance Rivière.
Plus encore, l'exposition se veut une “chambre d'écho des questions contemporaines“, comme le montrent les gilets de sauvetage collectés sur l'Aquarius ou encore les peintures de Pascale Consigny sur la vie de migrants dans la lande de Calais. C'est pourquoi Constance Rivière veut que le parcours ne soit pas “figé dans le temps“, la dernière partie ayant vocation à se transformer au fil du temps pour “accueillir de nouvelles questions où l'on traite des questions de racisme, de discriminations, des enjeux mémoriels, de déboulonnage de statues mais aussi des attentes et des espoirs de jeunes adolescents de toutes origines dans un collège de Sarcelles“.
Face à des sujets parfois éruptifs, à des moments difficiles de l'histoire de France, la directrice générale du Palais de la Porte Dorée souhaite que l'exposition soit accessible, lisible et ouverte notamment pour les plus jeunes (par exemple un parcours avec et livret et 20 notices explicatives a été mis en place pour les 8-12 ans), qu'elle serve à libérer la parole, à échanger, tout en rendant compte des dimensions sociale et culturelle, mais aussi lumineuse, “dans le sens le plus noble du terme“ de l'immigration. Pour preuve, la présence d'un studio de musique, dans lequel les visiteurs “écoutent collectivement de manière assez festive et joyeuse, des musiques des années 30 à la fin des années 90 qui racontent aussi l'immigration, et qui ont participé aussi à la conscientisation des luttes, avec la dimension politique que peut avoir la musique“.
Concernant les groupes scolaires, cet effort passe par le développement d'outils de médiation, comme dans le “petit amphi“ où toute une classe peut s'asseoir avec l'enseignant ou l'un des 20 médiateurs du Musée afin “de pouvoir se poser pour discuter, revoir des images, voir comment ça a pu interpeller“. Une offre de trois visites guidées (ponctuées d’activités dirigées ou semi-autonomes) sera exclusivement destinée aux cycles 2, 3 et 4 du second degré pour encourager l’observation des élèves et participer au développement de leur esprit critique.
En outre, tous les scolaires qui feront une visite avec un médiateur se verront offrir un passeport qui leur permettra de devenir eux-mêmes des médiateurs-ambassadeurs. Pour “raconter et transmettre“ ce qu'ils ont vu et ressenti, les élèves pourront dès lors revenir gratuitement pendant un an, en amenant avec eux les adultes de leur choix.
L'objectif de Constance Rivière est de doubler les chiffres de fréquentation du musée, à savoir d'accueillir 200 000 visiteurs d'ici fin 2024 en année pleine.
Le site du musée ici
Photo Cyril Zannettacci