Restauration scolaire : les repas végétariens en question (Localtis)
Paru dans Scolaire le mercredi 22 mars 2023.
"Le menu (végétarien) hebdomadaire est gravé dans la loi, légiféré, on ne reviendra pas sur celui-ci. Concernant l’alternative quotidienne végétarienne, elle est encore en expérimentation jusqu’à la fin de cette année 2023", rappelle la nutritionniste Marie-Noëlle Haye (Association nationale des directeurs de la restauration publique territoriale - Agores) interviewée par nos confrères de Localtis.
Mais "l'arrêté de septembre de 2011 fixant la norme de l’équilibre nutritionnel en restauration scolaire est sur le point d’être révisé" et "certains élus (...) craignent que cette révision ne remette en cause la possibilité pour les collectivités de proposer un repas végétarien quotidien (...). On en entend beaucoup parler. Et certaines instances agitent le chiffon rouge pour que les gens s’inquiètent à ce sujet."
La nutritionniste rappelle à cette occasion qu' "il y a aujourd’hui 2,5 % de végétariens en France" et que seules 200 communes, sur 36 500, "se sont lancées dans l’alternative végétarienne quotidienne". Elle estime qu' "on ne peut pas bouleverser les habitudes alimentaires des populations dans un laps de temps aussi court, soit deux ans. Qui plus est, de nombreux territoires sont attachés à leur identité agricole tournée vers la production animale. Par ailleurs, avec l’instauration du menu végétarien hebdomadaire, la consommation de viande et de poisson a déjà été réduite de 20%, c’est une petite révolution qui nécessite du temps pour être totalement intégrée."
Et surtout, elle met en garde. "En France, notre alimentation n’est pas déficitaire en protéines mais c’est surtout la question des micro-nutriments associés aux protéines d’origine animale qui ne vont plus être consommés comme le fer, les vitamines B12 et D, le zinc et les acides gras Oméga 3." Quant au soja, il "contient des phytoestrogènes qui sont reconnus comme des perturbateurs endocriniens". Elle ajoute que les cuisines "ne sont pas toujours dimensionnées, ou en capacité technique, pour pouvoir produire à la fois des menus à base de viande et de poisson et une alternative végétarienne cuisinée". Elles ont dès lors recours à des produits ultra transformés, issus de l’industrie agro-alimentaire : "En termes d’organisation des cuisines, c’est très pratique. Mais dans l’optique d’une alternative végétarienne quotidienne, est-ce que c’est ce que nous attendons ?".
Dans les écoles, les enfants dont les parents auront coché la case "végétarien" vont "manger pendant plusieurs semaines des repas sans viande et sans poisson. Pour les enfants issus de quartiers défavorisés, c’est probablement leur seule source de viande ou de poisson, qui plus est, avec l’inflation actuelle des denrées alimentaires (...). L'Anses (l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail, ndlr) confirme que les principaux déficits nutritionnels qui peuvent être liés à une consommation régulière de repas végétariens portent sur certains acides gras essentiels en Oméga 3 (EPA et DHA) et en vitamine D (...). Je m’inquiète en fait surtout pour les enfants qui pourraient manger l’alternative végétarienne quotidiennement et sur le long cours. Car c’est sur le long cours qu’il faut être attentif, et surtout si ces enfants n’ont pas l’occasion de manger de la viande ou du poisson à la maison. En tant que nutritionniste, je respecte les choix de chaque mangeur, ma responsabilité, c’est de prendre en compte l’ensemble des paramètres à considérer et ils sont nombreux."
Le site de Localtis ici