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Collèges : Etat et Départements peuvent-ils travailler ensemble ? (Cour des comptes)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le vendredi 10 mars 2023.

“En dépit d’une politique volontariste des départements, la gestion immobilière des collèges souffre de fortes inégalités territoriales“ estime la Cour des comptes dans son rapport public annuel publié ce vendredi 10 mars.

Il y est notamment question de la construction, de la rénovation et de l’entretien des collèges qui, après “40 années“ de décentralisation, nécessiterait une meilleure articulation des actions entre Éducation nationale et départements.

“Inégalités persisantes“

Les magistrats de la rue Cambon font état des multiples orientations actuellement portées par les départements (financement de projets éducatifs, allocation d’aides au transport pour les sorties scolaires, mise à disposition des élèves d’outils numériques, etc..) qui “dépassent le cadre de leurs compétences réglementaires“ et dès lors ont fait largement augmenter leur effort financier (de 1,1 Md€ en 1986 à 6,2 Md€ en 2020).

Cependant, ces politiques volontaristes révèlent “la persistance de fortes inégalités de situations qui ne permettent pas d’offrir à tous les collégiens des conditions matérielles de scolarisation homogènes“, dues à des caractéristiques géographiques et démographiques différentes, à l’état du parc existant et aux capacités financières. Par exemple, depuis 1986 le département de Seine-Saint-Denis a dû construire 25 nouveaux collèges et en reconstruire 40 quand celui de la Mayenne n’en a édifié aucun. Le poids de l’enseignement privé ou le classement en éducation prioritaire peuvent également jouer un rôle en allégeant ou en augmentant la charge départementale.

Dès lors, constate la Cour des comptes, “un collégien ardennais bénéficie d’un niveau d’équipement annuel moyen de 98 € quand le même effort est, pour un collégien des Côtes-d’Armor, de 1 311 €“ (pour une moyenne nationale de 654 €/collégien/an).

Le rapport s'évertue ensuite à distinguer les dotations mises en place au fil du temps pour aider les départements face à ces diverses dépenses. La dotation départementale d’équipement des collèges (DDEC), destinée à l'investissement, avait au départ un montant réparti entre l’ensemble des départements en fonction de critères reflétant la capacité d’accueil des collèges et l’évolution de la population, avant d'être forfaitisée, donc décorrélée de ces situations, ce qui “pénalise les départements en croissance démographique et socialement les plus défavorisés et avantage ceux qui connaissent une baisse de leurs effectifs“.

Il existe aussi des dispositifs spécifiques de soutien aux projets de rénovation des collèges mis en place par l’État. La cour des comptes déplore que malgré son ambition en ce domaine, le ministère de l'éducation “ne dispose pas des éléments consolidés de bilan du soutien financier de l’État à l’investissement en faveur des collèges“, tout comme pour le suivi des crédits du plan de relance. Il ajoute que la place du ministère “apparaît marginale au cœur de la gouvernance interministérielle, alors même qu’il pourrait y jouer un rôle plus prononcé, en veillant, par exemple, à conditionner une partie des aides allouées par l’État à la rénovation du bâti scolaire“, celui-ci représentant 54 % des 280 millions de mètres carrés d’immobilier des collectivités territoriales.

Co-construction

Les sages de la rue Cambon estiment ensuite que le processus de co-construction des décisions, sur des sujets relevant de compétences partagées entre les départements, chargés des bâtiments, des équipements et des services logistiques et l’État, responsable des enseignements, des programmes scolaires et de la pédagogie, “n’est à ce jour pas suffisamment structuré“.

Le système éducatif français, constatent-ils, demeure centralisé avec 55,2 % des décisions concernant le collège qui sont prises au niveau de l’État central contre 23,8 % pour l’ensemble des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

C'est pourquoi “les modalités de gestion, de dialogue et de pilotage doivent évoluer, pour assurer davantage de proximité et de souplesse entre les services de l’Éducation nationale et les départements“, estime la Cour des comptes qui évoque de “réelles marges de progrès“ possibles dans l’amélioration de l’état des sanitaires, le renforcement de l’accessibilité ou encore la sécurisation des bâtiments.

La carte scolaire, enfin, levier pour impulser des dynamiques nouvelles en matière d’aménagement territorial et de mixité sociale au collège, “demeure un instrument peu mobilisé“, et de nombreux départements hésitent à prendre la décision de créer ou de fermer des établissements scolaires, alors que ce choix constitue un enjeu de politique publique éminemment stratégique à l’échelle du territoire“.

Alors que les départements déterminent la localisation des établissements et leur secteur de recrutement, que les informations sur les caractéristiques socio-économiques et le pouvoir d’affectation des élèves sont détenus par les inspecteurs d’académie, “l’efficacité d’un tel partage des compétences repose sur un ‘pari hasardeux‘, à savoir la capacité des deux institutions à partager des informations et, plus globalement, à travailler ensemble“. Et “malgré son inscription dans le code de l’éducation, ajoute-elle plus loin, l’objectif de mixité sociale demande toujours à être rendu opérationnel.“

Les besoins de l’éducation du XXIe siècle

Économies d’énergie, changement climatique... La Cour des comptes considère enfin que la prise en compte des enjeux environnementaux dans la gestion des bâtiments scolaires “est devenue incontournable“. Pour exemples, le report de quelques jours du brevet des collèges en juin 2019 en raison de la canicule, ou plus récemment la fermeture d’établissements à la suite d’épisodes de forte chaleur en juin 2022, “ont révélé le caractère inadapté de la plupart des établissements et montré à quel point la qualité du bâtiment peut avoir un impact sur les élèves et sur leur scolarité“. Si les adaptations nécessaires “sont coûteuses et parfois difficiles à mettre en place“, l’État devrait donc “revoir sa politique d’affectation des concours financiers destinés à des projets d’investissement concernant les collèges afin de les conditionner davantage à la prise en compte de ces enjeux environnementaux.“

Plus globalement, il est question de l'émergence, au fur et à mesure, “d'une conception nouvelle de ce que doit être un collège, préconisant une organisation spatiale propice à un climat scolaire apaisé et à de nouvelles pratiques pédagogiques.“ La Cour des comptes constate que “des démarches d’ouverture des collèges vers l’extérieur se développent également afin d’optimiser l’usage des locaux scolaires, en tant qu’équipements publics, et y permettre un accès plus large de la population en dehors du temps scolaire. Face à de telles évolutions, l’État, tout en acceptant la diversité des interventions des départements propre au processus de décentralisation, ne doit pas se priver de garantir, par ses pouvoirs de régulation, le déploiement du service public national de l’éducation sur l’ensemble du territoire.“

Le rapport ici

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