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“Les acteurs de l'école restent globalement encore trop aveugles et inattentifs aux vulnérabilités individuelles“ (ouvrage)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le dimanche 19 février 2023.

C'est une “variable discrète“ de la vie quotidienne des enfants et des adolescents “qui agit de manière déterminante sur le bien-être et la réussite scolaire“, mais aussi sur la destinée et l'épanouissement personnel, estime Christophe Marsollier dans son dernier ouvrage.

Il est ici question de la vulnérabilité, une notion qui “a progressivement envahi l'espace public“ car elle confère un devoir moral, celui de “protéger l'enfant / l'adolescent de certains risques déterminants pour son parcours“. La vulnérabilité (qui pourrait toucher 1 enfant sur 2 à un moment donné) est décrite comme un “état passager, transitionnel et inconfortable souvent ressenti dans les situations d'apprentissage et de transformation“ et qui résulte d'une “spirale de facteurs“. Elle opère “dans l'intimité de la vie quotidienne un processus de sape et de fragilisation qui peut considérablement affecter la santé mentale des jeunes en quelques semaines“. C'est pourquoi dans la vie des enfants et des adolescents, “l'école constitue l'un des principaux espaces, avec celui de la famille, qui les exposent à éprouver des émotions vives et parfois douloureuses à l'occasion de multiples interactions“.

D'autant que les élèves ne sont pas égaux en termes de vulnérabilités, surtout en fonction de leur âge. Le regard des adultes et des pairs les expose “à l'objet de remarques, d'appréciations désagréables“, et les contraints “à éprouver de la honte, de la peine, de la peur, de l'humiliation ou de la culpabilité“. Et alors que “l'école enjoint les enfants à se montrer forts, à anesthésier leurs émotions“ et qu'elle “les soumet à agir selon des normes“, presque en miroir, “chez beaucoup de jeunes, le réflexe acquis est de fuir ou d'esquiver leur gêne, leur émotion, leur souffrances“. Face à ce phénomène, “nombre d'enseignants, de parents, de cadres, de CPE réussissent (..) à lire les signaux de détresse et à se rendre spontanément disponibles“, quand d'autres “se protègent face aux signes de mal-être que montrent des élèves“.

Plus globalement, l'auteur considère que “les acteurs de l'école restent globalement encore trop aveugles et inattentifs aux vulnérabilités individuelles, trop souvent muettes, qui se développent non seulement dans l'environnement familial mais aussi dans les relations entre élèves et au cœur de la relation pédagogique, dans le huis clos de la classe“. Il ajoute que de nombreux personnels “associent les émotions à la faiblesse et misent sur les capacités propres des jeunes à s'endurcir et à se construire par la gestion autonome de leurs affects.“

Pourtant, la loi d'orientation de 1989 qui organise la scolarité en cycles et place l'élève au centre du système éducatif a conduit, estime Christophe Marsollier, “à développer progressivement la différenciation pédagogique et à faire évoluer la formation et les pratiques des enseignants vers une plus grande prise en considération des difficultés de certains enfants, voire de leur fragilité“. En outre, il considère que les politiques publiques de ces dernières années, “notamment le dédoublement des classes de GS, CP et CE1 en REP ont heureusement considérablement contribué à réduire ce phénomène“.

Malgré tout, les causes d'une forte vulnérabilité chez de nombreux jeunes “trouvent leur origine dans les comportements éducatifs et familiaux inadaptés à leurs besoins fondamentaux, ainsi que dans des facteurs environnementaux qui les marginalisent et ne leur permettent pas de se construire les compétences psychosociales favorisant l'intégration sereine dans des groupes sociaux“. D'ailleurs, les contraintes inhérentes au fonctionnement de l'école, telles que les règles, l'organisation, les effectifs, l'évaluation y contribuent en apportant leur lot de violence.

“Bien qu'elles brisent des parcours scolaires, poursuit l'auteur, les violences pédagogiques sont extrêmement répandues dans l'immense majorité des systèmes éducatifs, au point que nombre de parents et d'acteurs de l'éducation les considèrent comme banales.“ Fessées, punitions, humiliations.. Il est en outre question de la violence éducative ordinaire (aussi appelée VEO) “très ancrée dans des habitudes familiales“, et “inscrite culturellement depuis des millénaires dans les pratiques éducatives.“

Avec pour résultat, de “déclenche(r) des sécrétions de cortisol et d'adrénaline qui, dans la durée, entravent le développement optimal de nombreuses parties du cerveau“. Toutefois, “la formation des enseignants à ce sujet est quasi inexistante alors que dans certains quartiers, notamment en EP, une majorité des élèves vivent dans l'adversité“. D'autant plus, ajoute Christophe Marsollier que “de nombreux travaux de recherche ont montré que dans les familles défavorisées, les enfants se trouvent davantage soumis à des pratiques violentes ou négligentes qui provoquent des lacunes dans l'apprentissage du contrôle de soi et sont préjudiciable à leur développement.“

Pour réponde à ce défi, le docteur en sciences de l'éducation évoque notamment l'importance “de l'exigence bienveillante (souvent d'un proche) pour surmonter les blessures vécues à l'école“. Il propose plusieurs pistes destinées à placer les risques, les blessures psychologiques, ainsi que les émotions des élèves au cœur de l'action professionnelle des équipes éducatives. Car ces dernières, souligne-t-il, sont bien “des messagères qui informent que les besoins fondamentaux, les droits, les attentes et les désirs de l'enfant sont mis à mal.“

L'attention aux vulnérabilités des élèves, Christophe Marsollier, Editions Berger Levrault, 184p., 19 €.

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