Existe-t-il des outils efficaces pour lutter contre le harcèlement ? (GIRSEF, UCL)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mardi 07 février 2023.
"Face à une offre de plus en plus abondante" de programmes de lutte contre le harcèlement scolaire, le GIRSEF (Université catholique de Louvain) propose une analyse des évaluations, souvent fragiles et limitées, de cinq programmes, "Friendly Schools", "KiVa", "Second Step", "ViSC" et “Zero“.
Le premier est australien, il vise à développer "une compréhension commune du harcèlement, de ses effets et de la façon dont il peut être découragé, tout en s’appuyant sur les compétences sociales". Son évaluation a été réalisée par ses concepteurs, il a seulement "permis une réduction de la victimisation autorapportée", et encore. En ce qui concerne son extension aux familles, "Friendly Schools Friendly Families, "les études indiquent plutôt une absence d’effet".
KiVa a été développé par l’Université de Turku en Finlande, et là encore, "c’est l’équipe de chercheurs ayant développé le programme qui l’a évalué". Il part du principe que "le harcèlement est un phénomène de groupe dans lequel les témoins (...) peuvent se comporter de façon à renforcer le harcèlement (...). Si le harceleur est récompensé par des rires ou par un gain de popularité lorsqu’il commet ses méfaits, alors ses comportements risquent de se maintenir dans le temps. Dès lors, un changement dans le comportement des témoins pourrait (...) diminuer (sa) motivation à harceler." Le programme "permet de diminuer le harcèlement et la victimisation chez une partie des élèves au moins", mais son efficacité s'estompe au niveau CM "jusqu’à être quasiment nulle" au-delà du niveau 5ème.
"Second Step a été développé aux États-Unis et passe par la formation de "l’ensemble des adultes à remarquer le harcèlement (...). Toute personne encadrant des élèves est supposée savoir surveiller, reconnaitre ainsi que répondre efficacement au harcèlement." Les enseignants apprennent aux élèves à travailler leurs compétences socioémotionnelles et à prévenir le harcèlement. L'implantation du programme a eu "un effet positif uniquement pour l’agression physique" et uniquement la première année.
L’Université de Vienne (Autriche) a développé le programme ViSC (Viennese Social Competence) et considère qu' "il ne faut pas uniquement s’intéresser aux victimes et harceleurs, mais bien à la classe dans son entièreté, en insistant sur le rôle du groupe". Il semble "relativement efficace", y compris lorsqu'il a été implanté "à plus large échelle et dans d’autres pays".
Le programme Zero a été développé à l’Université de Stavanger (Norvège) pour prévenir le harcèlement dans les écoles primaires. Il distingue "l’agression proactive", c'est à dire "blesser les autres sans que cela soit motivé par des émotions ressenties", tandis que "l’agression réactive renvoie à la tendance à être facilement frustré, fâché et agressif". La première "serait beaucoup plus prédictive des comportements de harcèlement". Tous les adultes de l’école "sont encouragés à démontrer qu’il existe dans l’école une politique de tolérance zéro envers le harcèlement" et tous les enseignants sont formés à établir et maintenir dans leurs classes "des normes qui servent de protection contre le harcèlement (...). L’implantation du programme Zero est systématiquement associée à des effets positifs." Mais les auteurs mettent en garde, "étant donné les limites méthodologiques importantes de ces études, il n’est pas possible de conclure que les effets positifs observés sont bien dus à la mise en œuvre de Zero."
Les auteurs concluent que les écoles primaires pourraient "bénéficier du programme KiVa. Pour le début de l’enseignement secondaire, le programme ViSC apparaît comme un outil prometteur en attente de traduction et de validation en contexte francophone. Les ressources du programme Zero, accessibles gratuitement en ligne, pourraient également être utiles aux professionnels de l’éducation si elles étaient traduites."
L'étude est téléchargeable ici