La France, pays inéquitable en matière d'éducation, vraiment ? (CEE)
Paru dans Scolaire le mardi 06 décembre 2022.
Pourquoi dit-on que la France est un des pays les plus inéquitables en matière d’éducation ? Les économistes Thierry Rocher, de la DEPP et Eric Charbonnier (OCDE) étaient invités par le Conseil d'évaluation de l'école (CEE) mardi 6 décembre pour exposer les données principales concernant les inégalités en matière d'éducation.
Si l'enquête PISA de 2018 a révélé que les élèves de 15 ans en France obtiennent des performances légèrement au dessus de la moyenne OCDE dans les 3 domaines du test, pour Eric Charbonnier il faut prendre en compte le lien entre le statut socio-économique et la performance scolaire, notamment du fait qu'entre 2000 et 2010 les inégalités sociales se sont accrues en France, tandis qu'entre 2009 et 2018 elles sont toujours à un niveau très élevé mais se sont stabilisées. Cependant, note-t-il, l'écart en compréhension de l’écrit entre les 25 % d'élèves les plus favorisés et les 25 % les moins favorisés est de 107 points, contre seulement 89 pour la moyenne de l’OCDE.
Thierry Rocher, du service statistique de l'Education nationale, revient également sur ce chiffre, qui concerne cependant d'autres pays comme l'Allemagne (avec un écart de 114 points), mais il précise que l'écart pour une année d'étude est de 39 points entre un élève de 3ème à l’heure et un autre de 2nde GT. “On parle de 15 ans mais ces inégalités démarrent très tôt“, insiste-t-il d'ailleurs, précisant que ces inégalités ont tendance à s'amplifier en cours de primaire, mais également au collège, où les progressions en mathématiques et en mémoire encyclopédique, qui sont des “marqueurs sociaux“, sont plus accentuées.
La ségrégation sociale entre collèges est un autre facteur mis en lumière, avec des écarts de composition sociale entre les secteurs public et privé sous contrat qui se sont creusés depuis le début des années 2000, alors qu'il est connu “que la concentration de difficultés sociales peut aggraver l'impact sur les compétences“. Eric Charbonnier a d'ailleurs souligné que l'impact de ces inégalités se retrouve dans le parcours des élèves, avec 13 % des élèves scolarisés dans des filières pro au lycée ayant des parents qui ont atteint un niveau d'études supérieur, contre 49 % dans la voie Générale et Technologique.
Pour ce qui est du genre, en France les filles ont plus peur de l'échec que les garçons, alors qu'elles réussissent mieux que les garçons dans tous les pays de l’OCDE en termes de performance de compréhension de l’écrit, quand l'inverse se produit en mathématiques. Malgré tout l'écart est faible dans de nombreux pays, et celui-ci “a tendance à se réduire“. La Norvège et la Finlande ne s'en sortent pas bien sur ce point, et les garçons ont beaucoup de difficultés.
Dans l'accès à l'éducation, “la France s'en sort plutôt bien“ avec des “efforts très forts de lutte contre le décrochage scolaire qui ont été faits depuis 2010“. Ainsi en 2011, 17 % des jeunes n'avaient aucun diplôme, un chiffre qui est passé à 12 % en 2021, tout en sachant que désormais la France après avoir connu une “élévation du niveau de diplôme“ a dépassé les 50 % de jeunes qui atteignent un diplôme du supérieur.
Si l'autonomie des établissements peut avoir dans certains pays des résultats légèrement meilleurs, pour Eric Charbonnier il est difficile de dissocier un élément unique,comme le montre un système totalement décentralisé comme en Suède, un pays qui a été critiqué car les inégalités ont augmenté depuis une quinzaine d'années.
Béatrice Gille, présidente du CEE, a conclu cette matinée en évoquant l'évaluation de l'école, un pari fait pour “développer l'effet établissement“, avec un travail sur l'équité scolaire dans les établissements dont l'objectif vise justement à réduire les inégalités.