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Orchestres à l'école : Un dispositif fragile financièrement, mais au développement continu

Paru dans Scolaire, Culture le mardi 08 novembre 2022.

Des cuivres et des guitares qui résonnent fort dans le conservatoire Maurice Ravel à Paris. Le groupe Rouquine, entouré d'un orchestre complet de collégiens, entame une de ses dernières chansons. Ce partenariat entre des professionnels de la scène et des élèves de 3ème existe grâce au dispositif “Orchestre à l'école“. L'association du même nom possède deux arrangeurs pour adapter les mélodies au niveau des élèves et leur permettre de savoir jouer en 3-4 mois sans avoir fait de solfège avant.

Ainsi ces lundi 7 et mardi 8 novembre, se réunissaient pour les 3èmes assises d'Orchestre à l'école des partenaires issus de 59 départements avec pour objectifs d'échanger, de témoigner des bonnes pratiques, et de “connaître les difficultés de terrain pour les accompagner au mieux“ les projets, expose Sophie Chessoux, chargée de communication de l'association.

Exclus du financement de l'EAC

Chaque année en effet, environ 150 orchestres à l'école sont créés, et en 2022 ce sont plus de 42 000 enfants qui pratiquent un instrument dans le cadre de 1 540 orchestres (au sein même de leur établissement scolaire) répartis sur 98 départements. Le volume horaire de l'activité musicale (2h à 2h30 par semaine) est considéré comme “conséquent, bien au-delà des heures dédiées aux pratiques artistiques dans l’éducation artistique et culturelle (EAC) ou à celles d’éducation musicale en collège“. Reposant en majorité sur la pratique, ils sont très rarement intégrés dans les politiques d'EAC et sont donc exclus de leurs financements.

Pour fonctionner, le dispositif “Orchestre à l'Ecole“ rassemble trois partenaires, une collectivité locale, un conservatoire (ou une association, c'est à dire ceux qui vont fournir les profs d'éducation musicale) et l'Education nationale. “Notre rôle, indique la fondatrice de l'association Marianne Blayau, est un rôle de ressource, les projets d'orchestre à l'école ce sont les territoires qui les font, ce sont eux qui les montent et qui en financent le fonctionnement, nous on est là pour impulser la demande, pour aider au financement de l'investissement et surtout pour veiller à ce que dans le montage, on fasse des projets de qualité“.

Auteurs d'une étude sur les impacts des orchestres à l’école sur les territoires, François Pouthier et Vincent Lalanne (Université Bordeaux Montaigne) ont expliqué que ce dispositif se trouve à la croisée de trois politiques publiques sectorielles (ministère de l'Education nationale, ministère de la culture et Agence nationale de cohésion des territoires), mais qu'il n'est “pas du tout évident que ces politiques fonctionnent en transversalité, alors qu'orchestre à l'école répond à ça“. Et si à certains endroits cela fonctionne très bien, il s'agit avant tout d'un succès émanant “de relations humaines avant d'être politiques“.

"On part du principe que les enfants sont capables d'y arriver"

Les universitaires montrent dans leur étude les nombreuses qualités du dispositif, notamment au niveau pédagogique, ce que confirme Marianne Blayau : “Cela permet vraiment de redonner une deuxième chance aux enfants, d'apporter de la pédagogie différenciée, un changement de posture. On part du principe que les enfants sont capables d'y arriver et c'est à nous de nous mettre à leur niveau dans les apprentissages en les tirant vers le haut, en leur demandant de l'exigence, avec des artistes qui les poussent plus loin, on leur offre une possibilité de réussir là où certains sont déjà dès le départ OUT, et ça s'adapte partout, dans un petit village de 500 habitants, comme à la montagne ou à la ville.“

Les chercheurs pointent cependant plusieurs faiblesses, comme le manque voire l'inexistence de formation à la pratique orchestrale dans l'Education nationale, alors “ce qui se fait sur le terrain c'est de la formation entre pairs“. Il y a encore le fait que jeunes et parents sont impliqués “mais peu associés“, et surtout le fait que les orchestres sont peu intégrés dans les programmes d'EAC, et même peu identifiés : “L'éducation nationale n'apporte quasiment pas de financement au local et quand elle l'apporte c'est sous une autre appellation“, estime François Pouthier dans son intervention.

“L'Education nationale en reconnaît l'utilité, poursuit Marianne Blayau, ils nous soutiennent moralement, beaucoup, par exemple J-M Blanquer avait écrit à tous les recteurs pour demander de mettre deux référents orchestre à l'école dans chaque département, donc il y a des actions, et sur le terrain ce sont les inspecteurs qui renvoient les porteurs de projets vers nous, il y a un vrai lien et aucun problème de confiance, il y a un vrai soutien opérationnel, mais pas de soutien financier.“

La fragilité financière de l'association est en effet peut-être un des éléments les plus prégnants de l'étude menée par les universitaires, malgré son succès non démenti depuis 2008 et sa croissance exponentielle (on compte 10 fois plus d'orchestres sur la période). C'est une “grosse faiblesse de l'EN malgré que l'outil y soit beaucoup intégré“, constate d'ailleurs François Pouthier.

L'Education nationale subventionne à hauteur de ... 50 000 €

“Il faut qu'on arrive à leur faire comprendre qu'il faut qu'ils nous donnent un tout petit peu plus“, estime d'ailleurs Marianne Blayau qui dit s'épuiser à formuler des demandes de subventions. Quand on dit qu'on achète la moitié du parc instrumental et qu'on accompagne les porteurs de projets, pour nous à 150 orchestres à l'école par an c'est 1,2 million d'euros dépensés, et on ne va pas le sortir de notre poche. Il faut un socle qui nous permette au moins d'assurer le fonctionnement de notre association (qui compte 19 personnes, ndlr), d'avoir les fonds pour les instruments, et ça c'est loin d'être le cas. Le ministère de la culture donne 640 000 euros (une subvention attribuée par Françoise Nyssen, ndlr), alors que le ministère de l'EN en donne 50 000. En mettant les orchestres à l'école en place, ce sont les collectivités qui les financent : au total l'Education Nationale récupère, chaque année, 126 000 heures de cours d'enseignement de professeurs extérieurs à l'EN qui permettent ce travail par pupitre, ces changements de posture dans la classe. D'ailleurs cela ne coûte pas si cher cher que ça pour les collectivités, car cela se fait avec les conservatoires qui existent déjà. On n'a pas essayé de révolutionner, on s'appuie sur ce qui existe.“

La fondatrice de l'orchestre à l'école, qui compte 4 000 enfants de plus chaque année, souhaite développer le dispositif, pour arriver à “100 000 tranquillement au fil des années“.

Le rapport  “La contribution des orchestres à l’école au développement culturel territorial“ ici 

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