Entre violence et désespoir, sans éducation, le sort tragique des enfants du camp d'Al-Hol en Syrie (MSF)
Paru dans Scolaire le mardi 08 novembre 2022.
“Nous avons vu et entendu beaucoup d’histoires tragiques dans le camp de détention d’Al-Hol, des enfants morts d’avoir attendu trop longtemps une aide médicale d’urgence, des histoires de jeunes garçons arrachés à leurs mères une fois atteint l’âge de 11 ans, et plus jamais revus“ raconte Martine Flokstra, responsable des opérations de Médecins sans frontières en Syrie, dans un rapport publié hier lundi 7 novembre.
79 enfants sont ainsi morts dans le camp de détention d’Al-Hol en Syrie au cours de l’année dernière, indique l'organisation humanitaire qui évoque “la cruauté d’une détention de long terme“ pour les 50 000 personnes qui s'y trouvent, dont 64 % sont des enfants et la moitié ont moins de 12 ans.
Y est notamment détaillée la séparation des jeunes garçons et adolescents “de force“, violente, devenue routinière et systématique dans l'Annexe (la partie du camp réservée aux étrangers, ndlr) passés leurs 11 ans. Ceux-ci seraient déplacés dans le système de détention criminelle ou envoyés dans des centres de réhabilitation au Nord-Est de la Syrie, sans que personne ne puisse malgré tout certifier leur présence.
“Ils enlèvent les jeunes adolescents garçons à leurs mères. Quel droit ont-ils de prendre nos enfants et de les mettre en prison ? Il y a deux jours, ils ont pris l'enfant de 12 ans de mon amie. Ils sont entrés dans la tente à 2 heures du matin et ont emmené le garçon. Je ne peux vous décrire l'état de sa mère. On parle de droits humains, de droits de l'enfant, mais ça n'existe pas ici. Nous sommes en prison, pourquoi donc ?“, explique ce témoin du camp.
Ainsi, de nombreux résidents du camp disent se sentir incapables de protéger leurs enfants des violences physiques et sexuelles, des risques d'arrestations arbitraires et de l'influence destructrice des groupes violents présents à l'intérieur même d'Al-Hol sur le comportement des jeunes. Ils soulignent constamment l'accès limité aux services éducatifs apportés par les organisations humanitaires.
“La situation impacte nos enfants. Je ne sais pas ce qui se passe avec eux, on n'arrive pas à les contrôler. Ils sont surement épuisés par la situation. Il n'y a pas d'éducation, seulement un niveau pour apprendre à lire et à écrire. Après, pendant 5 ans, ils restent au même niveau. La génération entière sera perdue“, assure cet autre témoin.
D'où le dilemme quotidien pour ces résidents, alors que 35 % des personnes décédées à Al-Hol en 2021 étaient des enfants de moins de 16 ans, soit ils gardent leurs enfants dans leurs tentes pour les protéger des multiples dangers, limitant leurs interactions sociales et leur accès à l'éducation, soit ils les laissent sortir et risquer d'être blessés, arrêtés voire même tués.
“Les membres de la Coalition internationale contre l’Etat Islamique et les pays dont les ressortissants sont détenus à Al-Hol et dans d’autres centres de détention du nord-est syrien ont failli à leurs obligations, estime ainsi Martine Flokstra. Malgré la violence et le danger auxquels sont exposés les habitants d’Al-Hol (...), les efforts pour fermer le camp restent insuffisants (...). Il n’y a toujours pas de solutions alternatives sur le long terme pour mettre fin à cette détention arbitraire et illimitée. Plus la détention se prolonge à Al-Hol, plus la situation se dégrade, laissant une nouvelle génération vulnérable à l’exploitation et dont l’enfance aura été marquée par la violence."
Le rapport “Entre deux feux : le camp syrien d’Al-Hol entre danger et désespoir“ ici